L’homme d’affaires malgache, Mamy Ravatomanga, en « surveillance médico-judiciaire » en clinique jusqu’à jeudi prochain
Sattar Hajee Abdoula emboîte le pas à l’ex-commissaire Junaid Fakim et à Mamy avec une admission à la clinique, jeudi, à la sortie du tribunal
Les Gro Palto, rattrapés par des scandales d’abus de fonds publics et de Money Laundering, ont trouvé le filon pour éviter toute détention en cellule policière. Après l’ancien commissaire de la Financial Crimes Commission (FCC), Junaid Fakim, l’homme d’affaires malgache, Mamy Ravatomanga, en fuite de la Grande-Île avec un Criminal Attachment Order de Rs 7,3 milliards collé à son dos, est en passe d’au moins égaler le record du premier nommé, soit passer toute la période de son détention policière dans le confort d’un ward d’une clinique privée. Et Sattar Hajee Abdoula, ancien Political Financial Henchman sous l’ancien gouvernement de Pravind Jugnauth, commence à prendre goût des facilités du paravent médical pour contrer des Rulings de la Cour pour des détentions en cellule policière. Depuis jeudi dernier, celui, qui avait régné sur Air Mauritius, la State Bank of Mauritius Holdings Ltd et mené à exécution le démantèlement de l’empire Dawood Rawat, a été admis lui aussi en clinique. Jusqu’ici, cette baguette magique a favorisé des Top Guns épinglés par des enquêtes de la Financial Crimes Commission, avec bientôt tous les protagonistes se faisant prévaloir de cette porte de sortie.
En tout cas, l’affaire Mamy Ravatomanga, déjà tentaculaire, s’inscrit plus que jamais dans le feuilleton politico-financier qui bouscule bien des institutions et pas des moindres. Ce milliardaire malgache, homme d’affaires influent, personnalité proche du pouvoir à Antananarivo et figure controversée dans plusieurs juridictions, est aujourd’hui au centre d’un dossier de blanchiment d’argent estimé à Rs 7,3 milliards et d’une accusation provisoire d’entente délictueuse. Mais entre absences répétées en Cour et problèmes de santé, ce cas dépasse largement le cadre d’une simple procédure pénale.
Jeudi, alors qu’étaient prévus des débats importants au sujet de sa motion de remise en liberté, Mamy Ravatomanga n’était point au tribunal de Port-Louis. L’homme ne s’est pas présenté officiellement pour des raisons médicales. Ses conseils légaux, nullement en service Pro-Bono, clament haut et fort que « leur client est sous haute surveillance médicale ».
Et pour cause, deux médecins ont été appelés en renfort pour justifier cette absence. Le cardiologue Ahmud Sorefan, de l’hôpital Victoria, a expliqué que le prévenu avait subi une angioplastie le 10 novembre, après le diagnostic de deux artères obstruées. Le spécialiste affirme avoir prescrit un repos absolu de deux semaines, évoquant une convalescence qui empêcherait tout stress, tout déplacement et, surtout, toute séance d’interrogatoire Under Warning à la Financial Crimes Commission.
Pour sa part, le Dr Aniff Yearoo, qui suit le patient à la clinique Premium Care, a abondé dans le même sens : d’après lui, l’état de santé du suspect dans cette sinistre affaire de Money Laundering est « délicat », justifiant un monitoring serré. Une surveillance qui semble rendre impossible toute détention en cellule, mais demeure compatible avec des transferts successifs entre différentes institutions médicales depuis plus d’un mois.
Car malgré son statut officiel de « remand to police cell », Mamy Ravatomanga n’a jamais passé une minute en détention. Depuis le jour où il a été informé de son arrestation imminente, il a multiplié les passages médicaux : clinique Premium Care, hôpital Jeetoo, transfert à l’hôpital Victoria le 7 novembre alors qu’il était attendu au centre de détention de Vacoas, puis retour à la clinique une semaine plus tard.
La motion de remise en liberté, initialement attendue hier, a été reportée au 27 novembre. Cette même date coïncide avec les débats concernant la demande de rayer les accusations provisoires. Les conseils légaux de Ravatomanga, dont Me Siddhartha Hawoldar, doivent décider laquelle de ces deux procédures sera entendue en premier.
D’après les informations disponibles, l’équipe légale pourrait privilégier la Bail Motion. Une manière de remettre l’homme d’affaires en position de force, et capable de mieux préparer sa contre-offensive judiciaire.
Mais la FCC semble déterminée : elle soupçonne Mamy Ravatomanga d’avoir utilisé Maurice comme plateforme de gestion financière pour plusieurs compagnies, dont les fonds proviendraient d’activités illicites à l’étranger. Et l’accusation d’entente délictueuse pèse également lourd. Les enquêteurs affirment qu’il aurait tenté d’influencer l’ancien commissaire de la FCC, Junaid Fakim, lors d’une rencontre à Quatre-Bornes le 14 octobre.
Parallèlement, un autre volet du dossier Mamy complexifie davantage la situation : l’enquête sur le jet privé Cessna 560XL qui a assuré le transfert de Mamy Ravatomanga à Maurice le 12 octobre.
Cet aspect a pris des allures explosives car, mardi, sous surveillance policière, le copilote malgache Zuzie Raymond Hasiniavo s’est présenté en Cour intermédiaire pour jurer un affidavit. Il y dénonce ouvertement la situation dans laquelle il se trouve depuis un mois : son passeport a été confisqué, il n’est pas libre de quitter Maurice, alors qu’aucune charge n’a été retenue contre lui et qu’il n’a jamais été arrêté.
Le copilote affirme avoir pleinement collaboré depuis le début de cette enquête : chaque convocation, chaque demande d’explication, chaque audition. Rien, selon lui, ne justifie une telle rétention prolongée de son passeport. Dans sa version à la police, il renvoie la responsabilité sur le pilote, qui a déjà quitté Maurice. Et ce, avant d’ajouter qu’il a suivi les instructions de ce dernier.
La Criminal Investigation Division (CID) Airport a déjà interrogé près de 50 personnes : copilote, techniciens, membres d’AHL, responsables opérationnels, et plusieurs proches du milliardaire. Parmi eux : Gilbert Noël, ex-membre du conseil d’administration d’Airport Holdings Ltd et Jet Prime Ltd; Andry Patrick Rabetokotany et son épouse Lovanirina Ravatomanga, gendre et fille du milliardaire.
À ce stade, les enquêteurs du Central CID cherchent à comprendre et établir la chronologie ayant permis l’atterrissage du jet privé au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport, alors que les éléments disponibles pointent vers une opération coordonnée, et non improvisée.
Affaire à suivre.

