L’année avait commencé par un faux pas : en 2024, les caisses du pays sont vides mais l’Alliance du Changement va quand même payer le 14ème mois promis par le MSM et Alliés. Même si une grosse partie des salariés n’y eut pas droit. Résultat, le premier des mécontentements qui allait se multiplier au fil des mois. Au lieu d’appliquer, dès le départ, une politique de serre ceinture et de réduction des dépenses pour remplir les caisses vidées, que le Mauricien aurait accepté, le nouveau gouvernement finit par payer. En pratiquant la politique de faire la bouche doux chère aux politiciens mauriciens, tous partis politiques confondus, et que le Mauricien a fini par croire que c’était un droit acquis. À ce premier faux pas, vint s’ajouter un autre beaucoup plus conséquent à tous points de vue, du nouveau gouvernement. Emporté par l’ivresse du pouvoir, persuadé que les 60-0 de novembre 2024 était un passeport lui permettant de faire n’importe quoi, que l’électorat fonctionnait comme les membres de leurs partis qui votent automatiquement, le gouvernement décida de repousser l’âge d’accès à la pension de vieillesse de 60 à 65 ans. Sans même informer ses parlementaires puisqu’on apprit, par la suite, que la mesure noyée dans une série de propositions budgétaires ne leur fut annoncée que la veille de la présentation du discours du budget. Comme le firent avant eux ceux du MSM et alliés – qu’on qualifiait dédaigneusement de parlementaires rubber stamp, les parlementaires de l’Alliance du Changement exécutèrent un numéro de tap la tab, en faveur de la mesure qui allait leur valoir des critiques et le sobriquet de « député voler pension » de la part de leurs électeurs.
Ce fut le début du désamour entre le Mauricien et le nouveau gouvernement qu’il s’était choisi en rejetant le précédent avec un 60 zéros sans appel. Ce premier énorme faux pas et les manifestations qui suivirent agirent comme un sérum de résurrection pour le MSM et ses alliés que l’on croyait enterrés à jamais dans le carreau cannes de la défaite. À ce sérum, vint s’ajouter celui, plus fort encore, que Paul Bérenger utilisa au Parlement contre les deux best losers de l’opposition. À force de leur piler dessus à tout propos avec des remarques et des insultes, il leur a redonné une existence politique. D’autant plus que le Mauricien n’aime pas que les plus forts écrasent les plus faibles. Et comme Adrien Duval n’est pas aussi bête qu’on l’avait prétendu, il a compris que son meilleur agent politique est Paul Bérenger et qu’il suffit de le titiller un peu pour qu’il laisse éclater son « bezer caractère » et mette en marche sa machine à insulter. On l’a vu et entendu à pratiquement chaque séance parlementaire et on aussi vu et entendu Adrien Duval se servir d’une tactique du MMM contre le parti mauve : organiser une conférence de presse juste après la séance parlementaire pour se présenter comme la pauvre victime que le Deputy Prime Minister (DPM) prend à partie à chaque séance. Bérenger l’agent d’un Duval : il y aurait de quoi faire ricaner le grand père d’Adrien ! Aussi paradoxal que cela puisse paraître avec le report de la pension de vieillesse et le comportement du DPM, assistés par d’autres parlementaires de la majorité qui insultent également l’opposition, l’Alliance du Changement a réussi à faire revivre le MSM et ses alliés. Il faudrait aussi ajouter à la liste de faux pas les nominations à des postes de haute responsabilité de personnes, dont la fidélité ou les liens de parenté au leader primaient sur les compétences. Ce qui a conduit à des révocations déguisées en démissions – parfois avec compensations – qui ont contribué à dégrader l’image du gouvernement du Changement qui, au lieu de « mean business », bien souvent hésite, tergiverse, avant de prendre une décision. Ajoutons à cela les promesses non tenues, ne serait-ce que celle du Premier ministre de venir rendre compte aux Mauriciens de l’action de son gouvernement à intervalles réguliers. Sans oublier les longues conférences de presse de son Adjoint dont on se demande à quoi elles servent sinon à renouer avec l’habitude qu’avait Paul Bérenger, dans l’opposition, de tenir chaque samedi de longues conférences de presse-dictée.
Quand on fait la liste des manquements et des faux pas du nouveau gouvernement, beaucoup de ceux qui en font partie répliquent – comme Deven Nagalingum dans son interview – qu’on ne peut pas juger de la performance d’une équipe de football après 20 minutes de jeu, qu’il faut attendre la fin du match pour le faire. Certes, en politique, il faut donner du temps au temps, mais il y a aussi dans des matches des occasions ratées dès les premières minutes de jeu qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de rattraper pendant le reste de la partie. L’avenir nous dira dans quel genre de match s’est engagé le gouvernement de l’Alliance du Changement.
Jean-Claude Antoine

