Antécédents éloquents

Kishore Beegoo n’est pas Rama Sithanen, contrairement à la connotation politico-communale que certains veulent donner à l’éviction obligée des deux nominés post-11 novembre 2024. Le choix de l’ancien ministre des Finances pour le gouvernorat de la Banque de Maurice s’était imposé dans un contexte d’urgence : la stabilité de la roupie, une politique monétaire pragmatique et le contrôle de l’inflation.

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Personne n’avait contesté la nomination de Rama Sithanen jusqu’à ce que de graves frictions en interne ne viennent flétrir l’image de la Banque centrale en interne et vis-à-vis de la communauté internationale et que des confirmations d’ingérence de son fils ne gagnent la place publique.

Dans le cas de Kishore Beegoo, nommé en janvier dernier, des voix se sont immédiatement élevées pour s’opposer à sa nomination compte tenu de ses antécédents à Air Mauritius, mais aussi en raison des liens organiques et malsains qu’entretient la compagnie nationale avec son entreprise Cargotech. Nommé président à temps partiel, Kishore Beegoo s’est tout de suite mis dans le peau d’un PDG (président-directeur-general) décidant de tout et multipliant des déclarations. À un moment, il s’exprimait comme si Air Mauritius était sa petite entreprise personnelle, tout comme l’est Cargotech.

Ses décisions quasi quotidiennes n’ont en rien amélioré le service, caractérisé par un nombre de pannes techniques et de couacs informationnels plongeant les passagers dans la confusion la plus totale, sans compter l’accord conclut en catimini avec Emirates.

Résultat : plus personne n’était satisfait et le staff, qui croyait retrouver un peu de sérénité, renouait avec l’incertitude et l’insécurité. Quant au bilan financier que l’ancien président d’Air Mauritius revendique, les plus avisés qui ont consulté les chiffres y ont vu surtout un exercice d’embellissement comptable.

Et lorsqu’il a commencé à défier quelqu’un qui se trouve dans la position de Paul Bérenger qui est aujourd’hui Premier ministre adjoint et qui a aussi été le Premier ministre qui, entre 2003 et 2005, n’a jamais eu maille à partir avec un Megh Pillay CEO d’Air Mauritius, on voit bien où le vrai problème se situe.

Monsieur Beegoo a été ramené à sa juste proportion, parce qu’il y a des gens qui ont une légitimité populaire, qui se respectent et qui ne peuvent tolérer que des sous-fifres décident à leur place ou leur dictent la politique d’une compagnie nationale qui ne survit qu’à coups de garanties de prêt fournies par le gouvernement, donc le contribuable.
Si le passage de l’ancien président n’est plus qu’un mauvais souvenir à Air Mauritius, où il s’est mis à dos les employés — et ceux qui les ont précédés et qui ont fait de la compagnie nationale ce qu’elle était devenue, une référence au-delà du continent africain —, sa démission forcée aura été aussi une collection de maladresses et de provocations.

Il y a eu, non seulement, ses allusions au fait que le DPM « pa kontan mo figir », ce qui donne lieu à des interprétations diverses et variées, mais cette petite fleur faite au MSM et au leader de l’opposition Joe Lesjongard a laissé perplexe. Ces gens-là, a-t-il tenu à préciser, ne sont pas ceux qui « lui ont mis des bâtons dans les roues ».

Oui, Monsieur Beegoo sait de quoi il parle, parce que les gens du MSM ont l’habitude de toute façon, parce que, avec eux, il n’y a pas de bâtons, il n’y a que des roues… de la fortune. Comme dans les valises, à la MIC, à Air Mauritius même avec la vente d’avions neufs pour louer des cercueils volants et la sous-location de Heathrow — qui a été maintenue une année durant malgré le soi-disant changement opéré au Paille en Queue Court — et à la CWA, pour ne citer que quelques-uns des organismes où la corruption version MSM s’est étalée dans toute son horreur.

Ses mots doux en direction du MSM ont, en plus, complètement refroidi les quelques partisans du Labour qui auraient voulu voler à son secours. Il a été immédiatement lâché parce que toute référence à ce qui se rapproche de près ou de loin au Sun Trust tient du rejet épidermique au PTr. Sa bienveillance envers le MSM a aussi ravivé quelques souvenirs chez ceux qui suivent le dossier Air Mauritius depuis des années. Ceux-là se demandent s’il n’y a pas eu un arrangement conclu avec le MSM après que Roshi Bhadain a quitté le gouvernement en 2017.

En tant que ministre de la Bonne Gouvernance, il avait commandité une enquête sur un possible conflit d’intérêts entre Kishore Beegoo, membre du board d’Air Mauritius et en même temps directeur de Cargotech, client de la compagnie. Le rapport en date de mai 2015 avait établi qu’il y a avait eu un manque à gagner de Rs 320 millions pour la compagnie nationale suivant des manœuvres en interne favorisant Cargotech. Interrogé au Parlement par le leader de l’opposition d’alors, Paul Bérenger, le ministre Xavier Duval avait confirmé les faits et il avait même salué « le très bon travail’ effectué par son collègue Roshi Bhadain.

Si Kishore Beegoo avait été prié de vider le boardroom d’Air Mauritius après les élections de 2014, des cadres avaient eux aussi été suspendus et le dossier référé à la police et à l’ICAC. Après le départ de Roshi Bhadain, le dossier Cargotech avait tranquillement été rangé dans un tiroir. Ceci explique-t-il sa posture tendre envers ce MSM ?

Quant à son salaire mensuel de Rs 75 000 et son état de privation extrême étant dans l’obligation de rémunérer son chauffeur à hauteur de Rs 40 000 mensuelles et le paiement de son crédit-bail de Rs 120 000 par mois, Kishore Beegoo se révèle aussi bon comique. Sauf que personne ne rit de ses blagues de mauvais goût.

Comme une claque ne vient jamais seule, Kishore Beegoo a, le jour même de son départ contraint et logique, été recadré par la Commission des droits de l’homme, qui a décidé de fonctionner comme une vraie institution soucieuse du strict respect et de sa mission. La commission a obtenu que les employés soient rétablis dans leurs droits à des billets à tarif réduit.

Kishore Beegoo, c’est finalement une histoire toute simple : il n’aurait jamais dû être nommé à ce poste. Ses antécédents étant plus qu’éloquents.

 

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