L’heure du premier bilan de l’action gouvernementale

À l’heure où les Mauriciens s’apprêtent à franchir le seuil de 2026, les regards convergent vers le Bâtiment du Trésor. On attend avec une impatience mêlée d’exigence le message de fin d’année du Premier ministre. Jusqu’ici, Navin Ramgoolam s’est montré particulièrement peu loquace sur le bilan réel de cette première année au pouvoir. Une discrétion qui tranche avec l’urgence des attentes d’une population qui a soif de résultats concrets, au-delà des promesses de campagne.
Cette première année a été celle d’une adaptation difficile. Avec une équipe largement composée de ministres occupant leurs fonctions pour la première fois, l’exécutif a parfois semblé chercher ses marques. Cette lenteur a d’ailleurs poussé le président de la République, Dharam Gokhool, à réclamer publiquement des « résultats plus visibles et tangibles dans l’action publique » tout en se disant optimiste pour l’avenir. Il a accueilli favorablement les consultations nationales autour de la vision 2050.
Le secteur de l’éducation illustre ce flottement : entre les projets de révision de la mixité dans les académies et les incertitudes entourant le PGCE, qui ne serait plus obligatoire, le gouvernement semble naviguer à vue. Plus inquiétantes encore sont les nominations contestées. Le départ de Sam Lauthan de la NADC, figure respectée, laisse un goût amer : il suggère que même les compétences reconnues peinent à survivre face aux pressions manifestées parfois au sein même de la majorité gouvernementale.
Au sein de l’opposition, le ton est nettement plus acerbe. Pour le leader de l’opposition, Joe Lesjongard, 2025 restera comme l’année de la « grande désillusion » et d’une déception profonde. Il dénonce des promesses électorales non tenues et des mesures jugées « antisociales ». Le maintien de l’âge de la pension de vieillesse à 65 ans pour certains paliers cristallise cette colère, l’opposition y voyant un renoncement aux engagements pris devant l’électorat.
Pourtant, Navin Ramgoolam peut se targuer d’avoir consolidé la démocratie et la liberté d’expression. À l’Assemblée nationale, l’atmosphère est plus sereine. Aucun parlementaire n’a été expulsé durant l’année, même si la tension est montée très fortement durant les dernières séances.
Sur le plan international, Maurice a connu un repositionnement sur l’échiquier mondial. Des avancées importantes ont été réalisées dans l’exercice de la souveraineté sur les Chagos, malgré la résistance persistante de la House of Lords britannique. Les visites de Narendra Modi et d’Emmanuel Macron ont consolidé nos axes stratégiques, tandis que notre élection en tête de liste au Conseil des droits de l’homme des Nations unies constitue une marque de reconnaissance à l’international.
Mais c’est sur le terrain du quotidien que se joue la crédibilité de l’action gouvernementale. Si l’inflation a été officiellement contenue à 3,7% grâce à une défense musclée de la roupie, le coût de la vie constitue un défi majeur. Les subventions accordées sur une variété de produits sont bien accueillies. Le gouvernement tente de calmer les revendications salariales en cette fin d’année avec une compensation de Rs 625 et le paiement anticipé de 50% des augmentations du PRB.
La crainte d’une dégradation par Moody’s, avec une dette publique qui frôle les 80% du PIB, constitue une épée de Damoclès permanente au-dessus de la tête des décideurs qui hésitent à approuver certaines dépenses budgétaires. Cumulant les fonctions de Premier ministre et de ministre des Finances, Navin Ramgoolam doit résoudre une équation complexe : comment gérer les dépenses pour sauver notre note souveraine sans briser le contrat social ?
Dans son message de fin d’année, le Premier ministre et ministre des Finances doit montrer qu’il est capable de stabiliser l’économie nationale tout en répondant aux accusations de « désillusion » portées par ses détracteurs.
Le temps de l’adaptation est révolu car, au bout du compte, c’est bien dans le panier de la ménagère et dans la cohérence de nos politiques publiques qu’on jugera l’action gouvernementale. L’institution de différentes commissions pour se pencher sur la réforme constitutionnelle et la réforme électorale, de même que la création du comité interministériel sur le secteur portuaire, sont de bon augure pour l’année 2026. Souhaitons une bonne année 2026 à tous nos lecteurs !

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Jean Marc Poché

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