Révoqué de la présidence du board, Richard Hein s’explique dans une lettre envoyée aux membres
Les Rs 95 M de la controverse passent à Rs 117 M
La Mauritius Society of Authors (MASA) est actuellement sans président de conseil d’administration. À la suite de la révocation de Richard Hein par le ministère des Arts et de la Culture, la société se retrouve, une fois encore, empêtrée dans une nouvelle affaire liée à sa gestion. Outre l’approche critiquée de l’ancien président, la tension électrique entre ce dernier et le directeur de la MASA, Gérard Louise, affectait également le fonctionnement de la société. Quant aux Rs 95 millions « découvertes » sur un compte de la MASA, il s’agit des montants de distributions impayées – pour plusieurs raisons (voir plus loin) – depuis 2019. À jeudi dernier, cette somme avait atteint Rs 117 millions.
La présidence de Richard Hein, ingénieur du son, à la MASA n’aura duré que six mois. Il a été révoqué, cette semaine, par le ministère des Arts et de la Culture. Avant que cette décision ne soit prise, Richard Hein, nommé par le gouvernement à la tête du conseil de la MASA, avait été invité par le ministre Mahen Goondeea à une réunion visant à apaiser les tensions entre lui et le directeur de la société, Gérard Louise. Toutefois, l’ancien président ne s’y était pas présenté, et une deuxième tentative s’était également soldée par un échec. « Il ne pouvait pas avoir deux capitaines à bord de la MASA », confie un témoin de la relation tendue entre les deux concernés. Toutefois, il n’était un secret pour beaucoup que la nomination de Richard Hein comme président du conseil d’administration annonçait un mandat spécial. De plus, avec le retour de Gérard Louise à la direction – après 14 ans d’absence – qui se précisait, d’aucuns savaient que l’ambiance s’annonçait tendue. D’ailleurs, lors des premières réunions du Conseil, les membres du board, qui s’attendaient à ce que le nouveau président discute et note l’arrivée de Gérard Louise, ont été surpris de l’entendre renvoyer cet item.
Richard Hein, apprécié pour son immense talent dans l’ingénierie du son, était toutefois contesté au sein même du Conseil pour sa gestion. « Il confondait son rôle avec celui du directeur », rapporte un membre du Conseil. Entre les prises de parole aux allures de monologue pendant le Conseil, des correspondances non communiquées avec des sociétés étrangères, la sortie des dossiers confidentiels et des résolutions qui se faisaient attendre, le fonctionnement sur fond de divergences de la MASA a fini par parvenir aux oreilles du ministre des Arts et de la Culture.
L’origine du compte de distribution impayée
L’affaire des « Rs 95 millions découvertes sur les comptes de la MASA et non distribuées » a également fait grand bruit et éclaboussé la société. Dans une lettre adressée aux membres de la MASA en fin de semaine, dans laquelle il s’explique après sa révocation, Richard Hein est revenu sur cette affaire. Il y évoque la présence de Rs 95 millions accumulées sur le compte de distribution en juin 2025 – soit l’équivalent de trois années de chiffres d’affaires – dont l’origine, selon lui, reste inexpliquée, malgré les requêtes répétées du Conseil. Cette situation, dit-il, empêche une redistribution équitable des droits et illustre le dysfonctionnement persistant de la MASA. Cependant, il revient que ce compte représente en réalité les sommes impayées après les répartitions – et ce depuis 2019 – pour différentes raisons : entre autres, parce que certains ayants droit n’ont pas été identifiés ou que certaines œuvres relèvent du domaine public. Chaque année la MASA collecte environ Rs 30 M à répartir auprès des artistes. Et la somme qui se trouve actuellement sur le compte concerné, augmente graduellement. A jeudi dernier, ce compte affichait un montant de Rs 117 millions. De par la nature de ce compte, la MASA ne peut disposer de cet argent sans se référer à la politique internationale (auprès de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC) dont la MASA est membre) applicable en matière de distribution dans ce type de cas de figure. Un audit de ce fonds est également préconisé. D’ailleurs, le ministre Gondeea a enclenché les procédures nécessaires afin d’obtenir une meilleure compréhension de la gestion financière de la société.
Le cas Bécherel
D’autre part, la démarche de Jonathan Bécherel – membre du Conseil d’administration, qui avait déposé un dossier sur la gestion financière et auprès de la Financial Crimes Commission et ses posts sur les réseaux sociaux – ne fait pas l’unanimité auprès des sociétaires. Si, pour ces derniers, Jonathan Bécherel est libre d’exprimer son opinion sur la société, en revanche, il ferait preuve de maladresse en exposant sur les réseaux ce qui a été discuté pendant les réunions du board.
Comme mentionné plus haut, Richard Hein a livré sa version des faits et défendu son action à la tête de l’institution dans une lettre envoyée aux membres de la MASA, vendredi dernier. Il rappelle qu’il n’avait pas sollicité ce poste, mais qu’il l’avait accepté à la demande du ministre des Arts et de la Culture, Mahen Gondeea, qui lui avait confié la mission de « mettre de l’ordre » au sein de la MASA. Il affirme avoir agi par devoir pour redresser l’institution et répondre aux attentes du ministère et des membres.
Transparence
Richard Hein explique qu’il avait déjà alerté le ministre, dans une lettre envoyée le 30 octobre depuis le Canada, sur des problèmes de gouvernance qu’il juge fondamentaux et toujours non résolus. Durant sa présidence, il dit avoir œuvré à rétablir la crédibilité de la MASA, notamment en maintenant pour deux ans son provisional membership auprès de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC), qui menaçait d’exclure la société pour non-conformité. Une exclusion, souligne-t-il, aurait entraîné le blacklistage de Maurice et probablement la disparition de la MASA.
Sur le plan interne, il affirme avoir rétabli la transparence en soumettant au Conseil deux rapports restés sans suite depuis 2021, émanant du National Audit Office et de l’Office of Public Sector Governance, et portant sur une « mauvaise allocation » des redevances. Ces documents ont conduit à la décision, le 25 juillet 2025, de lancer un audit judiciaire indépendant, afin de restituer les fonds dus aux ayants droit. Cependant, le ministère aurait refusé de soutenir cette initiative.
Pour ce qui est du ou de la successeur.e de Richard Hein, aucun nom n’a, à ce stade, été évoqué dans les milieux concernés.

