Éducation : cohorte de défis à relever entre désillusions et espoirs

« Humaniser le système d’éducation. » Telle est l’une des premières phrases prononcées par Mahend Gungapersad après sa prestation de serment en tant que ministre de l’Éducation du gouvernement du Changement en décembre 2024. Il participait alors à la célébration de la Teachers’ Day, organisée par la Government Secondary School Teachers Union (GSSTU). Ainsi, sa décision de mettre fin à l’Extended Programme semblait aller dans cette direction. Mais beaucoup reste encore à faire. Surtout qu’avec sa première ébauche du Blue Print, projet de réforme de l’éducation, il n’a pas pu convaincre tous les partenaires.

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L’année 2025 avait démarré avec un espoir certain dans le secteur de l’éducation. L’arrivée du nouveau ministre, Mahend Gungapersad, marquait la rupture avec Leela Devi Dookun-Luchoomun, dans le sens où il a tout de suite engagé le dialogue avec les différentes parties prenantes. Pour son premier jour à la MITD House, il avait en effet enchaîné les rencontres avec les représentants des syndicats et la Fédération des Managers des collèges privés.

Les fonds dus à ces derniers ont été débloqués. Les premières décisions fortes n’ont pas tardé, à l’exemple du remplacement de l’Extended Programme par le Foundation Programme in Literacy, Numeracy and Skills. Le règlement sur l’obligation de détenir un Post-Graduate Certificate in Education (PGCE) comme critère de recrutement pour enseigner au secondaire a été abrogé. Ce qui a permis aux collèges privés de recruter.
De même pour l’accès en Grade 12, où le critère des cinq Credits a été remplacé par le critère des trois Credits. Ce qui permet ainsi à un plus grand nombre de jeunes ayant réussi au School Certificate de s’inscrire au Higher School Certificate.
Pour leur part, les chefs d’établissement ont enfin obtenu l’autonomie tant demandée depuis des années. Dorénavant, ils peuvent prendre des décisions concernant leurs établissements, au lieu de toujours s’en remettre à la zone. Un budget pour les différents projets leur a également été alloué.

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Le retour des intercollèges, compétition sportive organisée en collaboration avec le ministère des Sports, a été également salué. En dépit de quelques couacs au niveau de l’organisation, cet événement a été bien accueilli. De même pour l’introduction du Kreol Morisien en HSC. L’attente a été longue et incertaine pour ceux qui y sont engagés, mais finalement, le Kreol Morisien a été proposé comme matière subsidiaire au niveau du HSC, en attendant une éventuelle introduction au niveau principal.

Des intentions… à la réalité

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Les souhaits exprimés en vue d’interdire le téléphone portable à l’école ont aussi marqué les esprits. Toutefois, les bonnes intentions ne sont pas toujours faciles à traduire dans la réalité, et Mahend Gungapersad l’a appris à ses dépens. D’abord concernant le téléphone portable. Il n’y a jamais eu de règlement clair sur son interdiction pendant les heures de classe. Les chefs d’établissement ont reçu une circulaire à ce sujet, laissant comprendre que cette responsabilité leur revenait. Du coup, personne n’a voulu assumer les responsabilités, surtout en cas de vol.

Ensuite, il y a eu une grosse confusion concernant le paiement des frais d’examens de School Certificate (SC) et de Higher School Certificate (HSC) pour les redoublants. La décision d’étendre la subvention aux redoublants avait été prise par l’ancien gouvernement, quelques mois avant les élections générales. Une décision politique qu’a héritée Mahend Gungapersad, qui a dû composer avec la réalité financière du ministère.

Toutefois, l’annonce faite aux parents que les frais d’examens ne seraient pas pris en charge, quelques jours avant la date limite pour le paiement, a été maladroit et des plus mal inspirées. D’autant que les frais étaient de Rs 24 000 pour certains. Ce qui a provoqué la colère des parents et la détresse de certains étudiants, craignant de ne pouvoir prendre part aux examens. Heureusement qu’une solution a pu être dégagée, au dernier moment.

