À l’approche de Noël, la magie s’installe peu à peu dans les foyers. Guirlandes scintillantes, décorations colorées, achats de cadeaux, vêtements et victuailles en tous genres annoncent le compte à rebours vers le 25 décembre. Si, aujourd’hui, les arbres de Noël artificiels dominent largement dans les commerces, le sapin naturel continue néanmoins de séduire une clientèle fidèle, attachée à l’authenticité, aux traditions et à un certain art de vivre. Plus discret, moins visible, mais toujours bien présent, il s’impose comme une alternative vivante et sensorielle face au plastique.
Depuis le 21 décembre, le Forestry Service a officiellement lancé la vente de sapins naturels à travers l’île. Proposés à partir de Rs 200, ces arbres sont disponibles dans plusieurs points de vente relevant du service des Bois et Forêts, notamment rue du Jardin, à Curepipe, à Abercrombie, à Port-Louis, à Quartier-Militaire, à Souillac, ainsi qu’à Pamplemousses.
Pour ceux qui résident plus loin ou qui souhaitent avoir davantage de choix, la rue Célicourt Antelme, à Rose-Hill, demeure une adresse incontournable. À quelques jours de Noël, c’est carrément le festival des sapins en ce moment. Plusieurs vendeurs y sont présents depuis le 19 décembre, certains campant même sur place pour éviter les vols durant la nuit. De petites tentes improvisées jouxtent les arbres alignés le long du trottoir, donnant à la rue une atmosphère particulière, entre effervescence commerciale et tradition populaire.
Beaucoup de ces marchands exercent ce métier de père en fils, perpétuant un savoir-faire et une activité saisonnière profondément ancrée dans l’histoire des fêtes mauriciennes. « Mo papa inn fer sa travay-la 35 an, aster mwa mo vann sapin depwi 15 an. Pa kapav less sa travay-la tonbe », confie l’un d’eux avec fierté.
Le long de la rue Ambrose, l’arbre le plus présent est l’Araucaria, très apprécié pour sa silhouette majestueuse et sa tenue dans le temps. On y trouve aussi le pine, l’arbre vendu à Rs 200 par le service des Bois et Forêts, et revendu à Rose-Hill à Rs 300. Quelques cyprès sont également proposés.
Les arrivages se font quotidiennement, et les nombreuses voitures qui passent ralentissent presque systématiquement pour lancer la question rituelle : « Komien svp ? ». Les amoureux du sapin naturel répondent présents, prêts à repartir avec l’arbre tant convoité, véritable symbole de Noël par excellence. « Sans sapin naturel, pas de vrai Noël ! » lance une acheteuse, illustrant ce lien quasi affectif qui unit certaines familles à cette tradition.
Malgré cette ambiance animée, le constat est clair pour les vendeurs : le business du sapin naturel décline d’année en année. « Si ou ti la lane dernie, ou pou rapel ti ena boukou plis sapin dan lari Célicourt Antelme », observe un marchand. Les points de vente se font plus rares, et les quantités écoulées diminuent progressivement.
N’empêche, l’engouement persiste, et des Mauriciens de toutes communautés s’arrêtent pour regarder, comparer, s’enquérir des prix et, souvent, repartir avec un arbre soigneusement choisi, le plus beau à leurs yeux… À Rose-Hill, les prix démarrent à Rs 300 pour un pine et peuvent atteindre Rs 800 à Rs 1 200 pour un Araucaria majestueux.
Mais où ces vendeurs trouvent-ils leurs arbres ? Difficile à dire… « Bizin grinp montagn parti kot Melrose pou al koup sa », dit l’un d’eux. Tandis qu’un autre répond vaguement : « Dan karo parti Saint-Julien. »
Il y a encore cinq ou dix ans, les sapins naturels se vendaient facilement et en nombre dans la plupart des villes et villages, le long des routes principales. Leur odeur résineuse se mêlait à l’air chaud de décembre, ajoutant un parfum unique aux derniers jours précédant Noël. Mais aujourd’hui, les points de vente ont nettement diminué.
Cette évolution s’explique en grande partie par le succès croissant des arbres artificiels. Disponibles en toutes tailles, formes et couleurs, parfois même prédécorés, ils séduisent par leur côté pratique. Réutilisables d’année en année, faciles à monter et à ranger, ils correspondent davantage aux modes de vie modernes et aux contraintes d’espace des foyers urbains.
Pourtant, le vrai sapin conserve des atouts incontestables. Son apparence naturelle, unique pour chaque arbre, apporte une touche d’authenticité que le synthétique peine à imiter. « Un vrai sapin, c’est une ambiance que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Ses imperfections font tout son charme. L’odeur, le toucher, le fait de le décorer en famille… Cela fait partie intégrante de notre Noël », confie une mère de famille rencontrée près d’un vendeur.
Au-delà de l’esthétique, le sapin naturel revêt aussi une forte dimension symbolique. Pour certaines familles, il s’agit d’un véritable geste de transmission, une manière de faire découvrir aux enfants les traditions d’autrefois.

SAPIN NATUREL VS ARTIFICIEL
Quid de l’environnement ?
Grande question qui revient dans l’actualité chaque année : sapin naturel ou sapin synthétique ? Lequel constitue le choix le plus écoresponsable ? Plusieurs croient que le sapin artificiel, puisqu’on le conserve plusieurs années, est un bon choix en termes de développement durable. On ne coupe pas d’arbres pour se le procurer, il demeure vert et il ne perd pas ses épines. Pleins d’avantages en sa faveur ! En apparence du moins…
Car contrairement aux sapins naturels, qui sont biodégradables et séquestrent du CO2 quelques années, les sapins synthétiques sont produits à partir de métaux et de matières plastiques. Qui plus est, la majorité des sapins artificiels proviennent d’Asie, et leur impact environnemental est donc non seulement lié à leur fabrication, mais aussi à leur importation sur le territoire, qui se fait généralement par bateau ou par avion.
En termes d’émissions de CO2, une étude démontre que le sapin naturel provoque une émission de 3,1 kg de CO2/an, contrairement au sapin artificiel (8,1 kg de CO2/an). Résultat : le sapin naturel est l’arbre de Noël le plus écologique, à moins que vous conserviez votre sapin artificiel pendant 20 ans ! Ce qui est très rare…
Cela dit, si vous optez pour un sapin naturel, faites attention, car contrairement aux idées reçues, l’accumulation des déchets végétaux, notamment des sapins, peut avoir un effet néfaste pour l’environnement. Or, il est notoirement connu qu’une fois les fêtes passées, les Mauriciens se débarrassent de leur sapin un peu n’importe où. Ce qui n’est pas bon pour l’environnement, même si c’est en pleine forêt.
Les grandes épaisseurs d’aiguilles dues à l’addition des dépôts se décomposent en effet très lentement et perturbent l’équilibre écologique du sol. Surtout dans les forêts de feuillus, car elles ne constituent pas l’alimentation habituelle des organismes (vers de terre, bactéries, champignons…) qui y vivent et s’adaptent difficilement au changement. Sans compter que certains aspergent allègrement leur sapin de neige artificielle, autrement dit de produits chimiques.
Moralité : si vous avez un sapin naturel, au moment de vous en séparer, retirez d’abord ses décorations (guirlandes, boules, etc.), et déposez-le dans un point de collecte, s’il en existe. Au cas contraire, broyez-le pour le transformer en compost ou pour pailler autour de végétaux dans votre jardin. Ou, mieux encore, si votre sapin est en pot, replantez-le, tout simplement !

