Tourisme – Main-d’œuvre étrangère : les hôteliers dénoncent des procédures figées depuis 40 ans

L’assemblée générale de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) a permis aux hôteliers de pointer du doigt la pénurie de main-d’œuvre et les lourdeurs administratives, accompagnant le recrutement de travailleurs étrangers. Cet élément constitue un frein majeur à la compétitivité du secteur touristique. Le président sortant, Thierry Montocchio, n’a pas mâché ses mots. « Les procédures de recrutement de travailleurs étrangers restent figées dans une procédure vieille de plus de 40 ans, avec les mêmes ministères et départements, les mêmes documents, papiers à remplir et fournir, et les mêmes délais excessivement longs », fait-il ressortir à cet effet.

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« Cette bureaucratie anachronique rend de plus en plus difficile de recruter comme un employeur responsable et compétitif », poursuit-il. Cela avant d’évoquer des retards coûteux pour l’hôtellerie en mettant l‘accent sur le fait que « nos employés potentiels sont assujettis à des délais excessivement longs. Nous perdons de l’argent dans des loyers payés pour des logements déjà sécurisés, en attendant des recrues qui, souvent, finissent par partir ailleurs. »

Le constat est partagé par son successeur, Stéphane Poupinel de Valencé, Chief Executive Officer du groupe New Mauritius Hotels, désormais à la tête de l’AHRIM, qui, lui aussi, est revenu sur la nécessité d’assouplir ces procédures. « Les processus de recrutement demeurent trop lents et complexes, causant des pertes de temps et de talents et alourdissant nos opérations », indique-t-il. Et de se dire confiant que le message a été entendu par les autorités et que « des solutions pragmatiques et éthiques seront rapidement mises en place. »

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Repenser la formation
Pour le nouveau président de l’AHRIM, le problème de la main-d’œuvre ne se limite pas à la question administrative. Il s’enracine aussi dans le déficit de formation et d’attractivité du secteur auprès des jeunes Mauriciens. Stéphane Poupinel de Valencé a ainsi plaidé pour une relance ambitieuse de l’École Hôtelière Sir Gaëtan Duval, qui doit se transformer en un pôle d’excellence. « Cette École doit former les talents qui feront rayonner notre hospitalité et attirer également les jeunes de la région, notamment de Madagascar, qui disposent d’un vivier prometteur », a-t-il souligné. Il estime que les ressources existent, via le National Training Fund, mais qu’elles sont mal orientées. Il prône des partenariats internationaux et une modernisation des programmes afin de les aligner sur les standards mondiaux.
Son prédécesseur a, lui aussi, appelé à un engagement renouvelé du gouvernement sur ce dossier en invitant le ministre de tutelle, Richard Duval, à instituer un comité interministériel pour définir une vraie feuille de route de montée en puissance de l’École Hôtelière.

Les deux intervenants s’accordent sur un autre point : il faut changer le regard porté sur les métiers du tourisme. Trop souvent perçues comme des carrières de second choix, ces professions offrent pourtant, selon Stéphane Poupinel de Valencé, « des perspectives uniques de développement personnel, de mobilité internationale et de fierté nationale ». Il a salué le travail du collectif Les Métiers de l’Hôtellerie, qui œuvre déjà à valoriser ces parcours, mais estime que « l’implication des autorités est essentielle pour amplifier ce mouvement et attirer de nouveaux talents ».

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Le président de l’AHRIM a également profité de l’occasion pour livrer une vision plus large du tourisme, au-delà des hôtels et des plages. « Le tourisme n’est pas l’affaire des seuls hôteliers et restaurateurs. Il est l’affaire de tous. Chaque citoyen, chaque commerçant, chaque sourire participent à l’expérience globale du visiteur », s’appesantit-il. Il estime que la culture de l’accueil doit s’inculquer dès l’école. « Les valeurs d’accueil, de respect et d’hospitalité devraient être enseignées dès le plus jeune âge. » Pour lui, l’hospitalité n’est pas seulement un savoir-faire économique, mais un pilier de la cohésion sociale. « Ces valeurs sont le ciment d’une société bienveillante et solidaire », met-il en avant.

