Les reliquats monarchiques

C’est une avancée saluée par l’ensemble de la profession, malgré une campagne savamment orchestrée depuis des mois. Elle venait de ceux qui croient pouvoir prolonger indéfiniment leurs prérogatives et leurs privilèges qui auraient dû, depuis bien longtemps, devenir caducs dans une République qui a déjà 33 ans.

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Le Senior Counsel and Senior Attorney Act, piloté par l’Attorney General, Gavin Glover a été voté vendredi dans sa forme originale, malgré une tentative du leader de l’opposition de donner une tonalité délibérément tronquée du texte. Quant à ses propositions d’amendement, certaines frisaient tout simplement le ridicule.

Surtout lorsqu’on sait de quoi le gouvernement, auquel Joe Lesjongard a appartenu jusqu’à novembre 2024, était capable d’entreprendre pour miner, d’abord, l’autorité du Directeur des poursuites publiques (DPP), Satyajit Boolell, avec la désormais fameuse Prosecution Commission et les tentatives scandaleuses de l’ancien commissaire de police Anil Kumar Dip, aujourd’hui en liberté conditionnelle, de contester, lui, les pouvoirs de Rashid Ahmine.

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Il faut dire que la qualité des interventions des bancs de la majorité, que ce soit les back benchers et celles, notamment, du Premier ministre, de son adjoint et de l’Attorney General, a finalement contribué à éclairer un débat sciemment vicié pour brouiller les pistes. Une vraie cabale.

L’origine de la campagne, puisque c’en était une, avec chaque jour son lot de contre-vérités et de procès d’intention, était tellement limpide. Avec les tireurs de ficelle en embuscade, mais reconnaissables d’entre tous, incapables de s’exprimer au grand jour de peur d’être vilipendés. D’où le recours à des porte-voix trop contents de participer à ce qui n’est, en fin de compte, qu’une escroquerie intellectuelle.

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Comme l’a expliqué Navin Ramgoolam, vendredi, il y avait 33 noms proposés par la Chef-Juge Rehana Mungly-Gulbul dont celui de l’avocat attitré du MSM, Raouf Gulbul. Le Président a jugé utile, et on le comprend parfaitement, de rayer son nom ainsi que celui d’un autre praticien du droit. Contrairement à ce qui a pu être suggéré, le chef de l’État n’a pas ajouté de noms. Sur la base d’un choix personnel et politique.

Cette liste de 31 rendue publique depuis des semaines n’est pas effective et les récipiendaires n’ont pu accoler leur SC et leur SA à leurs patronymes, ni changer de toge. Il fallait, donc, agir pour plus de clarté et de transparence. Ce que fait exactement le texte voté vendredi.

On part d’un privilège personnel, qui renvoie à des reliquats monarchiques et colonialistes – l’a si bien souligné le député Kushal Lobine – à un système plus transparent et démocratique, tout en maintenant la primauté de la représentation des membres du judiciaire sur le nouveau Recommandation Panel.

Et comme a dû le préciser le Premier ministre pour répondre à ceux qui, d’une extrême mauvaise foi, ont évoqué un empiètement des « pouvoirs » du judiciaire par l’exécutif, le texte adopté ne touche absolument pas au « judicial process ». Les juges continuent de prendre leurs décisions sur la base des lois et sans entrave. Ils absolvent, accordent le bénéfice du doute, et ils condamnent. Rien ne change avec la nouvelle loi sur des titres honorifiques.

Comme la petite révolution du droit et du judiciaire est résolument en marche après des années de paralysie, le Conseil des ministres a, ce même vendredi, décidé d’introduire le Law Practitioners (Disciplinary Proceedings) Bill qui aura un tout nouvel arsenal de procédures dont une Law Practitioners Complaints Commission.

Cette loi pourra décider si un avocat qui se balade avec une mallette remplie de millions pendant une campagne électorale, si un autre homme de loi qui fait des directs sur les réseaux sociaux depuis sa baignoire, ou si un notaire ministre qui exerce encore ses fonctions, commettent des fautes et sont passibles de sanctions.

Une loi bienvenue tout comme celle votée vendredi. Il ne faut, surtout, pas s’arrêter en si bon chemin et écouter les sirènes qui parlent d’autres priorités comme si approfondir la démocratie et la transparence dans le judiciaire et la profession légale était un détail.

Et ce n’est certainement pas un détail le montant des indemnités, Rs 5,5 millions, avec lequel est parti Rama Sithanen, le gouverneur de la banque centrale prié de débarrasser le plancher après les turbulences persistantes qui ont marqué son mandat.

Avant de s’attarder sur ce qui est considéré comme un « golden handshake », il faut, au nom de l’honnêteté intellectuelle, saluer la démarche de Navin Ramgoolam de révéler les indemnités qui ont été payées à Rama Sithanen, une posture à laquelle ni les parlementaires ni le grand public n’étaient habitués sous l’ancien gouvernement, tout étant considéré comme top secret.

Si la forme a peu retenu l’attention, le fond a tout de suite provoqué, avec raison, une onde de choc qui a été accentué par les nouvelles révélations autour de Menlo Park. Si Sithanen père et fils étaient déjà impliqués avant même les élections, s’il y a eu discussions sur des commissions et une insistance pour que le deal soit conclu après le scrutin de novembre 2024, tout cela devrait diligenter une enquête.

Ici même, nous nous posions la question de la décence et ses limites après l’épisode Manou Bheenick, l’autre ancien gouverneur de la banque de Maurice qui, même après avoir reçu Rs 56 millions comme dédommagement, maintient son procès en réclamation de Rs 200 millions contre le régulateur. Juste parce qu’il avait refusé ses salaires jugés trop insignifiants à l’époque. 

Il serait, désormais, tout intéressant de savoir avec combien de millions de roupies Harvesh Seegoolam, le prédécesseur de Rama Sithanen, en liberté conditionnelle, a quitté la BOM Tower à la fin de l’année dernière, pour avoir un ordre de grandeur du régime affolant que pratique la banque centrale.

Oui, il y a ce qui est légal, mais il y a aussi ce qui est moral et ce qui est décent dans un contexte où il est demandé à la population de consentir à des sacrifices en attendant des jours meilleurs pour les finances publiques. Ne dit-on pas que l’exemple vient d’en haut ? Le gouvernement devrait commencer par faire sienne cette maxime.

Josie Lebrasse

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