Journée des personnes âgées : Protéger nos seniors, un devoir commun

Comme tous les ans, la Journée des personnes âgées sera célébrée le 1er octobre. Une occasion pour rendre hommage à ces «grandes personnes» qui ont donné corps et âme à leur famille, mais aussi à l’État, en dédiant pour beaucoup une quarantaine d’années de leur vie au marché du travail. C’est aussi une occasion pour faire le point sur comment, nous, en tant que société, traitons nos seniors. Alors que, démographiquement, la population mauricienne vieillit, investir davantage dans les infrastructures nécessaires pour améliorer la qualité et les conditions de vie de nos gran dimounn est une nécessité. Les valoriser, encore plus.

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Une promenade du côté de Vacoas ou de Rose-Belle, les jours de foire, suffit pour mesurer la capacité d’adaptation et de débrouillardise de nos seniors. Sacs remplis de légumes, ils sont nombreux à profiter des jours de foire pour sortir faire leurs emplettes de la semaine, mais aussi pour rencontrer et voir du monde. «Nous ne sortons pas beaucoup. La santé ne nous le permet pas, mais de temps en temps, aller au marché, rencontrer d’anciens collègues fait du bien au moral», nous confie Geneviève, septuagénaire des Hautes Plaines Wilhems. Retraitée depuis une dizaine d’années, cette ancienne employée de l’État confie avoir «une bonne retraite», même si elle se dit triste de rencontrer encore beaucoup de seniors comme elle qui sont moins lotis et «peut-être moins chanceux.»

En effet, le vieillissement de la population constitue aujourd’hui l’une des mutations les plus marquantes de la société mauricienne. En 1972, les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient environ 6% de la population mauricienne. En 2000, elles constituaient 9% de la population, puis 13% en 2013, soit quelque 171 941 personnes. Les projections estiment qu’elles atteindront 23,6% de la population d’ici 2035. Par ailleurs, en 2024, 14,2% des habitants avaient plus de 65 ans, contre 13,6% en 2023. Parallèlement, la proportion des jeunes de moins de 15 ans recule à 16,0%, contre 16,2% l’année précédente. La population en âge de travailler, qui représentait 70,2% en 2023, est désormais ramenée à 69,8%.

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Cette évolution démographique accélérée entraîne une hausse du taux de dépendance, passé de 424,8 à 431,7 en un an. Concrètement, pour 1 000 actifs, on compte désormais 432 personnes à charge, qu’il s’agisse de jeunes ou de retraités. Ce déséquilibre accroît la pression sur le marché du travail ainsi que sur le financement du système de retraite. Avec moins de cotisants pour soutenir la protection sociale, l’État devra composer avec une augmentation des dépenses de santé et de pension, alors même que sa base fiscale tend à se réduire. À terme, cette dynamique risque d’alimenter de fortes tensions économiques. Une société vieillissante se traduit par des charges croissantes pour la santé et les retraites, tandis que le recul de la population active freine la production et limite le potentiel de croissance du pays.

Les seniors vivent de plus en plus seuls

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Par ailleurs, selon le National Integrated Care fors Older People (ICOPE) Strategic and Action Plan 2022 – 2026 publié il y a quelques années par le ministère de la Santé et de la sécurité sociale, les données montrent que la prévalence des difficultés à accomplir les activités quotidiennes en raison de problèmes de santé (physique et mentale) est plus élevée chez les femmes (9,8%) que chez les hommes (7,7%). Elle augmente avec l’âge, passant de 10% chez les femmes de moins de 60 ans à 24% chez les personnes âgées de 60 ans et plus.

En ce qu’il s’agit du logement et des modes de vie des personnes âgées, le rapport propose une comparaison des modes de vie entre 2000 et 2011. Si les données datent d’il y a 10 ans, elles donnent une indication des conditions de vie de nos seniors. Ainsi il est indiqué qu’en 2011, 31% des personnes âgées vivaient de manière indépendante, seules ou avec leur conjoint, ce qui représente une augmentation de 22% par rapport à 2000. Plus des deux tiers des personnes âgées vivaient dans des ménages mixtes en 2011. Une forme d’arrangement qui montrait déjà une diminution. La taille moyenne des ménages est passée de 3,9 à 3,5 en raison de l’augmentation du nombre de familles monoparentales et de personnes vivant seules.

