Aucune mention de ces deux éléments dans les cours offerts par le ministère des Arts et du Patrimoine culturel
Le 27 novembre, cela fera exactement 11 ans depuis que le sega tipik est officiellement inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Depuis, rien n’a été fait par les différents gouvernements pour promouvoir et préserver cet héritage issu de l’esclavage. Pire, chaque année, le ministère des Arts et de la Culture offre des cours de musique et de danse dans ses différents centres de formation artistiques (CFA), mais la ravanne et le sega tipik demeurent les grands absents.
Y a-t-il des musiciens qui maîtrisent la ravanne et qui soient capables de l’enseigner aux autres à Maurice ? Il faut croire que non, puisque le ministère des Arts et de la Culture démarre une nouvelle série de cours le 20 octobre. Et une fois de plus, pas de ravanne au programme. Les cinq CFA offrent une panoplie de cours, mais pas de sega tipik. Pourtant, le Geet Gawai, aussi inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, est présent dans les cinq centres !
Jugez-en ! Au centre de Paillote, les jeunes peuvent apprendre le Geet Gawai, la peinture et l’artisanat, le violon, la pyrogravure, la peinture sur verre, la guitare, la danse moderne et le kathak. Le CFA qu’abrite le New Educational College, à Bel-Air, offre aussi le Geet Gawai, la peinture et l’artisanat, le violon, la pyrogravure, la peinture sur verre et la guitare. Celui de Plaine-des-Papayes propose, lui, le Geet Gawai, la peinture et l’artisanat, le violon et la danse moderne. Finalement, le CFA de Pointe-Canon, à Mahébourg, propose le Geet Gawai, la danse moderne et la guitare.
Où les jeunes doivent-ils donc se tourner pour apprendre à jouer de la ravanne, et ainsi préserver la tradition ? Vers le Centre Nelson Mandela ? Ont-ils le budget pour cela ? Vers des particuliers, des Ong ? Il faut dire qu’il y a eu plusieurs initiatives individuelles de monter des écoles de ravanne, mais quelle est la responsabilité de l’État, qui a porté le dossier du sega tipik à l’Unesco ?
Autre question : qu’est-ce qui a été fait depuis 11 ans pour promouvoir le sega tipik ? La survie d’une culture, d’un patrimoine oral, réside surtout dans la transmission. La triste réalité, c’est que rien n’a été fait au niveau institutionnel. Seule l’Association des pratiquants du sega tipik, portée par Abaim, est en train de se démener, avec les moyens du bord, pour faire vivre la tradition. Réalisation d’un documentaire sur la fabrication de la ravanne, albums, film sur les pratiquants, entre autres. Même si certains projets ont été menés avec le soutien du National Arts Fund, l’État n’a pris aucune initiative, même pas pour marquer les dix ans de l’inscription à l’Unesco, l’année dernière. Certes, le pays était dans une période de transition, avec le changement de gouvernement, mais de toute façon, rien n’avait été fait les dix années précédentes.
On aurait pu espérer qu’il y aurait un changement cette année. D’autant que la nouvelle déléguée permanente de Maurice à l’Unesco, Jasmine Toulouse, est elle-même issue de ce milieu. Mais non. L’on se demande d’ailleurs si le ministre et la ministre déléguée à la Culture sont au courant du programme dans les CFA, ou si les fonctionnaires ne font que renouveler les appels à candidature chaque année.
Bientôt, il y aura peut-être le Festival International Kreol et une Sware Sega Tipik sera probablement au programme, comme tous les ans. Puis, ce sera le grand silence jusqu’à l’année prochaine. Sauf qu’une inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco n’est pas une fin en soi. Il y a un devoir de faire perdurer la tradition à travers les générations.
Outre le sega tipik, le Geet Gawai et le sega tambour de Rodrigues sont aussi inscrits à l’Unesco.

