Tué en France : Selven, un rêve fauché 

À Bain-des-Dames, la nouvelle s’est propagée en quelques secondes, laissant derrière elle un silence lourd et incrédule. «Selven inn ale… » Le message venu de France un samedi soir a renversé une famille entière, modeste mais soudée, qui n’imaginait jamais perdre ainsi ce fils.

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Selven Goburdhan, 43 ans, maçon mauricien installé depuis plusieurs années à Saint-Flour, dans le Cantal, venait tout juste d’obtenir sa régularisation. Une étape cruciale dans ce long parcours qu’il avait entrepris pour offrir une vie meilleure aux siens. Son rêve français ne faisait que commencer.

Travailleur et déterminé

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Selven faisait partie d’une fratrie de trois garçons. Il avait grandi à Bain-des-Dames dans une maison où l’on partageait plus d’amour que d’argent. Souriant, volontaire, connu pour aider sans compter, il cumulait à Maurice des chantiers de maçonnerie et des travaux de tombalisme pour soutenir sa famille.

Depuis des années, il nourrissait un seul objectif : partir légalement en France, travailler dur, économiser, et construire quelque chose pour les siens. En début d’année, ses papiers étaient enfin arrivés. Et avec eux, l’espoir d’un nouveau départ.

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Depuis plusieurs semaines, il ne parlait plus que d’une chose : son retour à Maurice pour les fêtes et pour l’anniversaire de son petit frère. Les valises étaient prêtes. Son appartement indiquait un départ imminent. Jeudi, il devait monter dans un avion. Vendredi, il devait être dans la cour familiale, accueilli avec les rires et l’émotion de ses proches.

Le drame de Saint-Flour

Mais le samedi 29 novembre, tout bascule.
Selon les autorités françaises, Selven est mortellement poignardé de 16 coups de couteau dans son lit, tôt le matin, lors d’une dispute avec un voisin – un homme de 59 ans qu’il accueillait souvent chez lui.C’est d’ailleurs ce même voisin qui a alerté les pompiers. Les secours, arrivés sur place, découvrent Selven sans vie, dans son appartement. Le suspect est interpellé peu après en centre-ville.

À Bain-des-Dames, personne ne comprend. Selven n’avait d’ennemi. Seulement des projets, des rêves, et ce billet retour qu’il n’a jamais pu utiliser.

Le choc à peine encaissé, la famille se lance dans un parcours administratif éprouvant.Dimanche, ils alertent les autorités. Lundi, ils se rendent à l’ambassade de France à Moka. On leur dit simplement :« Pran kontak ek lanbasad Moris laba Lafrans.»

Aux Casernes centrales, on les renvoie vers les Affaires étrangères. Là, un officier promet de « faire le nécessaire » et de rappeler. Mais aucune nouvelle ne vient.Le frère cadet, Paul, raconte leur désarroi. Finalement, ce sont les autorités françaises – contactées par leurs propres moyens – qui leur fournissent l’acte de décès et un interlocuteur. Jusqu’à présent, la famille affirme n’avoir reçu ni assistance de l’État mauricien, ni appel officiel de la part des autorités françaises.

Ramener le corps de Selven chez lui

À Maurice, les proches font face à une double épreuve : la douleur immense de la perte, et l’urgence financière du rapatriement. Les premières pompes funèbres contactées en France ont réclamé des montants impossibles pour cette famille modeste.Une entreprise mauricienne a finalement accepté de prendre en charge la procédure, mais le coût s’élève toujours à Rs 250 000. Une somme qu’ils n’ont pas. Autour de la maison familiale, les voisins, les proches, les amis défilent. Le père, Raja, brisé, résume l’unique souhait de la famille :« Nou le zis fer so lamor kot so dimounn, parmi bann ki ti kontan li. »Tous n’attendent qu’une chose : que Selven revienne enfin chez lui. Là où il aurait dû rentrer, quelques jours plus tôt… mais vivant.

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