Lutte contre la corruption – Journée internationale :La FCC brandit des enquêtes de fraude pesant Rs 32 milliards 

Titrudeo Dawoodarry, directeur général par intérim de la Financial Crimes Commission (FCC), balaie d’un revers de main l’idée selon laquelle l’institution ne s’attaquerait qu’aux « petits poissons »« Cette perception dépassée n’a plus lieu d’être », affirme-t-il. En vue d’appuyer sa position, il précise que l’ampleur financière des enquêtes en cours s’élève à Rs 32 milliards, tandis que les ordres de gel d’avoirs (Attachment Orders) atteignent Rs 9,9 milliards. « Nous avons récemment restitué Rs 15 millions directement à la MauBank grâce à l’Assets Recovery Unit. Nos enquêtes sont guidées uniquement par les preuves », avance-t-il.

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Lors de son intervention au Réduit Triangle, hier, dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre la corruption, Titrudeo Dawoodarry estime que l’intégrité, l’équité et l’égalité des chances doivent demeurer les piliers de la société. « Lutter contre la corruption est un impératif moral », insiste-t-il. Et ce, avant de réitérer que le slogan national choisi cette année est Koripsion, non mersi, traduisant, selon lui, « la position collective du pays et son attachement à la justice. »

Le DG de la FCC reconnaît toutefois que Maurice n’a pas enregistré une grande amélioration ni de recul notable dans l’Indice de perception de la corruption sur le plan mondial. « Néanmoins, il existe une perception selon laquelle les enquêtes prennent trop de temps. L’opinion publique s’interroge lorsque des suspects sont libérés après une arrestation. Les dossiers à forte visibilité, qui n’ont pas encore débouché sur une condamnation, suscitent beaucoup de déception. Ces critiques, nous les entendons », estime-t-il.

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Par ailleurs, Titrudeo Dawoodarry explique que les enquêtes financières exigent des techniques pointues et des preuves solides. « Nous gérons plus de 2 500 dossiers actifs, dont beaucoup impliquent plusieurs juridictions », dit-il en poursuivant que « des sociétés-écrans alimentent d’autres sociétés-écrans, des comptes offshore financent des transactions offshore. Ces enquêtes demandent de la patience. Nous ne pouvons pas précipiter les choses ».

Le responsable indique que lorsqu’une personne est arrêtée par la FCC, le système judiciaire prévoit la possibilité d’une remise en liberté sous caution. « Selon la Constitution et la Bail Act, nous nous opposons à la libération lorsqu’il existe un risque de fuite, d’ingérence auprès des témoins ou de manipulation des preuves ». Il ajoute : « Nous ne pouvons pas nous opposer à une remise en liberté simplement parce que l’opinion publique l’exige. »

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Le directeur général fait ressortir également que la FCC mène des programmes éducatifs visant à instaurer une culture de l’intégrité à travers le pays, notamment des formations sur la gestion des actifs au sein de la Central Water Authority (CWA). « En partenariat avec la Mauritius Police Force (MPF), nous élaborons un cadre robuste pour éliminer les failles dans le système de Reward Money », a-t-il plaidé.

Il affirme enfin que les actions de la FCC doivent être alignées sur la prochaine évaluation de la Financial Action Task Force (FATF), qui examinera en détail le dispositif mauricien de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme — lois, institutions, procédures et efficacité. « Notre centre financier repose sur cet examen. Chaque enquête, chaque récupération d’avoirs, chaque condamnation démontre notre détermination vers une société plus juste », conclut-il.

De son côté, le président de la République, Dharam Gokhool, estime que les manifestations menées par la génération Z à travers le monde traduisent une volonté claire de lutter contre les pratiques corrompues. « La lutte contre la corruption commence dans une salle de classe, et non dans une salle d’audience », affirme-t-il. Cela, avant d’insister sur la nécessité d’institutions fortes, qualifiées de « colonne vertébrale de notre démocratie ». Se faisant le porte-voix des citoyens, le chef de l’État s’interroge : « c’est bien d’arrêter les petits poissons, mais qu’en est-il des requins ? Pourquoi ne pas les traduire en justice et les faire payer pour leurs crimes ?» 

Profitant de l’occasion, Dharam Gokhool prône une meilleure synergie entre les institutions telles que la FCC, la Financial Intelligence Unit, la Bank of Mauritius et le bureau du Directeur des Poursuites publiques. Il ajoute que le gouvernement prévoit la création de la National Crime Agency (NCA), qui sera, d’après lui, « mieux équipée pour combattre les crimes financiers ».

Après la cérémonie protocolaire, une conversation a eu lieu sur le thème Fighting Corruption and other Financial Crimes – Advancing Social Justice . Le DPP Rashid Ahmine, Senior Counsel, est revenu sur « l’attaque » contre son bureau en 2023 lorsque l’ancien régime voulait usurper certains de ses pouvoirs pour les attribuer à l’ex-DG de la FCC : « La Constitution prévoit la protection du DPP. Ce dernier doit pouvoir faire son travail de manière indépendante », maintient-il.

Entre-temps, il souhaite une réforme pour assurer qu’il n’y ait pas d’interférence politique au sein des institutions clés. « On parle de la NCA, mais son responsable doit pouvoir travailler sans crainte ni faveur », prône Me Rashid Ahmine. Il a également, appelé à une coopération entre diverses agences dans les enquêtes sur les crimes financiers : « Nous devons avoir une Task Force réunissant les responsables des agences concernées qui se rencontrent régulièrement pour faire avancer les dossiers », reconnaît-il.

De son côté, Thuli Madonsela, figure emblématique de la lutte anticorruption en Afrique du Sud, et ancienne Public Protector, a partagé son expérience en se référant à des cas qu’elle a traités dans son pays natal. « La FCC doit systématiquement innover pour lutter contre les crimes financiers », dit-elle. Thuli Madonsela recommande à la commission d’étendre son réseau international et de collaborer avec des agences réputées sur le plan mondial. « La corruption est transfrontalière avec parfois des sociétés-écrans dans diverses juridictions pour une seule affaire », a-t-elle conclu.

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