En 2011, 98,7% des personnes âgées vivaient dans des ménages privés et 1,3% résidaient dans des institutions telles que des infirmeries ou des maisons de retraite. Ce qui explique le fait que le nombre de foyers privés agréés est en hausse, passant de 34 en 2016 à 52 en 2022. En 2011, parmi les personnes âgées vivant dans des ménages privés, 11% vivaient seules. Les femmes âgées étaient plus susceptibles que les hommes âgés de vivre seules. En effet, une espérance de vie plus élevée chez les femmes, combinée au fait que les hommes sont généralement plus âgés que leurs épouses, explique la proportion plus importante de femmes vivant seules dans cette tranche d’âge. En 2011, 15% des femmes âgées vivaient seules, contre seulement 6% des hommes âgés.

La dignité humaine

De plus, le nombre de maisons de retraite a augmenté ces dernières années. En 2020, on comptait 52 établissements privés en activité dans le pays. Actuellement, 22 institutions caritatives financées par le gouvernement, offrant des soins infirmiers et médicaux sur place, sont gérées par des organisations non gouvernementales. Cependant, plus les années passent et plus la demande d’admission dans ces établissements dépasse largement leur capacité d’accueil…

En outre, la récente enquête menée par l’ONG Dis-Moi sur plus de 200 personnes avec un pourcentage de 51,06% d’hommes et de 48,40% de femmes âgés de 60 à 70 ans+ lève le voile sur un phénomène dont on parle très peu et qui concerne essentiellement la santé mentale, la dignité et la valorisation des personnes âgées dans notre société actuelle. Dans la première partie du rapport dédié aux comportements envers les personnes âgées justement, si la grande majorité des personnes interviewées ont confié ne pas être la cible de moqueries et de blagues, 12% affirment les avoir « fréquemment subies. » De plus, l’enquête révèle que 14,7% de seniors « ont été fréquemment ignorés ou qui n’ont pas été pris au sérieux à cause de leur âge » et que 5,8% « ont fréquemment subi des insultes. » Quant au respect de la dignité de la personne, si 56,9% disent qu’elles sont respectées dans leur entourage, 14,7% affirment le contraire !

La deuxième partie du rapport concerne les préjugés sur les personnes âgées, soit du regard que portent les Mauriciens sur leur « gran dimounn ». Ainsi, 12% ont confié avoir été traités fréquemment comme « un ignorant à cause de mon âge », tandis que 28,4% disent avoir été traités ainsi « moins souvent ». De plus, 16,9% disent avoir « été fréquemment perçus comme incapables de comprendre » en raison de leur âge. Le rapport souligne aussi que 19,6% confient avoir reçu la remarque selon laquelle elles « étaient trop vieilles/vieux pour ça. »

Outre les blagues ou encore les commentaires parfois rabaissants et blessants à l’égard des personnes âgées, il existe aussi des formes bien plus visibles de discrimination dont elles sont victimes. Des personnes âgées interrogées, 3,1% affirment avoir été refusées une maison à louer à cause de leur âge. Et 1,3% disent avoir été refusés un emploi « parce que je suis un/une homme/femme âgé(e) ». Finalement, 11,6% disent avoir subi, à un moment donné, des actes de vandalisme, d’attaques et de négligence et 1,3% affirmant en avoir été victimes fréquemment ! Quant aux cas de maltraitance au sein de la famille, 1,3% affirment encore une fois avoir été « fréquemment attaqués par un membre de ma famille à cause de mon âge. » Concernant les seniors qui sont laissés seuls à la maison, n’ayant parfois pas accès aux soins médicaux, 11,1% disent vivre cela fréquemment. Ou encore 4,4% disent n’avoir pas reçu leurs médicaments à l’heure.

LEGENDE

Selon une étude, la prévalence des difficultés à accomplir les activités quotidiennes en raison de problèmes de santé (physique et mentale) est plus élevée chez les femmes (9,8%) que chez les hommes (7,7%)

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