Les Assises du Travail et de l’Emploi ont démarré, hier, à l’Atal Bihari Vajpayee Institute of Public Service and Innovation à Réduit. Syndicalistes, représentants des employeurs et ceux du gouvernement se concertent en vue d’améliorer les lois du travail, de remédier au problème de Skills Mismatch, d’empêcher l’exode des jeunes, d’améliorer le système de recrutement, les relations industrielles et les mécanismes en vue de résoudre les conflits industriels. Les discussions – qui prennent fin demain – se déroulent sous l’écoute attentive de Frederik Muia, directeur régional de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour la région de l’océan Indien, soit Madagascar, les Comores, les Seychelles et Maurice. Les recommandations découlant de ces discussions déboucheront sur une nouvelle loi du travail ou sur des amendements aux lois du travail existantes.
Intervenant à l’ouverture, le ministre Reza Uteem a déclaré que le précédent régime n’a pas tenu de consultations populaires sur la réforme même des lois du travail. Il indique que lorsqu’il était dans l’opposition, il reprochait à l’ancien gouvernement d’apporter des amendements à la Workers Rights Act et à l’Employment Relations Act au travers du Finance Bill. « Très souvent, nous étions placés devant un fait accompli et en fin de compte certaines mesures ne parvenaient pas à être implémentées ou révisées. C’est pourquoi nous avons décidé d’ouvrir les discussions pour prendre connaissance des appréhensions des employeurs, des aspirations des syndicalistes et des employés. Ce ne sera pas une tâche facile car tout le monde a ses idées. Je souhaite quand même faire converger ces idées vers une Win-Win Situation », fait-il comprendre, tout en insinuant que « certaines instances prennent trop de temps pour résoudre des litiges industriels. »
À ce jour, le ministère du Travail a enregistré pas moins de 400 propositions. Celles-ci sont analysées dans la mesure du possible au cours des discussions. La première journée a été consacrée cependant aux Labour Rights and Conditions, avec une évaluation de leur pertinence dans la conjoncture. Par exemple, il y a une proposition pour revoir la définition du terme Worker après l’entrée en vigueur du salaire minimum, après la révision du taux d’inflation et la mise en application du principe de relativité salariale. Des salariés, autrefois dans la définition de Worker, se situent maintenant en dehors des dispositions de la Workers Rights Act, ce qui fait que cette catégorie doit se fier aux négociations collectives.
Par ailleurs, Reza Uteem a évoqué que l’introduction de la semaine de 40 heures proposée dans le manifeste électoral du gouvernement suscite une certaine appréhension du côté des employeurs. La question est de savoir si la mise en application pourra se faire dans tous les secteurs ou dans certains spécifiquement. Les congés parentaux seront également discutés. La deuxième journée est consacrée à l’employabilité et la migration.
Le ministre a salué la participation de ses collègues au sein du comité interministériel sur les travailleurs étrangers. Le conseil des ministres a approuvé, vendredi, de nouveaux règlements pour le recrutement des travailleurs étrangers. Les questions de Skills Mismatch, du Brain Drain, de l’Occupational and Health seront abordées également. Il a profité de l’occasion pour demander aux syndicalistes de mettre de côté leur idéologie et de travailler ensemble pour améliorer la condition des travailleurs.
De plus, la question sensible qui se pose actuellement : quelle est la formation syndicale la plus représentative ? Le nombre d’adhérents n’est pas forcément la formation syndicale la plus représentative des travailleurs, a-t-il fait ressortir. Il dit attendre la conclusion des échanges à ce chapitre. Le mécanisme de règlement de litiges fera également l’objet de débats. Faut-il accorder des pouvoirs accrus à la Commission de Conciliation et de Médiation ou encore revoir ceux de l’Employment Relations Tribunal ? L’objectif final demeure un Speedy Mechanism. “I have always said. If you have a happy worker, you will get a productive worker, and if you have a productive worker, you will have a profitable enterprise”, s’est-il appesanti.
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Rajeshree Thylamay (CITU)
« Les syndicats ne sont pas des obstacles au développement »
La présidente du Congress of Independent Trade Unions (CITU), Rajeshree Thylamay, a déclaré que pour encadrer les syndicalistes, les travailleurs et leurs familles, il faudra mettre sur pied une Trade-Union House. Aussi, il faudra un One-Stop Shop pour la conciliation et la médiation, la consolidation du Portable Retirement Gratuity Fund, la réintroduction du National Pensions Fund et le National Savings Fund. Il faudra aussi introduire une forme de protection pour les travailleurs du secteur informel.
Par ailleurs, la syndicaliste a déclaré que l’avènement de l’intelligence artificielle est en train de créer de nouvelles opportunités de travail, mais qu’en même temps certains jobs sont en train de disparaître, mettant en péril l’existence des syndicats. Elle a dit noter que l’intelligence artificielle tend à surveiller les travailleurs de près sur leurs lieux du travail. Les employeurs doivent s’assurer que les lieux du travail restent « fair, ethical and transparent ».
