Initiative politico-citoyenne : Rezistans ek Alternativ (ReA) dresse un constat d’Utter Failure on the War on Drugs

Shakeel Mohamed : « Oui à la dépénalisation, mais agissons vite pour sauver des vies ! »

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Kugan Parapen (ReA) : « Utilisons ce vacuum d’incertitudes pour prendre des décisions sur ce que nous voulons léguer à notre société »

Jeudi 16 octobre, comme annoncé dans une conférence de presse il y a une quinzaine de jours, Rezistans Ek Alternativ (ReA) a organisé une Konversasion Lor Politik Ladrog. Au cœur des échanges, la question qui fait débat autour de la dépénalisation, la décriminalisation ou la légalisation du gandia (cannabis). Également le rôle et la direction de la National Agency for Drug Control (NADC). D’emblée, par la voix de Stefan Gua, le parti papillon a émis sa position : « Nous ne sommes pas ici dans une vindicte populaire ni est-ce un espace pour dénigrer et/ou blâmer qui que ce soit. » Et de bien préciser : « nous avons beaucoup de respect pour Sam Lauthan, actuel Chairman de la National Agency for Drug Control (NADC), mise sur pied par l’actuel gouvernement. Et nous nous dissocions totalement des attitudes violentes émises par certains sur les réseaux sociaux. » La salle de conseil de la municipalité de Port-Louis accueillait cette rencontre où citoyens, ONG, société civile mais aussi parlementaires et politiques étaient présents.

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Shakeel Mohamed estime d’emblée que « l’urgence de la situation fait que le plus important, maintenant, est de sauver des vies ». Avant de poursuivre : « Nous devons tout mettre en œuvre en ce sens. Pour moi, ce n’est plus la peine de parler de bataille contre les drogues : nous l’avons déjà perdue, celle-là ! Il n’y a qu’à voir le nombre grandissant de nos jeunes qui sont piégés par les barons. C’est pour cela que je dis que le plus important, c’est de sauver des vies, des familles et des citoyens. La situation est trop grave. »
S’agissant du débat autour de la légalisation ou la dépénalisation du gandia, le ministre Mohamed a indiqué : « je suis personnellement contre la légalisation. Mais en revanche, la dépénalisation, je dis oui ! Mo ti pe koz ek mo koleg Ashok Subron, ek mo ti pe demann li si li panse ki sansibilizasion ek ledikasion pa finn marse. So repons finn bien kler : si sa tinn marse, nou pa ti pou la ! »
Shakeel Mohamed soutient : « ou pou tande la, ena pou dir Parti Travayis, Nuvo Demokrat ek Rezistans ek Alternativ pe explor bann mwayen pou amenn ladrog pou donn nou zanfan ! Mais pour moi, l’urgence c’est how do you choose the worst of evils ? Si les Nations Unies ont admis que la War on Drugs, qui est entièrement basée sur la répression, a été un total échec, c’est un aveu de taille. Il convient donc de pousser la réflexion en ce sens. » Il conclut en soulignant : « The DUAP (Drug Users Administrative Panel) does not work! Seki kontinye servi mem metod depi 1980 bizin konpran ki sa nepli marse ! »
Le Junior Minister à la Sécurité Sociale, et membre de ReA, Kugan Parapen, a abondé dans le même sens. « Ansien PM ti promet li pou kas lerin trafikan. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec une société brisée, des jeunes dont l’avenir est anéanti. Comme tant d’autres pays, Maurice a longtemps suivi le même modèle de politique de répression. »
Il poursuit : « Michel Chiffonne a eu une phrase qui en a interpellé plus d’un lors de notre conférence de presse. Il avait dit qu’un monde sans drogues est une utopie. Certains pays, dont Maurice, ont essayé pendant de longues années de faire que cette utopie devienne réalité. Mais cette politique à outrance, des fois, au final, c’est l’échec. Effectivement – et cela, ce n’est pas ReA qui l’a dit, mais bien les Nations Unies –, the war on drugs has been an utter failure ! » Et de poser la question : « Est-ce que nous en restons là ou prenons-nous des mesures et des décisions courageuses ? »
Kugan Parapen poursuit : « Nous avons un nouveau gouvernement qui prône le changement. Ce régime a mis en place un organisme : la NADC. Il y a deux semaines, ReA a tenu une conférence de presse pour évoquer ses appréhensions quant à la ligne directrice de cet organisme. Quel est son plan d’action ? Qu’est-ce qui est mis en place pour faire face à l’urgence de la situation ? Tous ceux qui sont sur le terrain savent à quel point les drogues, surtout les synthétiques, font des ravages importants. »
Kugan Parapen a soulevé plusieurs points, à commencer par le fait que « la NADC a comme président Sam Lauthan, une personne que je respecte beaucoup et qui a beaucoup d’expérience dans ce domaine ». Il continue : « Toutefois, quand j’écoute certaines de ses interventions sur la politique de drogues, ni mon parti ni moi nous nous retrouvons. D’autant qu’en étant le Chairman d’une telle organisation, nous nous posons des questions… Une personne ne peut pas un jour se prononcer en faveur de la dépénalisation et le lendemain dire le contraire. C’est pour cela que nous avons des appréhensions. Et d’utiliser des formules comme over my dead body, cela ne nous avancera à rien que de créer des discriminations ! À la place, utilisons ce vacuum d’incertitudes et décidons dans quelle direction nous allons ! »
Kugan Parapen fait état des dégâts causés par le marché noir et l’économie parallèle, « qui injectent de l’argent sale dans les institutions » du pays, mais aussi « la corruption, les jeunes qui gâchent leur avenir pour de l’argent facile en devenant des revendeurs », pour encourager tout un chacun à s’éveiller aux problèmes causés par le fléau des drogues dans le pays.
Le Junior Minister reprend : « la position de ReA sur toute la question est que nous devons être honnêtes envers nous-mêmes. Et reconnaître l’échec. Avec notre 60-0, nous devons décider une fois pour toutes de ce que nous souhaitons léguer à notre société, qui n’est pas parfaite et qui, il convient de le souligner, est déjà au fond du trou pour ce qui est de la politique des drogues. Le débat est ouvert et chacun a son opinion. Nous respectons cela, et c’est cela qui représente notre position au parti. »
Sur le plan politique, Irshad Limbada, des Nouveaux Démocrates, était aussi présent. Cet enseignant du secondaire a longuement évoqué la montée des drogues auprès des étudiants des institutions. Il a souhaité « davantage de formation pour les enseignants afin de savoir comment approcher et discuter avec un jeune ayant des problèmes avec les substances ».
Dans la même veine, Irshad Limbada et d’autres intervenants, dont des membres du public, devaient réclamer « une meilleure politique de distractions et d’activités récréatives pour tous les Mauriciens ». La pauvreté – qui engendre les dépendances, mais aussi la vente de drogues – et l’éradication de celles-ci étaient aussi des éléments récurrents, autant que l’importance de l’éducation pour prévenir contre les dangers des drogues.
Cette Konversasion lor politik ladrog a vu la participation de très nombreux citoyens, qui avaient beaucoup à partager, et de membres d’Ong. Ils ont été très nombreux à saluer l’initiative de ReA et du gouvernement d’avoir, « peut-être pour la première fois », organisé un débat et échange d’idées sur les questions relatives aux drogues. « C’est vraiment une première. Nous sommes rassurés par une telle démarche, car cela implique que ce régime veut faire des choses sérieuses sur cette question très délicate et qui cause tellement de drames dans les familles. »
Plusieurs membres de l’assistance – dont Linley Couronne de DIS-MOI, Raouf Khodabocus de Linion Moris, Kunal Naik, addictologue, Gregory Harmon, de Kinouete, Jamie Cartik, de CUT, Cindy Trevedy, d’AILES, François Henri, de CURE (Mauritius), et Guffran Rustom, chargé de cours – sont intervenus et ont partagé leurs réflexions sur le sujet. L’activité était marquée par la présence artistique d’Azaria Topize, fils de Kaya, parmi les invités.

