Palme d’Or 2025 de la saleté et de l’incivisme : La capitale encore et toujours

Jonché par des déchets des plus surprenants, voire écœurants, obstruant les égouts et rameutant rats et insectes. Une décharge à ciel ouvert : bienvenue à la Place de l’Immigration, gare du Nord, à Port-Louis, site chargé d’histoire, où l’air empeste du matin au soir ! On ne finira sans doute jamais d’égrener les maux qui minent la société mauricienne en matière d’actes d’incivilité environnementale. Pour saisir l’ampleur de la terrible anarchie, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur l’amoncellement de déchets en tous genres qui enlaidit les rues squattées par les marchands ambulants et commerçants opérant de manière légale, notamment autour du marché central. C’est sans surprise que, pour la troisième année consécutive, on décerne la Palme d’Or de la saleté et de l’incivisme à Port-Louis, où la pollution atteint chaque jour des sommets.
15 janvier 2024. Le cyclone Belal transforme Maurice en un champ de ruines en seulement quelques heures, ravivant les souvenirs douloureux du 30 mars 2013. Des véhicules emportés, des quartiers inondés et des pertes humaines ont marqué cette journée sombre. D’autres images défraient la chronique : les montagnes de déchets refoulés des canalisations et par les torrents émanant de la mer du Caudan.  On avait cru, naïvement, que ce triste et révoltant spectacle allait susciter un sursaut d’orgueil ou éveiller la conscience écologique des citoyens. Il n’en a rien été. Le problème est récurrent à Maurice : lorsqu’ils ne s’entassent pas le long des routes ou dans des décharges sauvages, les détritus finissent dans les caniveaux, les cours d’eau ou les rivières, formant des amas compacts.
À l’évocation de certaines villes comme Port-Louis, Curepipe et Beau-Bassin/Rose-Hill,  l’esprit s’oriente automatiquement vers la pensée qu’il s’agit surtout de lieux au rayonnement culturel et historique immense. Sauf que de sombres taches parsèment ce reluisant tableau : la dégradation du patrimoine historique, si riche mais tellement laissé pour compte, doublé de l’insalubrité régnant en maître jusqu’aux principaux quartiers desdites villes. Les atteintes à l’environnement sont plus graves dans la capitale, qui se voit décerner la Palme d’Or de la saleté et de l’incivisme. Oui, les Mauriciens sont loin d’être de bons élèves en matière de civilité, mais ce constat ne doit nullement constituer un moyen pour les pouvoirs publics, garants de la salubrité publique, de se dédouaner de toute responsabilité dans ce marasme qui ne finit plus de salir l’image du pays à l’échelle mondiale.
Un cloaque de saleté
Certes, on note que des initiatives se multiplient du côté de la mairie de Port-Louis et d’autres élus du gouvernement en ce qu’il s’agit de gestion et l’entretien des réseaux d’égouttage et de drains. Sauf que, malgré leurs efforts pour endiguer la pollution, ils ont omis un élément essentiel dans leur quête d’une ville plus propre : l’installation de poubelles ou conteneurs poubelles plus grandes et plus adaptées face aux réalités du quotidien… lorsqu’elles sont tout bonnement absentes dans certaines artères (voir plus loin).
Cette lacune est particulièrement marquante à la Place de l’Immigration vu que l’insouciance en matière de comportements par rapport à l’hygiène est déconcertante. Au fil des décennies, elle s’est transformée en un cloaque de saleté. Le site fait peine à voir dans l’après-midi, avec les sacs-poubelle éventrés, papiers gras, verres et autres bouteilles en plastique virevoltent au gré du vent. Des commerçants dépourvus de civisme reversent de l’huile de friture usagée dans les drains et dans les caniveaux, avec les odeurs pestilentielles en bonus. On ne peut rester de marbre devant ces incivilités, mot pas assez fort pour décrire ces actes qu’on qualifierait plutôt d’odieux ! Que dire encore de l’impression qu’elle laisse aux touristes qui arrivent à la gare dans l’après-midi ? Loin de nous l’idée de mettre tous les commerçants dans le même panier, mais de nombreux colporteurs, accaparant les trottoirs au nez et à la barbe des policiers, jettent leurs boîtes vides de marchandises dans les recoins de la rue, lui donnant l’aspect d’un dépotoir. Il sera intéressant de scruter le comportement de ceux qui occuperont les stands qui seront installés des deux côtés de la rue Desforges à l’occasion du Night Market à partir du 12 décembre (voir plus loin).
Faire évoluer les comportements
D’aucuns soulignent que la transformation de la Place de l’Immigration en un terminal moderne et propre, comme au Victoria Urban Terminal (VUT), vaudra son pesant d’or… Sauf que ce fameux bond vers la modernité se heurte pour l’instant à la pierre d’achoppement de l’attente interminable liée au feu vert que doit donner l’Unesco à autorités mauriciennes, le site se trouvant dans la zone tampon de l’Aapravasi Ghat, classé sur la liste des patrimoines mondiaux.  C’est bien beau d’avoir redonné ses lettres de noblesse à la Place Victoria. Sauf que, juste en face du site, les commerçants ne faisant pas partie du VUT n’ont pas l’air de vouloir se mettre au diapason si l’on se fie au triste spectacle qui s’offre à nos yeux quotidiennement. Des ordures en tous genres jonchent les chaussées et les trottoirs sans que personne ne s’en émeuve, quand bien même ils ne sont pas les seuls à blâmer dans cette apathie profonde qui s’étend jusqu’aux rues John Kennedy et Sir Célicourt Antelme, autour du parking du bâtiment Air Mauritius, longées par le ruisseau du Pouce. On pourrait citer les exemples à l’envie…
Le ministre de l’Environnement Rajesh Bhagwan et la Junior Minister Joanna Bérenger ont lancé un appel à la police de l’Environnement pour qu’elle applique la loi dans toute sa rigueur, à travers des mesures répressives. Sauf qu’on a parfois l’impression que cette police brille par son absence dans les lieux où l’incivisme est roi. Parmi les leviers permettant de faire évoluer les comportements, l’exemplarité apparaît comme une solution. Le rôle des parents apparaît donc essentiel, au même titre que le ministère de l’Education, qui devrait faire preuve de plus d’inventivité pour créer des outils et des parcours pédagogiques, ludiques, pratiques avec pour objectif de faire comprendre à la jeune génération les rouages de la crise environnementale.

- Publicité -

HT
Des poubelles pas assez « grandes » !
Faut-il nettoyer plus pour avoir une ville ou un village propre ? Pas nécessairement : nettoyer moins, autrement dit, agir sur la prévention, est un levier d’action qui pourrait faire ses preuves. Et dans la prévention, c’est le mobilier urbain qui joue le rôle principal. Les poubelles de rue, amples, en bon état et assez profondes, sont le moyen le plus efficace de lutter contre l’incivisme et l’abandon des déchets. Or, de tous les maux qui menacent le plus l’environnement à Maurice, c’est surtout le manque de poubelles pour faire face aux réalités du quotidien — ou quand elles sont inadaptées ou absentes — qui se pointe en pole position. Quid des poubelles désuètes et étroites de couleur orange, floquées de panneaux publicitaires, aménagées il y a une vingtaine d’années dans les quatre coins des villes ? On ne compte plus le nombre de fois où Week-End a attiré l’attention des mairies sur le fait que ces poubelles ne servent plus à grand-chose et qu’elles devaient être supplantées. Pire, pour des raisons qu’on ignore, certaines d’entre elles ont été recouvertes ou truffées de ciment ! De mauvais augure à l’aube de l’installation, sur certaines places publiques, des poubelles de recyclage.

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques