Transport en commun : Changer de fusil d’épaule face à la spirale délinquante

Le dimanche 21 septembre 2025 est à marquer d’une pierre noire pour le secteur du transport en commun. Certes, il s’avère que l’attaque au couteau subie par Steward Pierre, dans le métro, serait apparemment liée à un règlement de compte, mais cet épisode a provoqué une onde de choc parmi les voyageurs, le staff de la compagnie ferroviaire et la population en général, au même titre que la violente agression infligée par une passager à Pravin Bhawoo, un receveur d’autobus de la CNT. De tels incidents ne sont hélas que la partie émergée de l’iceberg. Ces dernières années, de plus en plus de signalements nous sont parvenus, relatant des actes de violence et des menaces à l’encontre des voyageurs et des membres du personnel des transports. Le ministre du Transport, Osman Mahomed, a annoncé des mesures strictes pour assurer la sécurité du public et des travailleurs du secteur dans le prochain Bus Industry Services Bill ainsi que l’introduction d’un Fleet Management System, où chaque autobus devra obligatoirement être équipé de caméras de surveillance.

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Les cas de menace et de coups infligés à des employés de Metro Express Ltd (MEL), de la part des fraudeurs, notamment, durant ces cinq dernières années sont notoires, mais le dernière en date a eu un tout autre retentissement : le triste et révoltant spectacle de l’agression sauvage de Steward Pierre, un habitant de Rose-Belle de 35 ans, poignardé à bord du métro à hauteur de Belle-Rose, avant que l’auteur des faits ne profite de l’arrêt pour s’enfuir, provoquant la panique parmi les témoins. Le SAMU a été dépêché sur place pour lui prodiguer les premiers soins. Grièvement blessé, Steward Pierre a été transporté d’urgence à l’hôpital Victoria. L’agresseur présumé, Rilesh Appannah, 25 ans, habitant Belle-Rose, a été arrêté le lundi 22 septembre à l’issue d’une opération ciblée menée par la Divisional Crime Intelligence Unit de l’Ouest. Un couteau pliable utilisé lors de l’attaque a été saisi comme pièce à conviction. Steward Pierre, qui est sorti de l’hôpital, se remet lentement de son agression qui lui a laissé une balafre au visage.

À l’instar des agents et Ticketing Officers de la compagnie MEL qui sont souvent confrontés à la rébellion de certains passagers qui ont assimilé le fait de voyager gratuitement à un droit acquis, les receveurs d’autobus doivent souvent faire face à des individus faisant preuve d’agressivité en usant de prétextes fallacieux pour justifier le fait de ne pas être en possession d’un ticket. Le cauchemar vécu par Pravind Bhawoo, 31 ans, un receveur de la CNT, agressé par un passager alors qu’il était de service à Quatre-Bornes, est symptomatique de la dure réalité à laquelle sont confrontés de nombreux employés dans ce secteur. Le suspect, qui a refusé de présenter son ticket de bus, a asséné un violent coup de poing au visage de l’employé. Il a ensuite pris la fuite à travers une fenêtre de l’autobus qui était en marche. Le visage en sang, Pravind Bhawoo s’est rendu au poste de police de la région avec son collègue, avant de recevoir des soins à l’hôpital Victoria, à Candos. Il a ensuite été dirigé vers l’hôpital ENT, à Vacoas. Si son nez n’a pas eu de fracture, c’est le cas en ce qu’il s’agit de son épaule.

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« Li pa fasil pou zer sa, sirtou si ou enn fam »

Les voyants sont au rouge et les langues se délient du côté des employés du secteur du transport en commun pour réclamer plus de mesures de protection. Bien plus que les vols et les agressions, ce sont les interactions indésirables, les injures, l’ivresse, l’agitation et l’errance qui suscitent par leur fréquence l’insécurité personnelle des Ticketing Officers, receveurs, chauffeurs et voyageurs. Dès que la nuit tombe, le sentiment d’insécurité prend le pas. Les terminus des transports en commun, en fin de ligne, se relèvent souvent les parcours les plus dangereux. 

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« Nous devons être aguets face aux sifflements, regards insistants ou remarques sexistes en tout genre, qui deviennent monnaie courante. Parfwa ena dimounn pa rod peye. Li pa fasil pou zer sa, sirtou si ou enn fam. On ne sait jamais ce qui peut arriver », confie une receveuse d’autobus. Bon nombre de receveurs considèrent la foule comme une barrière sociale susceptible de décourager le passage à l’acte des délinquants. « On est soulagé lorsqu’il y a énormément de passagers à bord, car ça peut dissuader certains voyous de faire les cons », confie notre interlocutrice.

