Dieu merci, il existe des moments de pur bonheur qui peuvent être vécus même quand les temps durs semblent avoir pris le dessus.
Avec trente mille autres personnes, j’en ai vécu un, et cela vaut la peine de mettre en lumière cette expérience humaine.
À savoir que je me suis embarquée en tant que bénévole pour aider lors de trois jours de concerts de Glorious*. Après le travail en amont, avec une centaine de personnes, me voilà postée au stade de Côte d’Or. Chacun est affairé à une tâche, à une responsabilité.
Outre le don de soi, monter, descendre, les longues marches d’un point du stade à un autre et le travail en équipe avec des personnes que nous ne connaissions pas la seconde d’avant, l’expérience qui nous attendait allait dépasser toutes nos attentes.
Chaque concert commence par des battements de cœur qui résonnent dans les enceintes et par une phrase qui s’affiche sur l’écran : “Vous êtes là ?”. Oui, nous le sommes, petits et grands, catholiques ou pas, communautés confondues. D’une seule voix, nous répondons : OUI.
Un oui qui dépasse le stade : il dépasse nos limites, nos barrières, nos différences et notre couleur de peau. Un oui prononcé par le peuple mauricien tout simplement. Un oui qui fait frissonner et qui interpelle : Pourquoi cette communion entre nous n’est-elle pas plus tangible chaque jour ? Pourquoi n’arrivons-nous pas à sortir de nos enfermements et nos préjugés ? Pourquoi la méconnaissance de l’autre nous fait-elle douter de l’inconnu ?
Foule en joie, peuple souriant, regards échangés : l’entente est immédiate. Des mots fusent dans ma tête pendant ces soirées exceptionnelles: Acceptation – Respect – Bienveillance – Ouverture – Disponibilité – Accueil – Reconnaissance
Waow ! La recette parfaite pour un monde meilleur.
Pendant que les projecteurs caressent les visages, un fil invisible, presque sacré, se tisse entre nous, reliant les cœurs avant même que les mains ne se frôlent.
Ce que nous vivons n’est pas seulement un concert : c’est une respiration commune, un élan partagé, une pulsation qui remet de l’ordre dans le chaos intime que chacun porte en silence.
Les premières notes s’élèvent comme un cri, une libération, une prière… Une lumière dorée glisse sur la foule qui se met à danser. On dirait une mer éblouissante et vivante, une mer humaine où personne n’a peur de perdre pied. Au contraire : on se laisse porter. On se laisse trouver. Au milieu de ces inconnus devenus compagnons d’instant, j’ai l’impression que mes pas sont guidés.
Je repense à nos vies dissociées, à nos histoires qui ne se croiseront peut-être plus jamais, à ces peurs qui nous ferment les portes les uns des autres. Ces soirs-là, nous acceptons de poser les armes : nos jugements, nos inquiétudes, nos solitudes. Tout repose un instant, comme si le monde faisait halte pour reprendre souffle.
Les chants montent et retombent comme des vagues, et une douce chaleur me traverse, inattendue, presque enfantine. Un bonheur pur, fragile, mais vrai. Un bonheur qui ne demande aucune justification. Il s’offre. Il se dépose. Il se reçoit.
Je regarde le ciel. La nuit au-dessus du stade semble nous envelopper comme un grand manteau protecteur. Les étoiles paraissent danser avec nos voix. Ou alors, ces étoiles, est-ce nous ? Le firmament se reflète sur la terre. Des étoiles brillent à la fois au-dessus de nos têtes et dans le stade, par notre présence à chacun. On dirait que le ciel lui-même se penche pour écouter, tant quelque chose d’important se vit.
Des jeunes enfants et des adolescents chantent à pleins poumons, des parents tiennent leurs enfants contre eux, des couples se serrent, des personnes âgées dégagent une nouvelle jeunesse, des personnes autrement capables ou à mobilité réduite transmettent une joie déconcertante.
Ce mélange d’âges, de visages, de parcours… c’est comme une grande mosaïque mouvante. Chacun apporte sa touche, sa couleur, sa nuance, et c’est cela qui rend l’ensemble si beau. Il n’y a ni artistes ni spectateurs. Plus de « eux » ni de « nous », plus de cases, plus de catégories. Juste une humanité unifiée, vivante, vibrante.
Le miracle ne réside pas seulement dans les chants ou la scène : il vit dans la présence de chacun.
Nous sommes là – vraiment là – les uns aux côtés des autres, sans filtre. Peut-être que le bonheur naît précisément de cette simplicité : être ensemble, se reconnaître, se laisser toucher.
Et au cœur de cette foule immense, une petite lumière naît dans ma poitrine. Une lumière qui ne brûle pas, qui réchauffe juste assez pour me rappeler que malgré tout, malgré les nouvelles sombres, malgré les violences du monde, malgré nos fragilités et nos manques… il existe des moments qui rassemblent. Des moments qui réparent. Des moments qui sauvent.
Si nous pouvions emporter avec nous ne serait-ce qu’une étincelle de cela, si chacun repartait avec un fragment de chaleur, une intention de douceur, une plus grande capacité à regarder l’autre avec humanité… c’est la preuve que ces concerts sont bien plus qu’un spectacle. C’est le signe qu’ils nous ont apporté ce petit truc en plus : L’ESPÉRANCE.
C’est aussi une promesse discrète et puissante que le monde peut changer, en un battement à la fois, et d’un cœur à l’unisson.
*Glorious est un groupe musical chrétien catholique français
