Dans le cadre de la campagne 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre, une séance spéciale a été consacrée à Rodrigues. Parlementaires et travailleurs sociaux se sont exprimés sur la question. La complexité de la situation à Rodrigues où la violence domestique demeure taboue, ainsi que le manque de statistiques, ont été mis en avant.
La Speaker de l’Assemblée nationale, Shirin Aumeeruddy-Cziffra, avait invité les parlementaires à débattre de la situation dans l’île. « Maurice n’est pas une île isolée. Rodrigues fait partie de la République de Maurice. C’est pour cela que nous avons tenu à inclure Rodrigues dans cette activité », dit-elle. Elle a également mis l’accent sur la violence numérique qui devient préoccupant. « Quand on voit qu’aujourd’hui il y a des suicides en direct sur les réseaux sociaux, cela interpelle », fait-elle ressortir.
La UN Resident à Maurice, Alka Bhatia, a déclaré que le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) apportera tout son soutien à ce combat. Le PNUD s’est d’ailleurs associé au bureau de la présidente de l’Assemblée nationale pour cette campagne de 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre. « Je visiterai Rodrigues bientôt et j’ai entendu dire qu’il s’agit d’une communauté bien vibrante et soudée. Cela peut être une force et un défi à la fois. Dans un tel contexte, les victimes de violence ne sont pas encouragées à dénoncer. »
Elle a ainsi promis qu’elle apportera tout son soutien à l’élaboration des Gender Equality Strategies. Alka Bhatia a fait état du manque de données concernant la violence domestique à Rodrigues. Elle a suggéré que les Protection Centres soient appelés à, collecter les données pour les remettre aux autorités concernées. Cette question a été reprise par les parlementaires de Rodrigues présents.
Réalités culturelles
Pour sa part, Dianette Henriette-Manan a fait ressortir que la violence domestique est un sujet encore tabou à Rodrigues. « Les victimes ont honte de dénoncer ou elles ne veulent pas faire honte à la famille. Ce qui explique pourquoi le nombre de cas répertorié est sans doute multiplié par dix dans la réalité. On protège la famille, mais on protège aussi le bourreau », s’insurge-t-elle.
À ce sujet, Jacques Édouard a indiqué qu’à ce jour, il y a eu 107 plaintes de violence domestiques pour l’année 2025. Cela concerne 14 hommes victimes, contre 93 femmes. L’année dernière, le nombre total était de 98. Soit 21 hommes et 77 femmes. Il a plaidé pour plus de sensibilisation, soulignant que la question culturelle est parfois une barrière. « À Rodrigues, pour des raisons culturelles, les femmes ne dénonçaient pas leurs conjoints pour violence conjugale. Tant et si bien que l’ancienne ministre, Sheila Bappoo, est venue dans l’île pour sensibiliser les femmes à leurs droits. Depuis, il y a des cas qui sont rapportés. C’est pour cela qu’il est important d’avoir des campagnes de sensibilisation continues », dit-il.
Le leader de l’Organisation du Peuple de Rodrigues (OPR), Francisco François, a fait état de la violence psychologique et économique. Il est revenu sur la nécessité de trouver des solutions pour assurer les besoins de base des victimes. Il a également attiré l’attention sur la cyberviolence et fait ressortir que même si Rodrigues est une petite île éloignée, elle n’est pas à l’abri de ce phénomène.
Il a interpellé le ministre de la Technologie, de la Communication et de l’Innovation, Avinash Ramtohul, présent dans la salle, à ce sujet. « Rodrigues est une société en construction. Nous ne pouvons laisser nos jeunes subir la violence numérique qui peut les détruire. Parfois, mes filles me montrent des vidéos et me disent : mais comment peut-on laisser passer des choses comme ? Je crois qu’il faut agir pour protéger nos jeunes », fait-il ressortir.
Le ministre Avinash Ramtohul n’a pas tardé à réagir devant cette situation. Concernant le manque de données, il a indiqué avoir sur-le-champ donné des instructions concernant la plateforme MAUCORS, qui enregistre les plaintes de cybercriminalité. Au chapitre de la prévention, il a déclaré qu’un nouveau service, la Child Online Protection, sera lancé cette semaine, le but étant de restreindre l’accès à certains sites et contenus aux enfants.
Jameson Ravina, éducateur et travailleur social, Fanchette Émilien, citoyenne engagée, et Samuel, jeune ambassadeur des droits de l’enfant à Rodrigues, ont tous plaidé pour la prévention et une approche adaptée à Rodrigues. L’intégration de la sensibilisation contre la violence dans le programme scolaire a été également souhaitée. « Si on sensibilise dès le jeune âge, les mentalités vont évoluer », ont-ils fait ressortir.