Un autre décor fait tache : le ballet des dealers et des toxicomanes qui s’installent autour de certaines stations et arrêts d’autobus, instillant la peur, le doute dans l’esprit des usagers et du personnel. « Les lieux sont dans un état repoussant, se traduisant par des scènes ouvertes d’usage de drogues. Les habitants hésitent à prendre le métro passé une certaine heure, car parfois, ces gens usent un langage grossier. Que fait la police ? Ils ne sont pas assez présents à nos côtés. Tous les soirs, des centaines de touristes voyagent dans les trains après une escapade au Caudan. Il faut tenir cela en compte », déplore un employé de MEL.

Conscient du malaise provoqué par cette spirale délinquante qui a rapidement enflammé les réseaux sociaux, le ministre du Transport, Osman Mahomed, a tenté, dès lundi, de les déminer. Lors d’un point de presse, à l’issue d’une réunion avec des représentants de la CNT et de la force policière, il a annoncé qu’une révision stricte de la législation sur les transports publics sera mise en œuvre très prochainement.

« Ce qui s’est passé dimanche est révoltant et scandaleux. Il est de notre devoir de changer notre fusil d’épaule face à ces outrances. Nou pe al fer Fleet Management System, sa ve dir met GPS dan bis ek nou pe osi gete ki dan mem package met kamera. Avec la nouvelle loi, a dit le ministre, les propriétaires d’autobus qui n’ont pas de caméra de surveillance opérationnel en bonne et due forme seront pris en contravention. Mon ministère finalise le Bus Industry Services Bill. Le projet doit être présenté prochainement au conseil des ministres. Il faut que ça soit clair dans l’esprit de tous les acteurs de ce secteur. »

« Il nous faudrait des vigiles avec de la poigne ! »

What next en ce qu’il s’agit de la sécurité à bord des trains ? La question est sur toutes les lèvres. Face à la multiplication des actes d’incivilité, MEL a, certes, pris la mesure de la gravité de la situation en renforçant les contrôles, se traduisant notamment par un déploiement plus conséquent des forces de l’ordre et des Ticketing Officers. Sauf que ces vagues de contrôles massifs se heurtent à des pierres d’achoppement lorsqu’aucun agent des forces de l’ordre n’est pas présent dans les rames. « C’est là où le bât blesse. Les voyous se sentent pousser des ailes lorsqu’ils constatent que des policiers sont absents. Surtout lorsqu’ils ont affaire à des femmes », confie une inspectrice.

La question est d’autant plus légitime que, depuis le 21 juin 2025, le conseil d’administration de MEL a résilié le contrat de la firme Edmond Security Services Ltd, qui était responsable de la sécurité du réseau ferroviaire. En sus de la multiplication des cas de vol et de vandalisme sur les stations, ladite compagnie était sur la sellette depuis la fin de l’ère du MSM, après certaines zones d’ombre ayant fuité dans les Moustass Leaks sur les dessous de son contrat.

Reste que, comme le soulignent des employés de MEL, pour dire les choses crûment, « au-delà de l’absence de membres des forces de l’ordre au cours de certaines inspections, les agents d’Edmond Security Services Ltd qui assuraient naguère la sécurité dans les rames et sur les stations n’avaient pas le gabarit nécessaire pour tenir tête aux voyous qui se sentent pousser des ailes lorsqu’ils constatent que des policiers sont absents. Il nous faudrait des vigiles avec de la poigne, comme ceux qui jouent un rôle crucial dans la sécurité et le bon déroulement des soirées en établissement nocturne. On a besoin de gens dotés de qualités personnelles pour gérer les situations potentiellement conflictuelles. »

Nous avons posé la question à Osman Mahomed sur cette éventualité. « Un chose est sûre. Un fort dispositif des forces de l’ordre sera déployé. C’est déjà le cas, mais il nous faut faire plus. Notons qu’il y a un appel d’offres qui a été lancé pour enrôler un nouveau prestataire de sécurité privée. Sachez que j’ai évoqué la question du recrutement de vigiles avec nos partenaires, mais que rien n’a été décidé à ce stade », a répondu le ministre.

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