Le bras de fer s’intensifie entre l’Air Mauritius Staff Association (AMSA) et la direction de la compagnie nationale. Dans une lettre datée du 10 octobre 2025 et adressée au chairman Kishore Beegoo, le négociateur syndical Radhakrishna Sadien tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur « la détérioration rapide » de la situation au sein du département Ground Operations, dirigé par Pravin Jogoo.
Selon AMSA, le climat de travail est devenu « profondément préoccupant et contre-productif ». Le syndicat dénonce un management autoritaire, marqué par une culture de la sanction : les warning letters se multiplient, parfois pour des fautes mineures, et l’esprit d’équipe a laissé place à la peur. « Une politique de punition plutôt que d’engagement », écrit L’AMSA, qui affirme que la situation menace désormais la sécurité opérationnelle, élément central de la compagnie.
Le syndicat affirme qu’un groupe restreint de managers impose une atmosphère de contrôle et de méfiance, marginalisant des employés expérimentés et fidèles à la compagnie. Certains, dit-on, sont écartés ou pénalisés, pendant que d’autres, proches du responsable du département, accèdent à des postes supérieurs. L’AMSA s’interroge sur la compatibilité de ces pratiques avec les politiques RH officielles et les valeurs d’Air Mauritius.
Au cœur de la discorde : le projet d’externalisation du service Load Control, un département vital chargé d’assurer l’équilibre et la répartition du poids dans les avions. Les employés craignent qu’une telle mesure n’entraîne non seulement la suppression d’emplois, mais aussi un affaiblissement de la rigueur technique qui fonde la sécurité aérienne.
L’AMSA affirme que le responsable du département aurait informé les Load Controllers que leurs postes allaient disparaître, car la direction aurait décidé de transférer cette fonction à une société externe. L’annonce, faite sans cadre formel, a provoqué « une grande détresse » parmi le personnel.
Pour le syndicat, cette démarche viole les engagements pris par la direction. En septembre dernier, Week-End avait déjà révélé que Pravin Jogoo avait présenté un calendrier d’externalisation à partir du 1er novembre, sans concertation avec les représentants syndicaux. Le chairman Kishore Beegoo avait alors assuré qu’aucune décision ne serait prise sans discussion : « Nous engagerons le dialogue avec vous avant toute mise en œuvre », avait-il promis. Mais sur le terrain, souligne l’AMSA, « les actes contredisent les paroles ».
Dans sa nouvelle lettre, l’AMSA reproche à la direction d’avoir formé du personnel de Ground Handling Services (GHS) à des tâches de Load Control, et d’avoir publié des offres internes pour des postes LS3 relevant pourtant de son champ syndical. Le syndicat y voit une rupture des accords conclus et une atteinte directe à la confiance.
Autre accusation : le responsable de Ground Operations cumule ses fonctions avec celles de CEO dans une autre entreprise. Une situation jugée incompatible avec l’impartialité requise dans la gestion d’un service aussi critique. Ce qui interpelle c’est aussi la question de conflits quant au projet d’externalisation des services de Ground Services, les indications allant dans la direction que c’est une compagnie où Pravin Jogoo aurait un rôle majeur qui pourrait être sélectionnée.
Une réunion est prévue ce mardi entre la direction et L’AMSA, mais le syndicat refuse le “rush” imposé. D’autant qu’aucun agenda n’a été fixé. « Pourquoi tant de précipitation alors que le nouveau CEO vient à peine de prendre ses fonctions ? » s’interrogent ses représentants. Pour eux, les priorités sont ailleurs : « Zot pa ti pe rempli post, aster zot pe rod outsource ! » ironisent-ils, en référence aux postes vacants non pourvus depuis plusieurs mois.
L’AMSA, qu’il en appelle au nouveau CEO d’Aiports of Mauritius, Megh Pillay pour revoir la situation, dit désormais envisager de saisir d’autres instances afin de « restaurer un climat de respect mutuel et de confiance ». Le syndicat affirme rester ouvert au dialogue, mais réclame des mesures correctives immédiates avant que la situation « ne dégénère davantage ».
Le dossier dépasse la seule dimension sociale : le Load Control est une activité hautement réglementée, dont dépendent la stabilité des aéronefs, leur performance et la sécurité des passagers. Pour de nombreux employés, son transfert à un prestataire externe représenterait une fausse économie susceptible de fragiliser l’ensemble de la chaîne opérationnelle d’Air Mauritius.