La confirmation que l’île accueillera le 18ᵉe Sommet des affaires États-Unis/Afrique entre le 26 et le 29 juillet 2026 a déclenché un enthousiasme communicatif au sein du gouvernement comme des milieux économiques. Les discours du Corporate Council on Africa (CCA) ont offert un récit flatteur : Maurice, « hub », « porte d’entrée vers l’Afrique », grâce à des services financiers développés, un pont entre les pays asiatiques – dont l’Inde et la Chine – et l’Afrique et les pays occidentaux, ainsi qu’un environnement idéal en termes de stabilité et de gouvernance.
Ce feel-good factor ne doit cependant rien au hasard : il participe à une mise en scène stratégique, soigneusement calibrée, pour projeter le pays au rang de plateforme incontournable entre Washington et le continent africain. Jean-Raymond Boulle, ce Mauricien qui occupe le poste de vice-président de la CCA et investisseur mondialement connu, a ajouté une touche symbolique majeure en qualifiant Navin Ramgoolam de « père de l’AGOA ». Cette reconnaissance n’est pas anodine; elle repositionne le Premier ministre dans une narration diplomatique longue, crédible, et, surtout, utile, à un moment où Maurice cherche à réaffirmer son leadership régional. Le message est clair : « Nous avons déjà contribué à écrire un chapitre important des relations entre l’Afrique et les États-Unis; nous pouvons en ouvrir un nouveau. »
Pour Florie Liser, dirigeante du CCA, Maurice est le décor parfait : stabilité, institutions fiables, compétences solides, services sophistiqués. L’île offre aux investisseurs une porte d’accès vers l’Afrique qui réduit les risques et rassure les capitaux. L’enjeu du sommet est donc crucial : 3 000 décideurs attendus, de grandes institutions financières (DFC, Exim Bank), des projets structurants en perspective… bref, une opportunité à ne pas rater. Mais derrière l’emballage lumineux, une question demeure : Maurice tire-t-elle pleinement profit de cette image ?
Les opérateurs mauriciens sont déjà très présents sur le continent, que ce soit à travers les institutions financières ou l’implantation d’entreprises dans plusieurs secteurs, y compris le sucre et le commerce. Avec son statut de plateforme logistique et fiscale, Maurice doit désormais renforcer la création de valeur locale. Cela implique des entreprises mauriciennes capables d’exporter leurs compétences en Afrique et une stratégie commerciale claire et durable avec les États-Unis, au-delà de l’événementiel. À ce propos, Maurice continue d’œuvrer en vue de la conclusion d’un accord commercial bilatéral avec les États-Unis. Le ministre Ritesh Ramful, qui copréside un comité organisateur avec le ministre Adil Ameer Meea, espère qu’un accord dans ce sens sera signé avant la conférence du CCA, en juillet prochain.
De son côté, Florie Liser se dit confiante du renouvellement de l’AGOA. « Si nous jouons bien nos cartes, 2026 ne sera pas une parenthèse brillante dans l’histoire du pays », dit-elle. Pourtant, ce récit d’une Maurice économique forte, qui se reflète à travers la frénésie de consommation lors du Black Friday, contraste avec le discours tenu par nos dirigeants sur la scène intérieure. Le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, l’a rappelé au Parlement mardi dernier : le pays traverse toujours une période financière difficile, « les largesses ne sont pas possibles », et la révision salariale recommandée par le PRB pour les fonctionnaires doit encore « être étudiée ».
Les louanges en faveur de Maurice ne doivent pas masquer les réalités sociales et économiques internes. Le juriste et homme d’affaires Marc Hein, conscient de la situation, œuvre actuellement afin de ne pas donner à cette conférence une dimension élitiste. Il souhaite que les PME et la population en général soient impliquées dans le processus de préparation, comme cela avait été le cas pour le Festival de la Mer. Il souligne ainsi l’importance d’organiser des activités publiques afin d’expliquer aux entrepreneurs les possibilités qui s’offrent à eux pour développer une économie d’échelle en s’intégrant sur le marché africain.
Ainsi, une ou deux conférences auraient pu être organisées à l’Université de Maurice. « Pourquoi pas une journée de courses hippiques dédiée à cette conférence ? » se demande-t-il. En attendant, attelons-nous à la tâche pour faire de cette conférence un grand succès.
Jean-Marc Poché

