Trois arrestations ont eu lieu hier dans le sillage de l’enquête sur le lynchage de Darren Rungasamy (27 ans) survenu à Terre-Rouge le 17 décembre, à savoir Shamougen Veerasamy (26 ans), Seeva Veerasamy (62 ans) et Moodally Pahzany Ben Moodally (32 ans). Tous trois ont été traduits devant la cour de district de Pamplemousses, alors que la pression monte pour faire toute la lumière sur ce drame survenu en détention policière. Ils demeurent en détention préventive suite à l’objection de la police, alors qu’ils répondent d’une accusation provisoire de “manslaughter”.
Pour le moment, ces trois membres de la même famille nient avoir agressé Darren Rungasamy, mais confirment qu’un vol s’est déroulé chez eux à Le Hochet. Parallèlement, la Major Crime Investigation Team (MCIT) a entendu au moins deux policiers affectés au Piton Detention Centre. Lors de leur interrogatoire hier, ils ont expliqué que la victime s’était effondrée dans la cour du centre alors qu’elle devait être conduite au tribunal de Pamplemousses mardi dernier. Ils disent avoir immédiatement contacté le SAMU.
La MCIT a aussi demandé à visionner les images des caméras CCTV du centre de détention de Piton. L’objectif est de confirmer les déclarations des policiers, mais aussi de savoir si la victime aurait réclamé une assistance médicale plus tôt alors qu’elle était en cellule.
L’affaire remonte au 17 décembre. Ce jour-là, à Terre-Rouge, Darren Rungasamy est repéré par la police le long de la Royal Road, après avoir été retrouvé à proximité d’une zone broussailleuse. Les policiers l’ont alors interpellé dans le cadre de plusieurs cas de vol. Mais très vite, la situation leur a échappé. Reconnu par des habitants du quartier, le jeune homme est devenu la cible d’un attroupement soudain, composé aussi bien d’hommes que de femmes dont la colère s’est vite transformée en violence incontrôlable.
Sous les yeux impuissants des policiers, Darren Rungasamy est violemment agressé. Les coups pleuvent de toutes parts. La foule, déchaînée, ne recule devant rien. Malgré leurs tentatives pour disperser les assaillants et protéger le suspect, les forces de l’ordre sont débordées. La scène vire au chaos lorsqu’un sergent de police est lui-même blessé à la poitrine en tentant d’extraire le jeune homme de la mêlée. Il faudra de longues minutes et une intervention musclée pour finalement maîtriser la situation et évacuer Darren Rungasamy.
Lorsqu’il est enfin pris en charge, son état est alarmant. Son corps porte les stigmates d’un passage à tabac d’une rare violence : ecchymoses profondes aux genoux, blessures au cou, au dos et aux bras, plaies au visage et à la tempe, épaules douloureuses, chevilles foulées, saignements de nez et douleurs généralisées. Son état nécessite une hospitalisation immédiate et il est transporté d’urgence à l’hôpital SSRN, où il restera admis plusieurs jours.
Parallèlement, l’enquête policière se poursuit. Darren Rungasamy, arrêté par la Divisional Crime Intelligence Unit du Nord, est interrogé à la CID de Terre-Rouge. Il reconnaît son implication dans au moins deux affaires de larcin, puis dans un autre cas supplémentaire. Après plusieurs jours sous surveillance médicale, il obtient son congé hospitalier le 22 décembre.
Mais loin de marquer la fin de son calvaire, cette sortie de l’hôpital ouvre un nouveau chapitre tragique. Le même jour, il est reconduit à la CID pour la consignation de ses déclarations de défense, avant d’être placé en détention au centre de Piton sur instruction d’un haut gradé de la police. Il doit comparaître en cour le lendemain.
Le mardi matin, peu après 10h30, alors qu’il est escorté à l’intérieur même de l’enceinte du centre de détention pour être conduit vers un véhicule officiel, Darren Rungasamy s’effondre brusquement. Il perd connaissance et reste inerte sous le regard des policiers. L’alerte est immédiatement donnée. Une équipe du SAMU se rend sur place, mais les secours ne pourront rien faire. Le décès est constaté à 11h15.
Le corps est ensuite transféré à la morgue de l’hôpital Jeetoo pour une autopsie. L’examen post-mortem, pratiqué par le Chief Police Medical Officer, le Dr Sudesh Kumar Gungadin, attribue la cause du décès à une septicémie, soit une infection généralisée grave.
Cette conclusion médicale n’éteint toutefois pas les nombreuses interrogations. Une enquête approfondie est en cours afin de déterminer le lien éventuel entre le lynchage public subi lors de son arrestation, son état de santé après l’hospitalisation et sa mort soudaine en détention. La gestion de cette interpellation chaotique, marquée par l’impuissance des forces de l’ordre face à une foule en furie, est également au cœur des investigations.

