C’est ce vendredi que le Conseil des ministres sera appelé à trancher sur le quantum de la compensation salariale annuelle, effective à partir du 1er janvier prochain. À hier après-midi, le chiffre le plus cité comme étant le montant de la compensation salariale susceptible d’être entériné est de Rs 700 avec le cut-off point pour l’éligibilité devant être fixe entre Rs 20 000 et Rs 50 000.
Tel était le mood après les délibérations des consultations tripartites avec tout amendement encore possible. En raison de l’absence du ministre de la Sécurité sociale, Ashok Subron, à la réunion d’hier matin, en raison d’une méprise administrative inexcusable du secrétariat des tripartites, le volet concerne tout éventuel ajustement du barème des pensions devrait être abordé lors du conseil des ministres de ce matin. Tel devrait également le cas pour les modalités du paiement des recommandations du rapport du Pay Research Bureau (PRB), qui sera rendu public vers la fin de cette année.
À l’ouverture du deuxième round des discussions hier matin, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a concédé que cet exercice n’avait pas pu se tenir l’année dernière en raison de contraintes de temps. Il a souligné que beaucoup d’efforts ont été consentis pour redresser la situation économique.
Les discussions tripartites, dit-il, sont avant tout un dialogue social devant refléter la réalité économique. Coïncidence ou non, révèle-t-il, une équipe de l’agence de notation Moody’s est actuellement à Maurice. Elle a déjà rencontré le Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, ainsi que le Premier ministre lui-même. Moody’s est venu avec de nombreuses questions et ne se dit pas « 100 % satisfaite » au titre de la gestion de la dette publique, notamment la courbe baissière envisagée.
Le Premier ministre a fait comprendre que malgré les efforts, certains ajustements ont dû être faits, entraînant une légère hausse de la dette publique. Moody’s estime que celle-ci a diminué moins que prévu. « Statistics Mauritius évalue l’inflation à 3,7%, tandis que la dette publique est passée de 90% à 89%. Le gouvernement s’est engagé à la ramener graduellement à 75% d’ici à 2030 », dit-il.
Navin Ramgoolam a également déclaré que le pays avait été downgraded juste après les dernières élections générales, mais que Moody’s reconnaît aujourd’hui les mesures prises concernant la Basic Retirement Pension et la Contribution Sociale Généralisée. L’agence considère que le gouvernement est déterminé à réduire la dette publique, mais qu’il devra fournir davantage d’efforts.
Le pays se situe actuellement au niveau le plus bas de la catégorie Investment Grade (BAA3). « Si nous perdons un seul point dans cette catégorie, nous entrerons dans la zone Junk Grade. Ce serait catastrophique, car le pays deviendrait alors un junk State », avertit le Premier ministre. Tout dépendra de la croissance, de la capacité de remboursement et des engagements visant à réduire la dette publique. D’où son appel à agir de manière responsable avant les délibérations du conseil des ministres de ce vendredi.
Interrogé à l’issue de la réunion, le ministre du Travail, Reza Uteem, a déclaré que les représentants du secteur privé affirment opérer dans une situation difficile et qu’ils devront répercuter la compensation salariale sur les prix si celle-ci leur est imposée. Les représentants des PME ont également réclamé une aide gouvernementale à cet effet.
« Business Mauritius propose que la compensation salariale soit versée uniquement aux travailleurs percevant moins de Rs 18 000 par mois. De leur côté, les représentants syndicaux ont insisté sur la nécessité de compenser la hausse du coût de la vie. Toutes ces propositions seront examinées vendredi en conseil des ministres », rassure le Premier ministre.
De son côté, le négociateur de la Federation of Civil Service and Other Unions (FCSOU), Narendranath Gopee, a plaidé auprès du Premier ministre en faveur d’une compensation salariale adéquate afin d’alléger le fardeau des travailleurs.
Le président du Mauritius Labour Congress (MLC), Haniff Peerun, a pour sa part souligné que c’est la première fois qu’aucun quantum n’est annoncé lors d’une séance des tripartites. Il appelle le gouvernement à ne pas se fier uniquement au taux d’inflation de 3,7% pour déterminer le montant de la compensation, mais à prendre une décision politique visant à préserver le pouvoir d’achat des ménages. Avec la réduction progressive des aides sociales et l’âge de l’éligibilité de la pension reporté à 65 ans, « les travailleurs souffrent énormément », dit-il. Il estime qu’il n’est pas acceptable d’imposer des sacrifices à la classe moyenne, qui fait tourner l’économie du pays.
Le président de la General Workers Federation (GWF), Clency Bibi, relève le caractère inédit à l’effet qu’aucun taux ne soit annoncé. « C’est le même scénario que l’année dernière. Le gouvernement va imposer une compensation salariale sans consultation, ce qui n’est pas conforme à la convention 44 de l’OIT », dénonce-t-il. La GWF maintient sa demande pour une compensation d’environ Rs 1 700.
Ramesh Ramnarain, porte-parole du Mauritius Trade Union Congress, (MTUC), a proposé une compensation salariale de Rs 1 500 across the board, estimant que le pays se trouve au bord d’une crise sociale. Le président du MTUC, Dewan Quedou, maintient sa proposition de Rs 1 500. Alors que Business Mauritius se range toujours du côté du gouvernement en ce qui concerne le mauvais état de l’économie et le rapport Moody’s.
Le président de la Federation of Parastatal Bodies and Other Unions (FPBOU), Deepak Benydin, déplore que le patronat avance systématiquement l’argument du manque de capacité de paiement. « La compensation salariale n’est pas une augmentation salariale », avance-t-il, tout en réitérant que le taux d’inflation de 3,7% publié par Statistics Mauritius ne reflète pas la réalité, car les prix continuent d’augmenter sur le marché local.