Elle ajoute que pendant trop longtemps, les syndicats ont été perçus comme les adversaires des employeurs. Les syndicats ne sont pas des obstacles, ce sont des partenaires du progrès. Ils améliorent les conditions de travail et font progresser la productivité et désamorcent les conflits industriels. « The future of work depends on our ability to keep social dialogue alive. Trade Unions are not obstacles to development. They are partners in bringing prosperity with dignity », a-t-elle ajouté. Et ce, avant de conclure : « Allons mettre à contribution les Assises du travail pour renouveler notre engagement pour davantage de justice sociale ; encourageons les travailleurs à se joindre aux syndicats sans aucune crainte. Together, government, employers, workers, we can continue to shape a Mauritius where economic growth goes hand in hand with fairness, where no one is left behind. »
Frederik Muia félicite Uteem pour
« le dialogue social et le tripartisme »
Le directeur régional de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour Maurice, les Comores et les Seychelles félicite Reza Uteem pour l’organisation de ces Assises au début de son mandat pour encourager le dialogue social et le tripartisme. Il a fait remarquer que le Chief Operating Officer (CEO) de Business Mauritius, Pradeep Dursun, a dit regretter que cette pratique n’ait pas été organisée dans le passé. L’organisation des Assises du Travail et de l’Emploi est un signal fort qu’a envoyé le ministre Uteem aux syndicats et aux employeurs pour développer une vision partagée et commune pour faire face aux défis qui se dressent dans le monde du travail.
« Nous sommes confrontés à d’énormes défis. Il est donc absolument essentiel que nous nous unissions pour tracer la voie vers un avenir plus inclusif, résilient et durable pour chaque travailleur à Maurice. J’exprime ma plus profonde gratitude au ministère, aux responsables, au représentant de Business Mauritius et aux syndicats. Maurice est consciente des progrès technologiques rapides et des défis liés au changement climatique. Le vieillissement de la population et la nécessité de garantir aux entreprises mauriciennes l’accès aux compétences dont elles ont besoin sont des défis cruciaux », dit-il.
Des données récentes de Statistics Mauritius soulignent cet état de fait. Au premier trimestre 2025, le taux de chômage national s’élevait à 6 %, touchant 35 000 personnes. Le taux de chômage des jeunes est de 19 %, soit dans la tranche des 16-24 ans, représentant quelque 12 000 jeunes Mauriciens.
« Cela signifie que plus d’un tiers des chômeurs sont des jeunes, dont beaucoup cherchent leur premier emploi alors qu’ils n’ont pas les compétences adéquates et ont également besoin d’un soutien accru. Ce sont des vies humaines bouleversées et en même temps un potentiel inexploité. En arrivant à Maurice il y a plus de 20 ans, j’ai constaté que votre économie est passée d’une économie fondée sur le sucre à une qui soit beaucoup plus diversifiée. La question est de savoir comment garantir que cette économie diversifiée crée des opportunités pour les plus faibles de la société. En donnant la priorité aux emplois verts, à l’économie bleue, à la culture numérique et à l’entrepreneuriat, il est tout aussi important de libérer la prospérité. La protection sociale est un droit humain fondamental », déclare Frederik Muia.
Pradeep Dursun (Business Mauritis)
« Il faut un Impact Assessment sur la semaine de 40 heures »
Le Chief Operating Officer (COO) de Business Mauritius, Pradeep Dursun, affirme que l’association des employeurs croit dans le dialogue social. « Nos attentes tournent autour des discussions franches et motivées où les points de vue des difficultés des entreprises remontent à la surface. Nous avons toujours dit que le recrutement des travailleurs constitue toujours un gros problème pour nous. Business Mauritius a eu l’opportunité de faire savoir qu’elle a besoin d’une certaine flexibilité pour la création d’emplois. Nous faisons face à un manque de main-d’œuvre et il y a aussi l’Issue of Migration », a déclaré le COO de Business Mauritius. Il maintient qu’il faudra un cadre idéal pour le recrutement des travailleurs étrangers. « Business Mauritius est venu ici dans un esprit pour collaborer et pour écouter les propositions des autres partenaires. C’est du Work in Progress », a-t-il dit.
Quant à la proposition visant à introduire la semaine de 40 heures, il a avancé qu’il s’agit en fait d’une grande bataille des syndicalistes sur la scène internationale. Dans la plupart des secteurs à Maurice, la semaine de 45 heures est appliquée. « Nous avons notre propre spécificité. Nous demandons avant tout un Impact Assessment, car le système de production de certaines de nos entreprises est calqué sur un modèle de 45 h. On travaille à la chaîne ; si on rabaisse la semaine de 45 h sans des mesures d’accompagnement, on pourrait avoir des Disruptions ; des retards dans les commandes. Nous avons aussi commandité une étude dans ce sens. Il y a beaucoup d’éléments qu’il faut prendre en considération », dit-il.