Autre thème fort abordé : le développement durable, qui « n’est plus une option, mais une exigence incontournable », avance-t-il, regrettant que le pays « n’investisse pas assez dans la communication de ses efforts environnementaux et sociétaux ». Les acteurs du secteur mènent de nombreuses initiatives concrètes — gestion de l’eau, réduction des plastiques, reboisement — mais celles-ci restent trop souvent dans l’ombre. Résultat : la destination est mal classée dans les classements internationaux de tourisme durable, ne reflétant nullement la réalité du terrain.

Il a appelé à mieux valoriser les projets en cours et à renforcer la coopération public-privé dans la lutte contre l’érosion côtière, un problème jugé critique. « Nos plages ne sont pas seulement des paysages idylliques. Elles sont au cœur de notre attractivité touristique et de notre identité collective. Chaque saison perdue, c’est une plage fragilisée de plus », craint-il.

Le président de l’AHRIM a aussi évoqué la question des chiens errants. Il a exhorté l’État à doter le Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW) de moyens suffisants pour agir efficacement.

Un autre pilier de la compétitivité touristique évoqué est la politique de l’accès aérien. L’AHRIM accueille favorablement la nouvelle direction d’Air Mauritius et la nomination d’André Viljoen au poste de Chief Executive Officer (CEO), tout en appelant à une collaboration renforcée entre les compagnies aériennes, Airport Holdings Ltd et les hôteliers.

Stéphane Poupinel de Valencé a parlé de l’énergie, indiquant que le secteur hôtelier avait soutenu le pays pendant les périodes de forte demande électrique. « Cette année, avec le Demand Response Program (DRP), nous poursuivrons notre coopération avec le CEB afin d’éviter tout blackout préjudiciable à notre économie et à notre image », rassure-t-il.

Fiscalité cohérente
Le président sortant, Thierry Montocchio, a également soulevé la problématique d’une fiscalité fragmentée qui pèse sur les opérateurs. « Ce qui nous interpelle, c’est la cohabitation de trois taxes : le Tourist Fee, l’Environment Protection Fee (EPF), et la Corporate Climate Responsibility (CCR) Levy », fait-il ressortir. S’il reconnaît la légitimité d’une taxe de séjour à vocation écologique, il plaide pour sa simplification : « Le Tourist Fee pourrait à terme remplacer l’EPF, afin d’assurer une cohérence et une meilleure compréhension du visiteur. »

Thierry Montocchio souhaite que les recettes issues de cette taxe — estimées à plus de Rs 2 milliards par an — soient effectivement utilisées pour le tourisme. « Réhabiliter nos plages, jardins, musées et espaces publics : voilà ce qui renforcera l’intérêt pour notre destination », propose-t-il.

Vision commune
Enfin, les hôteliers ont réaffirmé leur engagement dans l’élaboration du Blue Print national pour le tourisme, piloté par le ministère du Tourisme. Ce plan stratégique, selon Stéphane Poupinel de Valencé, doit devenir « le socle d’une vision partagée entre l’État, le secteur privé et la société civile : un tourisme durable, inclusif et compétitif. »

De NMH à l’AHRIM
Stéphane Poupinel de Valencé est le Chief Executive Officer de New Mauritius Hotels (NMH) depuis le 1 er juillet 2023. Il a rejoint le groupe en 2018 en tant que Chief Real Estate & Construction Officer et a piloté la création et l’introduction en Bourse de Semaris Ltd, compagnie spécialisée dans le développement immobilier. Son parcours professionnel allie une connaissance approfondie de l’hôtellerie et une solide expertise dans le développement immobilier.

 

 

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