Une vie ne vaut pas une vie

Les dirigeants du monde se sont réunis en début de semaine en Égypte pour se féliciter d’avoir mis fin à la guerre israélo palestinienne dans la bande de Gaza. Ils se sont congratulés, Donald Trump en tête du cortège, en oubliant, opportunément, quelques faits fondamentaux que les Gazaouis et leurs enfants ne pourront jamais effacer de leur mémoire. La plupart de ceux qui aujourd’hui se félicitent de la paix négociée sont ceux-là même qui, depuis octobre 2023, ont laissé Israël envahir militairement la bande de Gaza pour se venger de l’acte terroriste du Hamas. Ils ont en quelque sorte approuvé le proverbe biblique « œil pour œil, dent pour dent » dont l’armée israélienne a fait une adaptation moderne et sanglante : une vie israélienne vaut plusieurs vies palestiniennes. Dans un premier temps, les dirigeants occidentaux ont défilé en Israël pour dire leur solidarité avec Benjamin Netanyahu et affirmer « Nous sommes tous des Israéliens ». Comme beaucoup d’Européens affirmèrent, après les attentats du 11 septembre 2001 à New York : « Nous sommes tous des Américains. » Ce sont ces dirigeants occidentaux qui, à travers leurs industries militaires, ont fourni à Israël les armes nécessaires pour réduire la bande de Gaza en un amoncellement de décombres à ciel ouvert. Ce sont eux qui, par leur silence complice, ont permis que deux millions d’être humains soient transformés sans abris errants dans les ruines de ce qui fut jusqu’à octobre 2023 leurs habitations et leurs quartiers. Ce sont eux qui ont permis à l’armée israélienne d’interdire l’entrée de la bande de Gaza aux convois humanitaires en affamant sa population, en la privant de soins médicaux dans le cadre de ce qu’il faut appeler un génocide. Mot qu’ils refusent d’utiliser tout comme le Président américain, qui n’arrête pas de donner des leçons de démocratie à la planète, tout en violant régulièrement ses règlements. Ce qui explique qu’il puisse accueillir à bras ouverts, à la Maison Blanche, le Premier ministre israélien, contre qui la Cour Pénale Internationale vient de maintenir les mandats d’arrêts pour « crime de guerre et crime contre l’humanité présumés liés à la guerre de Gaza ». N’oublions pas, au chapitre des contradictions, le fait que l’Organisation des Nations Unies, dont les agences sur le terrain utilisent les termes famine et génocide, vient d’accueillir le PM israélien à sa tribune, en soulignant que son intervention a provoqué, quand même, un boycott. Un walk-out effectué par les représentants des pays qui ne se targuent pas de diriger le monde. Les autres sont restés pour écouter – et applaudir ? – le discours de Benjamin Netanyahu.
Comme leurs dirigeants, les médias des pays occidentaux n’avaient de caméras branchées et de micros ouverts que pour les quelques dizaines d’otages israéliens libérés et leurs retrouvailles avec leurs proches. Pendant toute la semaine, les téléspectateurs du monde entier ont été abreuvés de reportages, de témoignages, d’analyses et de débats sur ce que les otages ont dû subir en captivité, ce que leurs proches ont vécu, l’émotion qu’eux-mêmes ont ressenti avec leur libération. Rien ou pas grand-chose sur la libération des centaines de prisonniers palestiniens croupissant, depuis des années, dans les prisons israéliennes et qui ont été utilisés comme monnaie d’échange contre les otages israéliens. C’est vrai que le contexte et l’environnement ne sont pas les mêmes. Contrairement aux otages israéliens, qui retrouvent parents, amis et connaissance dans leurs kibboutz fleuris, les prisonniers palestiniens ne retrouvent ni leurs proches ni leurs habitations. Beaucoup de leurs proches ont été victimes des bombes israéliennes qui ont transformé leurs habitations en amoncellement de ruines encore fumantes. D’un côté, il y a un pays accueillant ; de l’autre, un cimetière à ciel ouvert. Aujourd’hui, ce qui reste de Gaza ressemble aux villes européennes détruites pendant la seconde guerre mondiale par les avions nazis. Comme déjà écrit, les descendants des rescapés de la solution finale ont utilisé les techniques des nazis contre les Palestiniens.
La guerre est finie, se sont congratulés les chefs d’États en Égypte en début de semaine. Est-ce vraiment le cas quand on constate que l’armée israélienne limite le nombre de camions humanitaires dans la bande de Gaza ? Est-ce vraiment le cas quand les colons israéliens (qu’on devrait qualifier d’envahisseurs) continuent d’installer des kibboutz en Cisjordanie, sur les terres des Palestiniens ? Malgré tous les grands discours, un fait doit être souligné : pour l’Occident – et pour beaucoup de pays arabes voisins de Gaza –, une vie palestinienne est loin de valoir une vie israélienne. Sinon, il aurait pris les mesures nécessaires pour éviter la guerre, la destruction de Gaza, la famine et le génocide. Comment est-ce que les Palestiniens pourront l’oublier ?

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Jean-Claude Antoine

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