Rassemblement de la CTSP hier : Gratuité maintenue jusqu’en 2026, mais la vigilance reste de mise

Le soulagement est palpable, mais la méfiance demeure. La Confédération des Travailleurs des Secteurs Public et Privé (CTSP) a tenu hier un rassemblement à Port-Louis pour défendre la gratuité du préscolaire. Et ce, malgré l’annonce du ministre de l’Éducation, Mahend Gungapersad, la veille confirmant que les écoles préscolaires bénéficiant de la Grant-in-Aid continueront d’accueillir les enfants gratuitement jusqu’à décembre 2026.

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Après plusieurs semaines de tension et de mobilisation dans le secteur, la décision du comité ministériel mis sur pied par le gouvernement a apporté une accalmie temporaire. Ce comité, composé notamment des ministres Mahend Gungapersad, Kaviraj Sukon, Ashok Subron, Ariane Navarre-Marie et Ajay Gunness, a convenu de maintenir la formule actuelle de subvention. Des discussions seront néanmoins engagées avec les partenaires concernés afin de définir un nouveau modèle pour 2027.

Mais pour les représentants syndicaux et les travailleuses du secteur, cette annonce ne marque pas la fin du combat. Réunis devant le chapiteau du jardin de la Compagnie à Port-Louis, enseignantes, parents et militants syndicaux ont tenu à être présents pour rappeler que cette trêve n’est qu’un sursis. «Vous vous demandez pourquoi nous sommes là, malgré l’annonce du ministre ? Parce que ce n’est qu’une accalmie jusqu’à décembre 2026, mais la lutte continue», a lancé Reeaz Chuttoo, président de la CTSP.

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Même écho du côté de Jane Ragoo, syndicaliste de longue date. «Ce combat, nous le menons pour nos enfants et pour l’avenir de l’éducation préscolaire. Nous avons obtenu un sursis, mais il nous faut une solution durable, pas un pansement», a-t-elle déclaré. Sur la petite scène improvisée, les témoignages se sont succédé. Corinne, enseignante dans une école Grant-in-Aid, s’inquiète. «Oui, cette année tout va bien, mais qu’en sera-t-il après 2026? Nous travaillons dur, nous méritons un salaire digne et la sécurité de l’emploi», a-t-elle dit.

En effet, la révision annoncée de la Grant-in-Aid avait semé la panique dans le secteur. Le projet initial prévoyait que la subvention soit remplacée par un montant forfaitaire de Rs 2 750 par enfant, versé directement aux écoles. Une mesure jugée insuffisante par les syndicats, qui craignaient que les établissements ne puissent plus offrir la gratuité, mettant ainsi en péril l’accès à l’éducation pour les plus jeunes.

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Pour N.M, vice-présidente de la Fédération du secteur des services et enseignante depuis 25 ans dans une école à besoins spéciaux (SEN), la mobilisation a été décisive. «Dans le passé, nous avons vu qu’une union forte pouvait faire changer les choses. Si nous restons mobilisés, nous aurons encore des victoires.» Les intervenantes présentes ont également dénoncé la précarité du personnel des écoles préscolaires, notamment salaires modestes, absence de reconnaissance professionnelle et conditions de travail souvent difficiles. «Ne jouez pas avec la petite enfance, a lancé une enseignante. C’est elle qui forme les futurs médecins, enseignants et citoyens de demain.» Si la décision ministérielle a apaisé les inquiétudes immédiates, les syndicats restent sur le qui-vive.«2027, c’est demain, rappelle Jennifer, enseignante. Une année passe vite. Nous devons rester vigilants et prêts à défendre de nouveau la gratuité si elle est menacée.»

Pour la CTSP, la bataille dépasse la question budgétaire. Il s’agit de défendre la valeur du travail éducatif et la qualité du système d’enseignement dès les premières années. «L’éducation de la petite enfance ne peut pas être confiée à des travailleurs étrangers ou précarisés. Ce sont des métiers qui exigent de l’expérience, de la formation et de la stabilité», a souligné Reeaz Chuttoo, dénonçant des salaires souvent inférieurs à Rs 20 000 par mois. Selon lui, le déséquilibre croissant entre les écoles publiques et privées dans le préscolaire doit pousser le gouvernement à repenser le système dans son ensemble.«Il faut revaloriser ce secteur, revoir les salaires et donner aux enseignants les moyens d’exercer dignement.»

Cette lutte est aussi, souligne Jane Ragoo, une mobilisation de femmes. «Nous avons vu émerger une nouvelle génération de militantes prêtes à défendre leurs droits. Je lance un appel à toutes les femmes mauriciennes : exprimez-vous, engagez-vous dans les combats qui vous tiennent à cœur.» Elle rappelle que la contestation a débuté en novembre 2024, après un budget jugé «flou»sur la question du financement du préscolaire. «On nous a fait part de cas d’abus dans certaines écoles, mais ce sont quelques cas isolés. On ne peut pas pénaliser tout un secteur pour les erreurs de cinq personnes.»

La syndicaliste est par ailleurs revenue sur les démarches entreprises, avec notamment une lettre adressée au Premier ministre suivie d’une mobilisation de plus de 350 femmes dans les locaux de la CTSP, qui a mené à la création d’un comité interministériel. «C’est grâce à cette pression collective que le gouvernement a dû revoir sa position », affirme-t-elle. «Nous avons influencé une décision politique, reconnaît Reeaz Chuttoo. Mais le vrai combat commence maintenant, pour que les travailleurs de la petite enfance obtiennent enfin la reconnaissance et la stabilité qu’ils méritent.»

Il est bon de rappeler que sur les 779 établissements préscolaires enregistrés, 421 bénéficient du Grant-in-Aid (GIA) pour l’éducation gratuite. Parmi les restants, 186 sont des unités intégrées dans les écoles primaires et gérées par l’Early Childhood Care and Education Authority (ECCEA), 130 sont des écoles payantes et 42 sont des écoles municipales ou gérées par des conseils de district.

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