Cirque et clowns

Les turbulences politiques ne doivent pas nous faire oublier le cas du milliardaire malgache. C’est devenu une saga qui est loin d’être amusante. Dans tout ce spectacle affligeant, il y a heureusement eu l’intervention du judiciaire pour ramener un peu de raison et d’équité dans le traitement des prévenus, qu’ils soient milliardaires bien connectés ou simples justiciables.

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Pendant que la Financial Crimes Commission (FCC) tergiversait, sous la pression des avocats de Mamy Ravatomanga, et que le ridicule, à son summum, a voulu qu’il ait déjà été arrêté, mais qu’il continue à se reposer tranquillement dans sa chambre VIP à Phœnix, le tribunal, lui, n’a pas hésité à appliquer la loi dans toute sa rigueur. Direction cellule policière, a ordonné le magistrat Prashant Bissoon.

Cependant, là aussi, le prévenu a revendiqué un malaise pour se retrouver à l’hôpital Jeetoo, avant d’être ensuite conduit en détention au poste de police de Vacoas, comme décidé par la Cour. Apparemment, de nouveau confronté à une indisposition, il aurait, avec l’aide de ses avocats, tenté de retourner dans sa chambre de luxe au Premium Care Clinic, mais la police a évité un outrage à la Cour en expédiant Mamy Ravatomanga à l’hôpital de Candos. Respectant ainsi le protocole établi.

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Fini le spectacle de l’ambulance avec un justiciable, présenté comme quelqu’un qui serait pratiquement à l’article de la mort, mais qui peut, aussitôt descendu de son impressionnant convoi médical, escalader les marches menant au prétoire à la cadence d’un Usain Bolt. La farce a assez duré, a tranché la Cour en faisant respecter le droit. Il n’était pas trop tôt.

À Rose-Hill, le Magistrat Arun Ruhomally a fait encore mieux. Il a sèchement remis à sa place le Dr Teemul venu déposer sur l’état de santé de Junaid Fakim, arrêté et, comme l’autre, admis à C-Care Wellkin pour des problèmes cardiaques.

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Le praticien est venu présenter un tableau des plus apocalyptiques de l’état de son patient qui, a-t-il dit sous serment, aurait non seulement fait une chute dans la salle de bains de la clinique, apparemment un coupe-gorge, mais  présenterait désormais des complications liées à une rectorragie.

Le magistrat Arun Ruhomally a demandé que les autres médecins traitants soient entendus à la prochaine séance de la Cour. Il a rappelé au témoin, qui s’est aussi présenté comme un ami de la famille de Junaid Fakim, que balancer des inexactitudes sous serment peut constituer un parjure avec les conséquences qui peuvent en découler.

Encore plus cinglant, il a souligné que “la Cour n’est pas un cirque avec des clowns”. Judicieux rappel à ceux qui croient que leur statut et l’épaisseur de leur compte en banque et la somme de leur monnaie peut-être blanchie leur confèreraient automatiquement certains privilèges.

Cirque et clowns aussi ce qui se passe au sein de l’Alliance du Changement ? Non, parce que ce n’est pas, non plus, amusant cette façon de célébrer le premier anniversaire d’un gouvernement porté par un 60/0 sur la promesse du changement et même de la rupture.

L’espoir d’une nation désenchantée exprimé clairement en novembre 2024 n’aura été que de courte durée. Certains avancent que c’était écrit que deux cultures politiques différentes étaient condamnées, tôt ou tard, à se heurter.

Le peuple a cru à un désir de faire table rase du passé et d’inaugurer une nouvelle ère de démocratie, de transparence et de justice. Quelques avancées, certes, mais que ç’est lent à se matérialiser tout ce qui avait été promis.

Tout le problème est là. Comme une sorte de paralysie qui a gagné les plus hautes sphères de l’exercice du pouvoir. Et il n’y a pas que Paul Bérenger qui s’impatiente. Il n’y a qu’à écouter ce qu’Ashok Subron a à dire. “Nous sommes frustrés par la lenteur des implémentations”, a-t-il déclaré chez un confrère. C’est exactement le constat du leader du MMM.

Navin Ramgoolam et son adjoint ont répété qu’ils voulaient profiter de ce mandat pour laisser un héritage positif au pays parce que, compte tenu de leur grand âge, ils ne se voyaient pas rempiler en 2029 même si Sir Anerood Jugnauth est redevenu Premier ministre à 84 ans en 2014.

Le problème de l’Alliance du Changement aujourd’hui, c’est que, malgré les efforts faits de part et d’autre, les mêmes travers du passé sont en train de revenir à grands pas. Les promesses d’une communication avec la population n’ont pas été honorées.

Que dans la même semaine, il y ait eu une nouvelle baisse du prix de l’essence après celle intervenue fin 2024, la présentation du plan énergétique axé sur la transition, un report de la suppression des subventions aux écoles pré-primaires – par le paiement d’une allocation de Rs 2,750 par enfant – à 2027, une formule de location-vente des maisons de la NHDC ait été introduite, tout cela va lentement et sûrement dans le bon sens.

Encore faut-il qu’il y ait quelqu’un pour communiquer les décisions gouvernementales, pour faire un peu de pédagogie, au lieu de laisser les gens se faire embobiner par les ragots de plus en plus délirants des réseaux sociaux, repris en plus, avec un zèle déconcertant, par certains médias qui  balancent des contre-vérités, au lieu d’aller aux renseignements.

Il a ainsi suffi qu’un écervelé décrète que les contrats des producteurs indépendants d’électricité ont été signés en l’absence du Premier ministre – en sous-entendant que Paul Bérenger a profité pour favoriser ses “cousins” – pour que certains s’engouffrent dans une campagne communale et raciste. Or, la vérité est que les discussions sont toujours en cours.

On a, d’un côté, un chef de gouvernement qui a repris tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, l’avaient conduit à la débâcle de 2014, et de l’autre, un numéro deux toujours pressé à voir réaliser le programme sur lequel l’Alliance du Changement a été plébiscité. Tout cela désole, fait désordre et est porteur d’instabilité.

Si Navin Ramgoolam peut envisager le reste de son mandat sans grande inquiétude, compte tenu de la majorité dont il dispose, le MMM, lui, risque d’être confronté à une nouvelle crise dont il se relèverait difficilement. C’est dire que chacun doit réfléchir à ce qu’il veut que l’Histoire retienne de son parcours.

JOSIE LEBRASSE

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