L’histoire collective de l’île Maurice à travers ma famille (2)

Ce portrait de Françoise Victoire Ducasse, née esclave vers 1790, témoigne de la dignité sereine d’une femme née aux portes de la liberté et incarnant l’héritage méconnu des femmes de couleur ayant traversé la période de la servitude coloniale jusqu’à une société post-émancipation.

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Il s’agit d’une image rare et inestimable qui revêt une valeur historique exceptionnelle, surtout compte tenu du contexte social. La photo fut prise à l’île Maurice, probablement entre 1840 et 1850, comme l’indique le cachet du studio « S. Moco – Île Maurice ». et représente une Françoise Victoire vieillissante, sereine, digne et posée, vêtue d’un habit sombre et formel. Elle n’est pas seulement la fille de deux mondes, mais aussi une mère, une compagne et une survivante, ayant vécu assez longtemps pour être photographiée dans un médium auquel sa propre mère n’a jamais eu accès.

Parmi les petits-enfants du Dr DUCASSE, Gal Léonidas DUCASSE, père du futur maire de Port-Louis

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Le petit-fils du Dr Ducasse et de Gertrude, Gal Léonidas, est né en 1831 et décédé en 1892. Photographié vers 1880, il incarne la troisième génération de cette famille métisse, issu de  Philippe Ducasse fils, officier de marine et de Virginie Lambert. Sa tenue et son port traduisent l’émergence d’une élite créole de couleur instruite dans l’île Maurice post-esclavagiste.

Parmi les arrière-petits enfants du Dr Ducasse

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Louis Victor Ducasse, né en 1854. Fils de Gal Léonidas Ducasse et de Lise Ducasse. Après ses études au Collège Royal, il fut recu avoué. Membre de la loge La Triple Espérance et aussi spiritualiste convaincu, Victor Ducasse collabora dans le Journal de l’île Maurice sous le pseudonyme de Jacques Tolérant. Ses articles furent édités en 1893 par la Société Spirite de Paris sous le titre “Le Spiritualisme et l’Eglise”. Ducasse fut conseiller municipal en 1910, puis fut élu maire de Port-Louis en 1914.

Jean Mélotte, sculpteur belge, et sa compagne Marie Jeanne, esclave indienne

Un autre pan de mon ascendance métisse me conduit vers Jean Mélotte, un artiste sculpteur né à Liège, en Belgique, en 1746, et émigré à l’Isle de France en 1769. Il s’établit à Port-Louis avec une femme indienne prénommée Marie Jeanne, alors esclave.

La tradition familiale véhiculait une ascendance indienne de sang princier. Cette histoire avait bercé mon adolescence jusqu’au jour où je découvris que tout cela n’était que fierté familiale pour ne pas avouer le métissage qui coulait dans nos veines. D’autres familles métisses mauriciennes racontaient à leurs enfants la même histoire.

Jean Mélotte s’était établi dans cette région de la capitale qu’on appelait  Le Camp Malabar, lieu où résidaient un grand nombre de familles indo-chrétiennes de Pondichéry arrivées dans l’île comme artisans sous l’administration du Gouverneur francais Mahé de La Bourdonnais.

Plusieurs enfants étaient nés de ce colon belge et de sa compagne esclave Marie Jeanne. Mais trois d’entre eux retiennent notre attention, ceux porteurs  de noms singuliers et profondément révélateurs : Chouchou, Bijou et Bien Aimé. Des surnoms tendres devenus prénoms officiels, sans doute donnés par un père blanc à ses enfants métis, nés d’un amour réel. Ces prénoms, que l’on pourrait croire anecdotiques, sont en fait le reflet d’un affection, d’un lien assumé dans un monde encore profondément hiérarchisé. Là encore, les enfants furent affranchis, reconnus, et laissèrent leur propre empreinte sur la société mauricienne.


(Fin de la 2ème partie)

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