Cédric de Spéville : « La modernisation est un processus continu sinon nous n’aurions pas survécu »

Le Groupe Eclosia innove en matière de management avec le lancement du Youth Management Lab, un laboratoire d’idées réunissant sept jeunes collaborateurs issus de différentes entreprises du groupe. Sous la houlette d’un coach et en lien direct avec le CEO, Cédric de Spéville, cette initiative vise à rapprocher les attentes de la Génération Z des réalités du monde professionnel. Imaginé par Cédric de Spéville lui-même, le projet s’inscrit dans une démarche assumée de transformation culturelle : faire du choc intergénérationnel un levier stratégique. À travers ce dispositif inédit, le dirigeant entend affirmer le style d’un leader jeune, moderne et à l’écoute, prêt à repenser les codes du management en dialogue avec la nouvelle génération.
Eclosia vient de lancer le Youth Management Lab. De quoi s’agit-il exactement ?

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Le projet part d’un constat : il y a aujourd’hui cinq générations différentes dans nos entreprises, les jeunes générations millenials, et surtout GenZ, sont très différentes des autres, les anciens rencontrent des difficultés à communiquer voire à manager, le gap générationnel se creuse plus rapidement qu’avant… Concrètement, comment faire pour le combler ? Quelles solutions sont proposées pour valoriser notre jeunesse et lui donner confiance dans le monde du travail ? L’objectif avec le Youth Management Lab est de créer des ponts et instaurer un dialogue qui puisse permettre l’épanouissement du plus grand nombre. Chaque génération doit pouvoir continuer à grandir et partager son expérience et sa vision du monde.

Dans ma fonction de CEO, ce n’est pas toujours évident d’être au contact des plus jeunes. J’ai souhaité créer ce lab pour rencontrer régulièrement un groupe de jeunes venant de différentes entreprises du Groupe Eclosia. Ils sont huit (cinq femmes et trois hommes), âgés de 25 et 34 ans, avec des profils et parcours très différents. Nous les avons invités à choisir des thématiques transversales et faire des propositions sur différents sujets importants pour la vie de notre groupe. Cela nous permet de voir comment ils réfléchissent aux problèmes posés et de leur apporter un éclairage et des données auxquelles ils n’ont pas accès d’habitude pour voir si cela change leur regard et leur compréhension des enjeux complexes. Les membres du Youth Management Lab sont mobilisés pendant un an, ils ont accès à un coach et à l’équipe de direction qui leur ouvre les portes nécessaires à leurs recherches. Une nouvelle cohorte prend le relais au bout d’un an.

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Vous dites vouloir transformer le « choc intergénérationnel » en levier stratégique. Concrètement, comment cette initiative va influencer les décisions stratégiques du groupe, au-delà d’un simple exercice de consultation ?

Le management participatif, qui a toujours fait partie de notre philosophie, est inscrit au cœur de notre système Eclosia Way. Concernant le Youth Management Lab, cette première cohorte a produit un travail intéressant et a collecté et organisé des mesures concrètes sur un sujet crucial touchant le management, les ressources humaines et la communication. Leurs propositions sont discutées, challengées et travaillées avec les équipes opérationnelles pour une mise en place concrète. Cela a peu d’intérêt pour le Groupe si cela reste théorique. Il faut que les projets aient un réel impact sur le terrain. Je demande personnellement des comptes pour voir le résultat final.

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Ce modèle pourrait-il être adopté par d’autres entreprises ?

Nous avons commencé cette initiative à notre niveau pour répondre à des questions précises que nous nous posons à Eclosia. Si notre démarche peut motiver d’autres entreprises de Maurice à avoir une approche similaire pour le bien de leurs employés, tant mieux.

Les jeunes générations attendent davantage de transparence, de flexibilité et de sens au travail. Ces attentes sont-elles facilement conciliables avec les contraintes opérationnelles et autres, auxquelles font face les entreprises aujourd’hui ?

Ces composantes sont essentielles dans le mode même de fonctionnement de l’entreprise. Ce n’est pas nouveau et ce n’est pas non plus réservé aux jeunes générations même si elles sont plus exigeantes. Les valeurs et les principes ne sont pas des effets de mode, ils sont là pour guider notre façon de manager. Chez Eclosia, nous avons lancé plusieurs initiatives pour répondre à ces enjeux, avant même la création du Youth Management Lab. Sur la transparence, je rappelle que depuis 2018, nous avons mis en place notre système de management, le « Eclosia Way ». En plus d’être un cadre de travail, nous publions, depuis 2023, un rapport annuel où chaque entreprise rend compte de ses accomplissements sur nos quatre piliers : People, Planet, Process et Profit.

