— Gamma Materials Ltd en passe d’obtenir une accréditation pour amorcer la commercialisation de ses agrégats
Les travaux du BTP génèrent d’importants volumes de déchets pour lesquels la question de la gestion se pose avec acuité à Maurice, face à la prolifération des dépôts sauvages en pleine nature. Prévention, tri sur chantier, recyclage, réutilisation, réemploi sont devenus des leviers incontournables de la mise en place d’une économie circulaire, et d’une utilisation plus efficace des ressources. Les enjeux sont à la fois la préservation de l’environnement et le gain de compétitivité pour les entreprises. L’utilisation de cette matière permet de diminuer au maximum la consommation de matière première et minimiser la consommation de l’énergie. Maurice demeure un mauvais élève en la matière, mais grâce à la firme Gamma Materials Ltd, sur le point d’obtenirune accréditation de la Mauritius Standard Bureau (MSB) pour la commercialisation de ses agrégats, les choses pourraient vite changer.
On ne compte plus le nombre de fois où Week-End a relayé dans ses colonnes les images glaçantes de ces tonnes de gravats de chantier déversées quotidiennement en pleine nature par des camions BTP, qu’on a parfois l’impression d’avoir affaire à des bandes organisées. Certes, tout semble indiquer que la Police de l’Environnement a enfin changé son fusil d’épaule pour tenter de mettre hors d’état de nuire les contrevenants, multipliant les opérations de surveillance et usant de l’outil des réseaux sociaux et la participation des citoyens, — comme ce camionneur qui a été sanctionné d’une amende de Rs 25 000 après le déversement de débris de construction sur un terrain vague, à Morcellement St-Joseph, Arsenal, la semaine dernière —, mais le révoltant spectacle des dunes de gravats parsemant les terrains en friches à travers l’île est de nature à nous convaincre qu’on est encore loin du compte.
L’absence d’un solide cadre légal, en cours d’élaboration, l’incivisme et la faiblesse de l’offre en termes de valorisation, ainsi que celle de la filière du recyclage, sont autant d’éléments contribuant à cette léthargie. Pour provoquer une prise de conscience individuelle et collective, et tenter de faire évoluer les comportements, des déchetteries ont pourtant été inaugurées, au cours de ces cinq dernières années, comme à La Laura, La Chaumière et Poudre d’Or, sauf queles problèmes de déversement illégal et les risques environnementaux et sanitaires associés ne sont pas pour autant réduits.
60 000 tonnes/an dans la nature
Selon des études effectuées par les principaux producteurs et fournisseurs de matériaux de construction à Maurice, il y aurait en moyenne une décharge illégale tous les 7 km/2 sur l’ensemble de l’île, ce qui représente 72t/km2. Le secteur de la construction génère au moins 70 000 tonnes/an de déchets de construction et de démolition et seules 10 000 tonnes/an sont enfouies à Mare-Chicose, les 60 000 tonnes/an restantes vont dans la nature. Au niveau du recyclage et de la valorisation des DCD, le bilan, pour dire les choses crûment, est catastrophique pour Maurice, oscillant entre 3% et 5%, alors que le seuil légal européen est d’un minimum de 70% et que ce chiffre tend vers 90% pour Singapour.
L’impact des matériaux de construction sur l’environnement est souvent sous-estimé. Or, ce dernier s’inscrit tout au long de leur cycle de vie : depuis le prélèvement des ressources, en passant par le transport jusqu’à la gestion des déchets et du recyclage qui permettent non seulement de préserver les ressources naturelles et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de créer des opportunités économiques. La mise en place d’une nouvelle installation de recyclage des déchets nécessite un grand capital. Les coûts comprennent l’achat de différents véhicules, la construction l’unité de recyclage, l’élimination des déchets et des produits chimiques, et la formation de la population locale en organisant des programmes et des séminaires utiles. Ces critères n’ont pas été considérés comme de pierres d’achoppement par la firme Gamma Materials Ltd qui peut se vanter d’être le pionnier de cette industrie à Maurice.
275 décharges illégales de DCD à travers l’île
Gamma Materials Ltd, qui a cartographié 275 décharges illégales de DCD à travers l’île, avait amorcé ses premiers tests de recyclage de déchets de construction et de démolition en 2020. Un baptême du feu probant, puisque quatre ans plus tard, en avril 2024, la firme annonçait en grande pompe le lancement d’une nouvelle gamme de matériaux issus desdits déchets. « Le développement de matériaux de construction écologiques, à faible empreinte carbone et réutilisables est une nécessité fondamentale pour le marché mauricien », faisait ressortir Bernard Lan, directeur général de Gamma Materials Ltd, à l’époque. 19 mois plus tard, le projet est en passe de se matérialiser. La firme obtiendra sous peu une accréditation du MSB pour lancer officiellement la commercialisation de ses agrégats de construction à partir de son unité de recyclage à La Chaumière, lancée en 2023, qu’elle compte ouvrir à d’autres compagnies et de particuliers avec le soutien du gouvernement. Le MSB a déjà validé la qualité des produits qui sont selon les normes requises.
« 13 000 tonnes ont déjà été reproduites »
Quelles sont les étapes principales menant au recyclage et la reproduction ? Des camions truffés de déchets de construction sont d’abord acheminés vers La Chaumière après un tri préalable. Une fois broyés par des concasseurs sur le site, les déchets de démolition, transformés en produits de préconstruction, seront utilisés dans des couches de base pour les routes et dans les corps de chaussées et le bitumage.
« La collecte des déchets peut s’effectuer soit directement sur le chantier, soit dans des points de collecte spécialement aménagés, comme les plateformes de regroupement ou les déchetteries à travers l’île. L’organisation de la collecte doit prévoir une gestion des zones de stockage et des voies de circulation, afin de permettre l’accès sécurisé des camions de transport sans perturber les autres activités du chantier. Le tri effectué par nos équipes sur notre site spécialisé à La Chaumière permet de séparer, nettoyer et préparer ces matières afin d’être revalorisées. On a le bois, le plastique, etc. Le béton est ensuite concassé pour être utilisé comme granulat dans de nouveaux projets de construction », confie Materials.
Quant à Adrien Bonne, Marketing Manager de la firme, il soutient que « on a déjà réceptionné 23 000 tonnes de déchets, dont 13 000 tonnes ont déjà été reproduites pour l’aménagement d’allées piétonnes notamment. » Ce projet orchestré par Gamma a bénéficié de la collaboration du Mauritius Research & Innovation Council (MSIC) et des départements de recherches de plusieurs universités à Maurice.
Légendes
- Le tri effectué à La Chaumière, permet de séparer, nettoyer et préparer les matières afin d’être revalorisées…
- Une fois broyés par des concasseurs sur le site, les déchets de démolition, transformés en produits de préconstruction seront utilisés dans des couches de base dans les corps de chaussées

