NADC : Une institution en quête d’une nouvelle crédibilité

La politique jugée passéiste de son président Sam Lauthan, de plus en plus isolée

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La National Agency for Drug Control (NADC) ne fonctionne pas comme l’aurait souhaité le gouvernement. Le Premier ministre Navin Ramgoolam l’a très clairement dit au Parlement, mardi dernier. Un véritable désaveu quand on considère les termes élogieux et optimistes employés par le chef du gouvernement quand il avait annoncé la création de cette instance, quelques semaines après sa prise du pouvoir. La NADC devait incarner le renouveau de la politique nationale de lutte contre la drogue. Créée dans la foulée du changement de gouvernement, elle symbolisait la volonté du PM d’en finir avec la dispersion institutionnelle et de donner à Maurice un cadre cohérent alliant prévention, contrôle et réhabilitation. Quelques mois plus tard, la déception est palpable. Le chef du gouvernement lui-même l’a reconnu au Parlement, mardi dernier, évoquant ouvertement la nécessité de changements à venir.
Au cœur des critiques, la gouvernance de Sam Lauthan, président du conseil d’administration de la NADC, est mise en question. L’ancien ministre, figure de la première heure de la lutte contre les stupéfiants, se voit reprocher une approche jugée trop rigide et une gestion peu en phase avec les priorités du gouvernement. Son expérience et son engagement ne font pas débat, mais sa conception du combat contre la drogue semble désormais appartenir à une autre époque.
Soldat de la première heure, Sam Lauthan a choisi de rester campé sur une vision figée du combat contre les stupéfiants, farouche opposant à la révision des lois autour de la dépénalisation du cannabis. Son approche n’a pas fait l’unanimité auprès du gouvernement, lequel  avait promis un débat ouvert sur la question de la dépénalisation durant la campagne électorale, en 2024. Son refus de s’ouvrir aux nouvelles approches a creusé un fossé avec les acteurs institutionnels et associatifs. Les positions exprimées au fil des mois par Sam Lauthan ont souvent donné l’image d’une présidence isolée, campée sur une vision conservatrice à rebours des débats sociétaux en cours.
Des débuts prometteurs vite assombris
Lorsque la NADC a succédé à la NATReSA, les attentes étaient considérables. Le gouvernement voulait une agence plus efficace, capable d’unir les forces publiques et communautaires dans la lutte contre les drogues. Mais les premiers pas ont rapidement laissé place aux doutes. La première conférence de presse de l’agence, en juillet dernier, avait déjà révélé un manque de clarté dans les orientations. Plusieurs annonces, comme la mise en place d’une hotline pour dénoncer les trafiquants, ont suscité plus de confusion que d’adhésion. L’initiative, mal expliquée et sans cadre opérationnel précis, est devenue le symbole d’une communication désordonnée.
Par ailleurs, les chiffres budgétaires peinent à convaincre. Avec un budget de Rs 70 millions pour l’exercice 2025-2026, la NADC a déjà dépensé plus de Rs 2,2 millions en salaires et frais administratifs, dont une rémunération mensuelle de Rs 169,350 pour le CEO et une allocation de Rs 40,000 pour son président. Des montants qui contrastent avec les faibles résultats visibles sur le terrain. Les critiques ne visent pas la volonté, mais la méthode : absence de stratégie claire, initiatives dispersées, et manque de coordination avec les structures existantes.
À cela, s’ajoute un mode de gestion décrit par plusieurs observateurs comme peu inclusif. Les échanges internes seraient marqués par des tensions, les décisions souvent prises de manière unilatérale, et la société civile reléguée au second plan. Ce climat a ralenti la dynamique de l’agence, déjà fragilisée par le manque de cohérence de sa ligne directrice.
Une transition nécessaire vers une nouvelle vision
Sam Lauthan a longtemps été l’un des visages les plus respectés de la lutte antidrogue à Maurice. On lui doit des initiatives durables, comme l’introduction des éducateurs de rue et des programmes d’accompagnement pour les jeunes en difficulté. Ces réalisations appartiennent à l’histoire sociale du pays et méritent d’être saluées. Mais aujourd’hui, à 80 ans, celui qui fut ministre de la Sécurité sociale semble dépassé par l’évolution des enjeux et des attentes.
Dans un contexte où les politiques publiques se tournent vers la réduction des risques, la prévention communautaire et la réinsertion, la NADC ne peut plus se permettre d’être perçue comme un bastion de la répression. C’est ce constat que le Premier ministre a mis en avant, en promettant de revoir la structure et le fonctionnement de l’agence, afin de la rendre plus efficace et crédible.
La mission de la NADC reste cruciale : coordonner l’action nationale face à la prolifération des drogues synthétiques, soutenir les familles, renforcer la prévention, et repenser la réhabilitation. Pour cela, elle doit renouer avec le dialogue, intégrer les ONG, écouter les chercheurs, et adopter une approche plus moderne et inclusive.
Sans remettre en cause le parcours de Sam Lauthan, le constat s’impose : la NADC doit se réinventer pour répondre aux réalités d’aujourd’hui. Et cette réinvention passera, sans doute, par un nouveau leadership, capable de conjuguer expérience, ouverture d’esprit et capacité d’adaptation.

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