Plus de 4,000 cas, deux féminicides et un système à bout de souffle
Une Prime Minister’s Question posée cette semaine par le député Adrien Duval a jeté une lumière crue sur une crise nationale : la violence domestique n’est pas seulement en hausse, elle a atteint un niveau d’alerte critique. À travers les chiffres fournis par le Commissioner of Police, Rampersad Sooroojebally, et communiqués par le Premier ministre à l’Assemblée nationale, un constat s’impose : les institutions sont dépassées par l’ampleur et l’intensité des violences, alors même que deux féminicides ont endeuillé le pays il y a quelques semaines.
Quelques jours seulement séparaient les deux drames. D’abord, Danaa Laeticia Malabar, tuée par son mari Brandon dans un contexte de violences conjugales déjà connu de son entourage. Puis, le dimanche suivant, le corps de Natasha Vidushi Cornet, 35 ans et mère de trois enfants, retrouvé près d’une rivière à Pamplemousses.
Ces deux féminicides ont agi comme un électrochoc pour l’opinion publique. Et pourtant, la PMQT allait démontrer que ces drames ne sont pas des anomalies, mais les conséquences prévisibles d’un système de protection qui n’intervient ni assez tôt, ni assez vite.
4,127 cas rapportés, 73% de violences physiques : une spirale incontrôlée
Entre novembre 2024 et le 5 novembre 2025, la Police a enregistré 4,127 cas de violence domestique. Un chiffre en hausse, mais c’est surtout leur nature qui inquiète : 3,042 cas ont impliqué des violences physiques, soit 73% de l’ensemble des signalements.
Autrement dit, la plupart des victimes ne se rendent à la Police que lorsque la situation est déjà gravissime, parfois à quelques centimètres du drame. Dans les deux décès récents, les proches ont décrit des relations marquées depuis longtemps par la violence, cependant jamais interrompues à temps.
Le Premier ministre a indiqué que 2,103 personnes ont été inculpées sous la Protection from Domestic Violence Act. Ce chiffre semble solide, mais révèle surtout qu’un cas sur deux n’aboutit pas à des poursuites — retrait de plainte, découragement, peur, ou manque de suivi administratif.
Un taux dérisoire de protection de 15%
Lors de la PMQT, Adrien Duval a souligné que ce fossé entre plaintes et actions constitue « le cœur du problème », un espace dangereux où les victimes retombent dans la violence sans aucune protection réelle.
Les District Courts ont délivré 970 ordonnances provisoires (IPO). Toutefois, seules 454 ordonnances finales ont été prononcées. Et c’est là que les chiffres deviennent glaçants : parmi 3,042 cas de violences physiques, seulement 15% aboutissent à une protection durable de la Cour.
Ce taux d’échec est d’autant plus grave que les féminicides récents ont montré que la phase la plus dangereuse est précisément celle entre la plainte, l’enquête et l’ordonnance judiciaire — une zone grise où trop de femmes sont livrées à elles-mêmes.
Zéro Occupation Order, Zéro Tenancy Order, Zéro Ancillary Order !!!
L’un des faits les plus préoccupants révélés durant la PMQT est l’absence totale de recours à trois types d’ordonnances pourtant prévues par la loi : aucune Occupation Order, aucune Tenancy Order, aucune Ancillary Order. Des outils essentiels pour protéger les victimes en urgence, notamment pour les éloigner du domicile conjugal ou sécuriser leurs biens. Ils existent sur le papier, mais n’existent pas dans la réalité.
Adrien Duval a dénoncé une loi qui « décourage les victimes dès la première étape » et un système « trop lent, trop technique, trop intimidant » pour des personnes souvent en détresse.
Une réforme annoncée par le PM, sans calendrier
Le PM a reconnu la nécessité d’une réforme et indiqué que le ministère de l’Égalité du genre travaille sur un nouveau Domestic Abuse Bill, destiné à remplacer la loi actuelle. Mais aucun engagement ferme, aucune date, aucun plan d’action concret n’ont été annoncés. Dans un pays où deux femmes viennent d’être tuées en une semaine, cette absence de calendrier a suscité une forte frustration dans l’opinion.
Cette PMQT aura eu le mérite de mettre noir sur blanc une réalité que trop de familles vivent en silence. La violence domestique n’est plus une question sociale, ni un « problème structurel ». C’est une crise nationale, meurtrière, accélérée par les failles d’un système de protection qui agit trop tard, trop peu, trop lentement.
Chaque chiffre présenté à l’Assemblée renvoie à une question simple : combien de victimes supplémentaires faudra-t-il, avant qu’une réforme complète soit mise en œuvre ?
Violence domestique : La PMQT révèle une crise hors de contrôle
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