Paula Lew Fai
Papa-Piti, Papa-Piti, Papa-Piti…
C’est comme une litanie, récitée à longueur de média lors du dernier gouvernement MSM. Aujourd’hui, c’est le même refrain.
Chaque cycle de pouvoirs en place apporte son lot de rebondissements qui alimentent les réseaux sociaux de cynisme, franches rigolades, désespérance….
Par-delà les clivages politiques, nous nous retrouvons avec plus ou moins les mêmes problématiques qui nous enfoncent toujours un peu plus dans les sables mouvants d’un développement économique et social sous tension.
Les institutions ? Oui et non. Elles ne sont pas au rendez-vous de l’histoire parce que les hommes et les femmes qui sont supposément honorables faillissent à leurs responsabilités et qu’une institution n’est jamais une coquille vide.
Au-delà des trois Papa-Piti qui ont marqué et marquent l’histoire institutionnelle récente de notre pays (politique, policière et bancaire), que pouvons-nous dire de cet engrenage qui nous rend si perplexes quant à l’existence de l’éthique, d’un principe moral dans nos modes de gouvernance ? Rêvez, Madame. C’est gratuit. Personne ne peut vous empêcher de dormir et de vous perdre dans des rêves bleus ou roses, dénués de consistance.
Les enquêtes sont en cours avec des protagonistes qui donnent leurs versions sur les malversations observées aux échelons supérieurs des forces policières et de la Banque de Maurice. Suivons-nous ces feuilletons avec intérêt ? Bof. Désabusés certainement. L’intérêt serait plutôt de savoir qui va protéger qui ? et pourquoi ? Y aura-t-il séparation des pouvoirs ? Tout ceci n’est guère envisageable pour nous, simples citoyens, trop crédules, d’extrapoler ou de faire des scénarios rocambolesques.
À notre niveau, la question est de comprendre ce qui a pu conduire à ces épisodes répétitifs Papa-Piti. Cela, afin que d’autres Papa-Piti ne viennent plus nous empêcher de relever les vrais défis auxquels nous devons faire face.
Les enjeux sont personnels et sociaux. Prestige de la famille, honneur du nom, transmission de biens symboliques et financiers…on ne recule devant aucun obstacle pour assurer cette passation de pouvoirs. C’est surtout cette énergie compulsive qui entraîne le rejet de tout principe moral.
Mais, y a-t-il aussi certaines dynamiques internes à des familles qui permettent ces dérapages ?
Nous touchons ici aux rôles impartis au couple mère / père ? De la petite enfance à l’âge adulte.
Nous le constatons : dans les familles asiatiques, pour des raisons culturelles et/ou conjoncturelles, le fils et la mère, très souvent forment un couple très soudé. Toute l’éducation du fils est laissée aux soins de la mère. La fonction du père se résume à celle de nourricier. Sa capacité à assumer d’être un « Autre » que la mère, de lui faire contrepoids (contrepoids à l’importance de la mère) est très faible. Son absence symbolique et/ou réelle n’introduit pas la séparation, la différenciation et ne permet pas ainsi la structuration psychique équilibrée des enfants. Son écoute, son regard sont différents de ceux de la mère.
Sa fonction de père est ainsi la protection contre les angoisses de séparation, l’invitation à la sublimation des pulsions, par exemple, le détournement de l’énergie d’une pulsion agressive, et la proposition d’idéaux à travers des activités socialement permises, voire valorisées.
Il est le garant d’une autorité constructive qui positionne les limites et qui fera des enfants des adultes responsables.
« Il faut… qu’un tiers intervienne, qui soit l’image de quelque chose de réussi, le modèle d’une harmonie ». « Il faut une loi, une chaîne, un ordre symbolique, l’intervention de l’ordre de la parole, c’est-à-dire du père …L’ordre qui empêche la collision et l’éclatement de la situation dans l’ensemble est fondé sur l’existence de ce nom du père » (Lacan [1956], 1981).
Ce concept « Nom du père » (1), désigne ainsi pour Lacan un ensemble d’opérations qui permettent à l’enfant de se détacher de sa mère et à la mère de se détacher de son enfant. C’est aussi un NON du père. Qui met les limites et apprend à les respecter.
L’absence réelle du père ou absence de ses fonctions structurantes, son regard vide ou dévalorisateur, on le sait, réduit entre autres la capacité à prendre de vrais risques, à surmonter les obstacles, à faire preuve de courage, à s’affirmer et à assumer les conséquences de ses actes.
Et, quand le fils devenu adulte, le père se réveille comme dans les cas de Papa-Piti,
« Rien de pire que le père qui se prend pour la loi sur tout », dit Lacan, 1975.
(1) Elisabeth Roudinesco et Michel Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Fayard, coll. « La Pochothèque », 2011 (1re éd. 1997), « Nom-du-père », p. 1071-1073.