L’envers de la médaille : l’élite mauricienne se bat sans soutien médical ni psychologique officiel

La délégation mauricienne de para-athlétisme revient des Championnats du monde 2025 avec des succès éclatants, l’or et l’argent ayant été décrochés dans des conditions jugées pourtant extrêmement difficiles. L’euphorie des médailles est cependant ternie par le cri d’alarme lancé par l’entraîneur national, Jean-Marie Bhugeerathee. Il dénonce avec force les lacunes de l’encadrement qui ne sont pas à la hauteur du niveau mondial de ses athlètes, insistant sur le fait que la santé et la performance de l’élite mauricienne sont mises en péril par le manque de soutien structurel.

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Le point de friction le plus important pour l’entraîneur demeure l’absence de soutien médical officiel lors des compétitions, une lacune qui se manifeste de manière brutale juste après l’effort. L’entraîneur met en opposition le traitement réservé à la championne du monde mauricienne, Noemi Alphonse, avec celui de ses concurrents étrangers, illustré par la championne paralympique belge Léa Bayekula.

Jean-Marie raconte qu’immédiatement après avoir disputé le 100m le matin, « Noemi Alphonse a dû prendre le bus » pour retourner à l’hôtel, où l’attendait une routine d’autonomie : manger, dormir, et revenir pour la finale dans la soirée.

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À l’inverse, il a observé que la championne paralympique belge, Léa Bayekula (cinquième de cette même finale du 100m T54), avait son physiothérapeute « sur les bras » juste après avoir franchi la ligne d’arrivée, comme avant chaque course. Ce professionnel était immédiatement en train de travailler sur sa « rotation » et ses muscles, assurant une récupération et un ajustement biomécanique instantanés.

L’entraîneur souligne qu’un athlète d’élite a besoin d’un médecin sur place pour gérer un symptôme, une déshydratation, ou tout autre problème de santé urgent. Il insiste sur le fait qu’on ne peut pas confier le soin d’un athlète professionnel à « n’importe qui », car cela exige des connaissances spécifiques pour ne pas compromettre la performance. L’entraîneur national décline l’étiquette de « super coach ». Il attribue les succès à une équipe solidaire. Bien que son équipe locale, incluant le Dr Damien Steciuk, Audrey Grandcourt, Yannick D’Hotman, Vanessa Bax, Rudy Sassoli, entres autres, effectue un travail de prévention crucial chaque semaine (massages en profondeur, pliométrie, etc.), l’absence de soutien médical officiel pendant la compétition internationale demeure un risque majeur et une aberration logistique, surtout pour des athlètes qui ont besoin de soutiens continus en ce sens avec leur différentes déficiences propre à chacun et sur qui ces professionnels auront déjà travaillé pendant un bon moment avant les compétitions et qui seront eux mieux capable de les gérer et les préparer avant chaque compétitions sur place lors de ces grands événements.

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Il a ainsi évoqué des petits incidents concernant Anais Angeline qui ne se sentait pas bien lors de ses sauts lors de la finale du saut en longueur T37 et a dû être prise en charge par le centre médical sur le stade. Yovanni Philippe s’est lui blessé à la cheville lors de la série qualificative du 400m T20 et n’a pu terminer la course. L’entraîneur plaide ainsi le fait qu’une bonne préparation sur place par les professionnels qui les suivent à Maurice aurait peut-être pu éviter ces incidents.

Le prix du mental : Noemi Alphonse a payé de sa poche

Le sport de haut niveau exige une résilience physique, mais aussi et surtout mentale explique Jean-Marie Bhugeerathee. La double championne du monde, Noemi Alphonse, a elle-même confié avoir traversé une « galère » morale et une « perte de moral » significative suite à une grande déception l’année dernière. Son entraîneur confirme qu’elle a « galéré pendant quelques mois » et était « moralement un peu down », l’esprit et l’envie de performer étant « partis ».

Face à ce défi crucial pour défendre son titre, le soutien psychologique est devenu une nécessité. L’entraîneur révèle que Noemi a dû faire appel et payer de sa poche (ou via des sponsors) un préparateur mental personnel pour l’aider. L’objectif de ce soutien professionnel était de la mettre « bien dans la tête » avant son 100m. Jean-Marie Bhugeerathee explique la logique de ce recours extérieur : si “le mental n’est pas là”, la performance est vouée à l’échec, car même un entraîneur gérant la piste ne peut pas toujours compenser un moral défaillant face à la pression de l’enjeu.

Si les para-athlètes mauriciens réussissent, c’est au prix d’une « force de caractère » exceptionnelle face à l’incertitude. L’entraîneur déplore que son équipe ait dû avancer « pratiquement dans l’inconnu » en raison du manque de financements pour des compétitions régulières. N’ayant eu qu’une seule sortie à Dubaï en début d’année, l’équipe ignore tout de ce que font leurs concurrents, un manque de repères qui engendre inévitablement des « doutes » chez l’athlète avant le grand rendez-vous.

L’incertitude se manifeste également dans le déblocage des fonds. Le scénario s’est répété pour les Mondiaux de New Delhi en 2025 : les fonds ne sont arrivés que le vendredi, à trois jours de la date butoir, et le financement n’était pas total. Le Ministère des Sports a fourni Rs 4 millions sur les Rs 4,5 millions requis, obligeant le Mauritius Paralympics Committee (MPC) à se lancer en quête de sponsors pour trouver les Rs 500 000 manquantes.

En conclusion, Jean-Marie Bhugeerathee met en évidence un profond contraste : d’un côté, l’énergie et la méthodologie spécifique déployées par son équipe et ses athlètes pour compenser les déficiences et prévenir les blessures; de l’autre, le manque de soutien structurel qui force les champions à dépendre de moyens personnels. Noemi Alphonse a qualifié la saison 2025 d’« année de galère », espérant que leurs médailles fassent enfin « réagir les personnes concernées » pour garantir un avenir professionnel à la hauteur de leurs performances.

À noter que ces soucis concernent tous les athlètes d’élite mauriciens lors des déplacements à l’étranger, qu’ils soient para-athlètes ou « athlètes valides » comme décrit dans le milieu.


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