Leur histoire avait ému de nombreux Mauriciens lorsqu’elle a commencé à fuiter sur la toile, l’année dernière. Depuis le 6 juillet 2024, Freddy Lunganyu, son épouse et leurs cinq enfants (les deux derniers sont nés sur le sol mauricien) sont bloqués à Maurice, leur voyage vers les îles Cook, via l’Australie, ayant été stoppé net, faute d’un visa de transit. Originaires de la République démocratique du Congo (RDC), ils ont fui la guerre dans l’espoir de bâtir un avenir meilleur en terre australe. Quand bien même il a obtenu, depuis le 19 février 2025, l’asile politique à Maurice, de la part du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCNU), ce statut ne permet pas au couple Lunganyu de travailler et de subvenir aux besoins familiaux. Freddy Lunganyu remue ciel et terre en vue d’une demande de passeport pour son dernier enfant. « Kass manke », soupire le Congolais. La condition sine qua non pour espérer un exil dans un pays tiers prêt à les accueillir dignement.
Comment ont-ils pu en arriver là ? Pour plonger aux racines profondes du calvaire que vivent Freddy Lunganyu et sa famille, il faut remonter à 2017. « J’ai eu le malheur de perdre ma fille qui a été tuée durant le conflit armé qui faisait rage en 2017 à la RDC. Après ça, mon épouse et moi avons décidé qu’il fallait faire table rase. Nous avons bravé le danger, traversé des rivières à pieds et en bateau, le ventre creux, pour rejoindre la Zambie voisine », confie Freddy Lunganyu. À l’époque, pour fuir la guerre, les meurtres et les viols, plusieurs milliers de citoyens de la RDC passent la frontière zambienne en prenant leurs précaires quartiers aux abords du lac frontalier Mœro. « En exil, agglutinés dans des tentes et des huttes au toit de chaume, on échappait, certes, aux horreurs, mais on ne mangeait pas à notre faim. Les conditions sanitaires étaient déplorables.
C’est là-bas que mon troisième enfant a vu le jour », raconte notre interlocuteur.
Grâce à l’argent émanant de la vente des terres de leurs aïeux, Freddy Lunganyu et son épouse rêvent d’un exil aux îles Cook, petit paradis du Pacifique qui promettait un nouveau chapitre de leur vie. Après sept années pénibles passées en Zambie, ils débarquent, en juillet 2024, au Zimbabwe où ils achètent des billets d’avion devant les mener aux îles Cook via l’Afrique du Sud, Maurice et l’Australie. Dame chance leur sourit enfin ? Que nenni ! Leur rêve vole en éclats sur le tarmac de l’aéroport SSR, le 6 juillet 2024, lorsque les agents d’immigration exigent de leur part qu’ils présentent un visa de transit australien…qu’ils n’ont pas ! « Les autorités australiennes m’avaient pourtant assuré que ce document n’était pas nécessaire. Je suis tombé des nues ! Ma femme est tombée dans les pommes car elle était enceinte. Ce fâcheux évènement l’a stressée et les ambulanciers ont dû l’emmener à l’hôpital. Comme si ça ne suffisait pas, le lendemain, les autorités m’ont proposé de retourner au Zimbabwe sans mon épouse, ce que j’ai catégoriquement refusé. Le 10 juillet 2024, mon quatrième enfant est venu au monde par césarienne », souligne Freddy Lunganyu.
Certes, un permis de séjour temporaire leur avait été accordé, mais la famille Lunganyu n’était pas au bout de ses peines. Les frais d’hôtel s’accumulant, elle s’est retrouvée à la rue au bout de quelques semaines, en dépit d’avoir obtenu des aides de la part de bons samaritains comme Caritas Maurice et l’avocat Erickson Mooneapillay, directeur du Pro Bono Clinic et expert en droits humains. Hébergés temporairement dans un couvent à Grand-Gaube, leur avenir reste désespérément incertain. « Le pire est qu’on n’a toujours pas été remboursé pour nos billets d’avion inutilisés », souligne Freddy Lunganyu qui est pieds et poings lié face aux restrictions légales qui l’empêchent de travailler, en dépit du statut de réfugié politique qu’on lui a octroyé en février dernier. La naissance de leur cinquième enfant, il y a quelques mois, a apporté autant de bonheur que d’anxiété au sein du couple…
La situation en matière de sécurité demeure imprévisible dans l’ensemble de la RDC. Les combats se poursuivent actuellement entre les milices pro-gouvernementales et des groupes armés, et ont causé de nombreuses victimes dans l’est du pays, dont des civils. Ces groupes armés contrôlent les villes de Goma et Bukavu, où est originaire Freddy Lunganyu. Face à la guerre qui s’éternise à la RDC, ce dernier souligne que la seule option qui se présente à lui est de voguer, bon gré mal gré, vers d’autres cieux. La famille toute entière trépigne d’impatience, sauf que leurs ambitions buttent sur une pierre d’achoppement. « On ne pourra pas éternellement rester à Maurice. Sans logement stable ni ressources, nous vivons dans des conditions précaires. Face aux problèmes financiers auxquels nous sommes confrontés, en sus du manque d’intérêt des autorités mauriciennes à nous guider dans notre entreprise, on se retrouve dans une mauvaise posture. Je lance un appel à l’aide. Aidez-nous à faire en sorte que mon dernier enfant obtienne son passeport. »