Il en va de même pour la flexibilité. Bien avant les horaires aménagés ou le télétravail qui se sont popularisés avec la Covid-19, Eclosia avait déjà mis en place des dispositions pour encourager l’épanouissement de ses employés. Que ce soit pour un engagement sportif, une pratique culturelle ou pour mener un projet entrepreneurial, notre groupe a, depuis longtemps, su créer les conditions adéquates pour permettre à nos employés de se consacrer à leurs initiatives personnelles en s’assurant qu’ils peuvent assumer leurs responsabilités professionnelles.

Vous parlez du sens au travail, mais je préfère parler d’utilité. Et là aussi, c’est une priorité depuis la création d’Eclosia. Il est évident que chaque collaborateur souhaite que son activité apporte une valeur à la société. Nous en sommes très conscients. Nous restons aussi attentifs aux aspirations de tous et nous tâchons d’y répondre en leur ouvrant des portes au sein du groupe Eclosia.

Et si le Youth Management Lab arrive avec d’autres propositions pour mieux répondre à ces attentes, je serai très heureux de pouvoir les étudier avant de les mettre en application dans les meilleures conditions. J’adore être challengé car cela me donne la chance de pouvoir expliquer ce en quoi je crois.

Quels indicateurs concrets allez-vous suivre pour évaluer l’impact du Youth Management Lab ?

Chaque projet du Youth Management Lab a des indicateurs distinctifs. Évidemment, nous serons attentifs à l’évolution du niveau d’engagement pour mesurer l’impact des solutions proposées par le premier groupe de jeunes. L’un de leurs chantiers a été la communication interne. C’est un outil essentiel pour assurer la transparence dont on parlait plus tôt et, ainsi, susciter l’engagement. Pour évaluer les résultats des modifications proposées : la satisfaction des collaborateurs, les outils réformés mis en place et leur usage, l’impact dans l’Engagement Survey, le suivi…

Si les recommandations du YML vont à l’encontre de certaines pratiques établies, êtes-vous prêt à changer les choses ?

C’est le but ! Ne pas rester sur un statu quo… Pouvoir voir les sujets sous une autre perspective et apporter les modifications qui nous semblent raisonnables ou, du moins, préparer le terrain pour des changements à venir. Eclosia a presque 60 ans et la modernisation est un processus continu sinon nous n’aurions pas survécu… Cette première cohorte du Youth Management Lab nous a confortés sur des actions que nous avions déjà envisagées mais pas encore mises en place. Ils ont un effet d’accélération dans la matrice et c’est bien ce qu’on leur demande !

Est-il envisageable, à terme, d’avoir le même type d’initiative pour inclure des clients, partenaires ou même des jeunes extérieurs au groupe afin d’enrichir la réflexion stratégique d’Eclosia ?

Nos clients, partenaires, Stakeholders en général sont au centre de nos réflexions stratégiques – et c’est essentiel. D’ailleurs, nous participons aussi à pas mal d’initiatives portées par des personnes externes au groupe (comme récemment l’étude sur les attentes de la Gen Z mauricienne menée par StraConsult). Par contre, lorsque la réflexion concerne davantage notre fonctionnement et notre culture, je pense pertinent de commencer par nos collègues ; mais toujours avec un esprit le plus ouvert et connecté possible. Le véritable enjeu sera de pouvoir étendre l’exercice dans la région. Eclosia étant présent à Madagascar, au Kenya et au Rwanda, nous mènerons des réflexions similaires dans ces pays. Mais les démographies étant très différentes, chaque pays devra décliner sa propre approche intergénérationnelle. L’idée même du Youth Management Lab a émergé après des discussions avec des amis et partenaires, CEO de grands groupes en Europe qui s’appuient avec efficacité sur un “Comex des jeunes”.

Cette initiative est-elle une réponse à la pénurie de main-d’œuvre actuelle, qui représente une sérieuse menace pour le développement économique du pays ?

Soyons clairs, le Youth Management Lab est une initiative qui permet de faire dialoguer les générations sur des sujets transversaux et de dynamiser les relations internes tout en apportant du sens à l’échelle de l’entreprise, d’un groupe. Cette démarche n’a absolument pas la prétention de résoudre les problèmes de main d’œuvre – un sujet national qui mérite beaucoup d’attention et d’énergie de la part de tous. Par contre, je reste convaincu que nous devons continuer de rendre nos entreprises attrayantes, permettant de réaliser des projets personnels et, surtout, permettant à chacun de se rendre utile pour la société.

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