Le rapport de la National Human Rights Commission

Faisant partie de ceux – de plus en plus nombreux dans le pays – qui trouvent que le gouvernement est trop lent, que les promesses faites ne sont pas tenues, et que le signes du changement promis se font attendre, il serait de mauvaise foi de ne pas reconnaître que la publication du rapport de la National Human Rights Commission (NHRC), cette semaine, est une première. D’autant plus qu’elle a été précédée par la publication de deux autres rapports censurés par l’ancien gouvernement : ceux sur la CWA et le Wakashio. Dans un pays où, jusqu’à tout récemment, les enquêtes sur les institutions et ceux qui les dirigent prenaient un temps infini à être ordonnées et faites avant que leurs rapports ne soient jetés aux oubliettes, la rapidité du travail de la nouvelle NHRC mérite d’être saluée. Il lui a suffi de seulement quelques semaines pour mener une enquête, entendre les témoins, et produire le rapport que le gouvernement a rendu public. L’autre première réside dans le fait qu’aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps, la précédente commission n’a jamais publié de rapport si tant est qu’elle en ait réalisé un. Sa principale occupation semblait être de s’occuper des « missions » à l’étranger de son président, tous frais payés par l’argent public. De par son immobilisme et son refus d’enquêter sur les cas d’abus, elle était devenue le bull dog sans dents des droits humains à Maurice.
L’enquête de la nouvelle NHRC à partir des incidents survenus à la prison de Melrose en juillet dernier vient confirmer ce que beaucoup de parents de détenus et d’activistes des droits humains disent depuis des mois : que certains gardes chiourmes – à tous les niveaux de la hiérarchie – utilisent la violence, les punitions corporelles et les humiliations, des attitudes dégradantes contre les prisonniers. Que d’autres sont complices avec des prisonniers, principalement les trafiquants de drogue, pour organiser le marché de la contrebande interne de la prison où l’on peut trouver, en y mettant le prix, doses de drogue diverses et téléphones portables dernier cri, entre autres. Les incidents du 17 juillet ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans une prison où l’usage de la force – pas toujours justifié – entretient une tension permanente. C’est un incident entre un prisonnier et des surveillants qui a conduit l’officier en charge de la prison à parler de mutinerie et à faire appel d’urgence à des unités de choc du GIPM et de la SMF. S’en est suivie une action répressive violente, qui était totalement disproportionnée et injustifiée par rapport à la situation. Des prisonniers ont été obligés de se déshabiller et de s’allonger sur le sol face contre terre, pour recevoir des coups de bottes et de tonfas. L’officier en charge qui avait fait appel à la SMF et a la GIPM, avec le soutien de sa hiérarchie, avait parlé d’une foule de 150 prisonniers menaçants pour justifier l’appel à la force. Sur les bandes vidéos de l’incident, visionnées par la commission, il y avait seulement un petit groupe d’une vingtaine de prisonniers. Conclusion : au lieu de régler en interne une altercation entre un prisonnier et un surveillant, les responsables, incapables d’analyser et de gérer la situation, l’ont transformée en une bastonnade générale en faisant appel à des unités du GIPM et de la SMF qui ont fait un usage disproportionné de la force, pour ne pas dire de la violence, contre des dizaines de prisonniers.
Rendre public un rapport sur une institution, surtout si elle était critiquée, était, jusqu’à l’année dernière, une pratique inconnue à Maurice. Il faut, donc, s’en féliciter. Mais il ne suffit pas de publier un rapport pour assurer le bon fonctionnement des institutions, il faut surtout mettre en pratique ses recommandations. Il est, donc, à espérer que le gouvernement mettra en application les recommandations du rapport de la NHRC et que des mesures disciplinaires seront prises contre les officiers des prisons, de police et de la SMF impliqués dans l’incident du 7 juillet à la prison de Melrose. Il faut souligner que l’inénarrable Commissaire des prisons a osé déclarer qu’il trouve « qu’il n’y a rien d’accablant dans ce rapport ! », alors que ce sont des hauts gradés sous sa supervision qui sont blâmés ! Cette déclaration est de la même eau que les rapports qu’il envoie au PMO pour dire que la situation dans les prisons est sous contrôle, alors que, selon les observateurs avertis, la tension est telle dans les prisons qu’il suffirait de pas grand-chose pour provoquer une explosion. Espérons que le gouvernement étudiera et mettra en pratique les recommandations du rapport de la NHRC, au lieu de prendre au sérieux les déclarations du Commissaire des Prisons !
Jean-Claude Antoine

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