Comme l’affirmait une des premières publicités filmées de la bière Phœnix : « Il se passe toujours quelque chose à l’île Maurice. » Des années après, cette phrase est toujours d’actualité. Surtout dans le domaine de la politique où les alliances et les divorces les plus inattendus peuvent se contracter et se dissoudre toujours « dans l’intérêt supérieur du pays ». N’est-ce pas pour assurer cet avenir que Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, Richard Duval et Ashock Subron ont mis beaucoup d’eau dans leur vin idéologique et marié piké pour faire Pravind Jugnauth et ses alliés quitter l’Hôtel du gouvernement ? Ils avaient promis le changement et la rupture. À part quelques exceptions, on attend toujours le changement. Quand à la rupture, elle a failli avoir lieu cette semaine, pas avec les traditions du passé, mais là où on ne l’attendait pas aussi rapidement : au sommet du gouvernement. Mais avec le recul, il faut reconnaître qu’il y a eu dans l’air des signes pour indiquer que tout n’allait pas dans le meilleur des modes entre Ramgoolam et Bérenger, malgré le fait que les dirigeants de leurs deux partis n’arrêtaient pas de souligner la complémentarité et la complicité entre les deux hommes. Même s’il est de notoriété publique que l’un prend des décisions très vite et que l’autre prend son temps pour le faire. Sur le fond, Bérenger a raison : des décisions ne sont pas prises, des nominations tardent, et il y aurait à redire sur certains nominés rouges. Encore qu’il y aurait aussi pas mal à dire sur les capacités de certains des nominés mauves, qui l’ont été plus en raison de leur fidélité au leader que pour leurs capacités professionnelles. Exactement comme cela se pratique chez les rouges.
Mais est-ce qu’il y avait réellement matière à provoquer une crise, qui fait jubiler ce qui reste de l’opposition et attise les tensions entre le MMM et le PTr ? Est-ce qu’il avait nécessité d’évoquer une cassure du gouvernement et un retour du MMM à la place qu’il a le plus fréquentée au cours des dernières années – souvent en raison des stratégies de son leader : l’opposition. Si pour Paul Bérenger, il n’y avait pas d’autre issue à la crise qu’il avait provoquée, il a réussi une grande première. Pour la première fois dans l’histoire mouvementé du MMM, une majorité de membres de la direction de son parti a refusé de suivre leur leader. Lors des précédentes cassures Phœnix il y en eut quelques-unes retentissantes dans l’histoire du parti – même si leur nombre allait diminuant, les membres de la direction et des instances mauves soutenait – parfois à contre cœur mais en silence – les décisions stratégiques du leader. Mais cette fois-ci, la majorité des députés et des membres de la direction a fait savoir clairement qu’elle n’avait pas l’intention de suivre leur leader. Pour la première fois dans l’histoire du MMM, son secrétaire général et leader perpétuel se retrouve en minorité dans son parti. Même les plus fidèles d’entre les fidèles – ceux qui lui obéissaient au doigt et à l’œil, exécutaient ses stratégies, et votaient systématiquement pour ses motions – lui ont dit non. C’est une majorité des instances du MMM qui a décidé de ne pas suivre leur leader – de moins en moins maximo – et de rester au gouvernement, au lieu d’aller dans l’opposition. Il est vrai que dans la politique mauricienne, tout peut arriver mais, quand même, quitter le gouvernement et l’Alliance du Changement pour aller faire cause commune au Parlement avec Joe Lejongard et Adrien Duval, toujours alliés de Pravind Jugnauth !
Si c’était un coup de poker politique, Paul Bérenger l’a perdu et se retrouve seul avec sa fille, qui semblait avoir été la seule au MMM, tout à fait préparée à la cassure annoncée, puisque dès jeudi, elle avait déjà posté sur les réseaux sociaux le bilan de son action au ministère de l’Environnement. Est-ce parce que, comme certains commencent à l’affirmer, la stratégie derrière la cassure avait pour objectif, premièrement, de pousser le MMM dans l’opposition ? Deuxièmement et plus important, de faire de la fille du leader, qui se serait retirée de la politique, la future leader de l’opposition, ce qui lui donnerait le temps de se construire pour les prochaines élections ? Est-ce que le mauvais film sur la tentative de rupture de cette semaine reposait sur une stratégie politique papa/tifi ?
Jean-Claude Antoine

