L’évêque de Port-Louis, Mgr Jean-Michaël Durhône, a lancé dimanche en la basilique Sainte-Hélène, Curepipe, la semaine du Jubilé des victimes de la violence. Cette initiative, inscrite dans le cadre de l’Année jubilaire célébrée dans le monde et à Maurice, s’achèvera dimanche par une fête familiale organisée par Caritas.
Dans son homélie, Mgr Durhône a souligné que cette célébration vise à « rendre hommage à toutes les victimes de la violence, physique ou morale, et à leurs proches ». « La célébration du Jubilé des victimes de la violence nous rappelle la souffrance, la peur, la haine et la mort des victimes. Nous ne disons pas que la violence est une bonne chose. Au contraire, l’Église se veut solidaire de toutes les personnes, de tous âges et de toutes générations, qui en souffrent », dit-il.
L’évêque a ajouté que « l’Église doit aussi être présente dans des lieux où règnent la douleur et le désespoir, pour y témoigner de l’espérance qui peut surgir au cœur même des souffrances humaines. » D’après lui, consacrer un temps particulier aux victimes de violence est un acte de justice et d’humanité.
« À Maurice, trop de personnes, de tous âges, sont encore touchées par la violence, le crime et les ravages de la drogue. Trop souvent, ces souffrances demeurent silencieuses ou invisibles. L’Église, fidèle à sa mission de servir la personne humaine et de défendre les plus vulnérables, souhaite rappeler à chacun notre responsabilité commune : prévenir la violence et construire une société de respect, de paix et de fraternité », poursuit-il.
Dans une parole forte, Mgr Durhône a dénoncé l’indifférence comme « le plus grand mal qui affecte une société. » « La lutte contre la violence commence par une prise de conscience. Nous devons refuser d’être de simples spectateurs de la souffrance, notamment sur les réseaux sociaux où la violence est parfois banalisée », a-t-il ajouté.
L’évêque a également condamné les propos à caractère communal circulant en ligne : « une personne qui souffre ne le fait pas en tant que créole, Blanc, musulman ou hindou, mais en tant qu’être humain. Le communautarisme fait beaucoup de tort à notre pays. La souffrance des victimes nous concerne tous. »
Le cri du cœur d’une mère
La messe d’ouverture du Jubilé des victimes de la violence a été marquée par le témoignage bouleversant de Chantal, une veuve confrontée à la violence provoquée par l’addiction de son enfant à la drogue — un fils qu’elle a fini par perdre.
Véritable cri du cœur, son intervention a ému l’assemblée : « Croyez-moi, il n’y a pas de solution miracle. On n’éliminera pas la drogue du jour au lendemain. Il nous faut avoir confiance en Dieu d’amour pour pouvoir continuer à vivre », a-t-elle confié avant de lancer un appel : « Nou bizin soude. Pa dir kot li sa, pa kot mwa sa. Bizin priye pou enn landemin meyer. »
Chantal, dont l’enfant a été victime de la drogue, a parlé d’une « souffrance continue et interminable, 24 heures sur 24. » Selon elle, cette violence verbale et morale affecte tout l’entourage des victimes.
« Il y a beaucoup de parents dans cette situation. Parfois, ils n’ont pas assez d’argent pour acheter à manger ou à boire et préfèrent donner cet argent à leur enfant pour qu’il puisse s’acheter sa drogue », raconte-t-elle. Même lorsque l’enfant est en prison, poursuit-elle, « les parents continuent à répondre à ses demandes ».
Pour cette mère courage, l’expression larmes de sang prend tout son sens. « Cette souffrance est atroce », dit-elle. Participant récemment à une séance de réflexion sur la violence, elle témoigne : « quand un enfant est en prison, la maman souffre, mais le papa aussi, même s’il ne le montre pas. Ils ne dorment pas sur leurs deux oreilles, de peur qu’il lui arrive quelque chose. » Selon elle, « la situation empire de jour en jour. Nous ne savons plus ce que les jeunes consomment. Monseigneur était avec nous la semaine dernière et il en est resté bouche bée. »
Une semaine d’espérance et d’action
Mgr Durhône a invité les fidèles à vivre cette semaine du Jubilé comme une semaine d’espérance et d’engagement. « La lutte contre la violence demande une solidarité entre les institutions, qu’il s’agisse de l’Église ou de l’État, à Maurice, à Rodrigues, à Agalega et aux Chagos. La prière est essentielle, mais elle ne suffit pas : c’est l’action qui donne vie à notre foi », estime-t-il.
« Ensemble, avec les victimes, demandons la force et le courage de travailler pour la justice. Nous ne pouvons pas fermer les yeux devant la souffrance des victimes et de leurs familles. »
Transformer les structures d’injustice
Citant le pape Léon XIV, l’évêque a fait ressortir que « la prière nous donne la persévérance dans l’action et l’engagement pour construire une société où chacun se sent en sécurité ». Il a appelé à reconnaître et détruire les structures d’injustice, par la force du bien, un changement de mentalité et des politiques efficaces de transformation sociale.
Les activités organisées cette semaine permettront de mieux comprendre la diversité des violences présentes dans la société : violences physiques et psychologiques, maltraitance des enfants, violences économiques, institutionnelles et sociales, cyberviolence, inégalités et violences faites aux femmes.
Les enfants seront invités à s’exprimer à travers l’art, tandis que des tables rondes favoriseront le dialogue et la sensibilisation. Un fil rouge traversera toute la semaine : la lutte contre la violence commence toujours par une prise de conscience collective.