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Dulloo propose un Select Committee
Présent dans la salle, Me Neelkanth Dulloo a proposé ses services « et ceux d’amis du Barreau » pour mettre sur pied un Select Committee.
« Avant moi, mon oncle, Madan Dulloo, avait aussi présidé un Select Committee sur la drogue. Il y a eu le rapport de Jérôme Boulle ainsi que les rapports des Commissions d’enquête Rault et Lam Shang Leen, de même que des Fact Finding Committees. Je propose à la société civile présente dans cette salle que nous conjuguions ensemble nos efforts, mettions sur pied ce Select Committee, travaillions sur un document que nous soumettrons au gouvernement. Et celui-ci aura alors les données nécessaires pour prendre les décisions qu’il faut. »

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Expertise étrangère et modèle hybride
Durant son intervention, Shakeel Mohamed a aussi évoqué son expérience personnelle lors de divers voyages à Genève, alors qu’il était ministre du Travail. Il a expliqué avoir été curieux de comprendre ce que les chercheurs ont comme solution ou réponses aux problèmes d’addictions sur le lieu de travail. « Cela peut être de drogue, d’alcool, mais aussi de jeu, de sexe… »
Suivant l’exemple des Drug Administration Rooms suisses, Shakeel Mohamed a plaidé pour une stratégie réaliste, « avec des espaces médicaux structurés où les drogues seraient administrées par des personnes compétentes et formées, et ce faisant, priver la mafia de gros revenus générés par les citoyens dépendants de ces produits ».
Nathalie Rose, consultante en matière de politiques de drogues, devait, pour sa part, suggérer « un modèle hybride qui permettrait la cohabitation de différentes structures adaptées ». Ainsi, de cette manière, « les toxicomanes pourraient se retrouver, selon leurs addictions, dans des espaces contrôlés et avec des suivis ».
Plusieurs intervenants ont fait ressortir que « le programme de traitement à base de méthadone ne marche pas ». Shakeel Mohamed résume : « On ne peut pas donner la même dose à tous les patients. Il faut un Case to Case Basis. »

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