La grande désillusion pour certains aura été les Assises de l’Éducation. Annoncé dès le début de l’année scolaire, cet événement s’est tenu sur trois jours pendant les vacances du premier trimestre. Au préalable, les différentes parties prenantes avaient été invitées à soumettre leurs propositions. Sauf que le jour des consultations, beaucoup ont déploré le fait d’avoir été mis devant des faits accomplis. D’autres ont regretté de n’avoir pu s’exprimer… Une fois de plus, les bonnes intentions n’ont pas été faciles à concrétiser.

Dès lors, c’est l’impatience qui a prévalu dans le secteur. Tout le monde attendait le Blue Print promis par le ministre, pour savoir de quoi la réforme sera faite. L’attente a été longue pour certains, même si Mahend Gungapersad a répété à plusieurs reprises, que plusieurs changements avaient déjà été apportés et qu’il ne fallait pas attendre le Blue Print, pour tout.

C’est finalement vers fin novembre qu’une ébauche du Blue Print a été présentée au conseil des ministres. Celui-ci n’a malheureusement pas fait l’unanimité. À tel point que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a demandé à Mahend Gungapersad de reprendre les consultations avec les Stakeholders. Celles-ci ont déjà démarré et un nouveau projet de réforme sera présenté au conseil des ministres, vers le mois de février. En langage estudiandin, c’est un Resit pour le Blue Print Gungapersad.

Parmi les points qui n’ont pas fait l’unanimité, il y a le retour des National Colleges. Soit, que les élèves quittant que le primaire pourraient à nouveau aspirer à entrer au Collège Royal de Curepipe ou au Queen Elizabeth College, entre autres. Un système jugé ultra compétitif et déjà fortement décrié par le passé.

Le juste milieu

En même temps, tout le monde dans le secteur reconnaît que le système introduit par l’ancienne ministre de l’Éducation, à l’effet qu’un candidat au Primary School Achievement Certificate (PSAC), pouvait obtenir le grading 1, avec 75 points seulement n’encourage pas l’effort. C’est surtout au détriment des High Flyers qui se retrouvent au même niveau que les élèves moyens. Sans compter que le système en place pour l’octroi des collèges a suscité de nombreuses interrogations.

Le véritable défi pour Mahend Gungapersad, à l’entame de la nouvelle année scolaire, sera de parvenir à un équilibre entre les deux, notamment trouver la formule pour ménager la chèvre et le chou. L’autre défi sera de prendre la bonne décision concernant la mixité dans les collèges d’État. Car là également, la question divise, en dépit des nombreux problèmes constatés dans les académies.

Mais le plus grand défi, qui attend sans doute Mahend Gungapersad, sera d’asseoir son autorité sur ce secteur. Car favoriser le dialogue comporte aussi le risque de céder aux pressions. Sa décision d’accorder une semaine de vacances supplémentaires au secondaire pendant le deuxième trimestre était ainsi interprétée comme une faveur aux syndicats d’enseignants acquis à sa cause. Même si officiellement, l’idée était d’harmoniser le calendrier avec celui du primaire.

De même, le fait de réduire le nombre de collèges d’État offrant le Foundation Programme de 52 à 28, est perçu comme une démarche visant à laisser ces élèves aux collèges privés, dont certains luttent pour leur survie. La question est d’autant plus pertinente quand on connaît les bonnes relations qu’entretient le ministre avec la Fédération des Managers.
À force de vouloir privilégier le dialogue, Mahend Gungapersad devra faire très attention à ne pas se laisser marcher dessus. Trouver le juste milieu en toute chose n’est pas toujours évident, mais avec le Blue Print annoncé pour bientôt, il devra sans doute composer avec pressions et mécontentements.

2026 démarrera tout de même avec beaucoup d’espoir pour le secteur de l’éducation. Gageons que le projet de réforme apporte des solutions pour ces nombreux enfants – environ 3 000 – qui quittent le primaire chaque année, sans savoir ni lire, ni écrire. La prise de position de Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, président de la National Human Rights Commission (NHRC), à ce sujet en dit long. Le plus grand souhait est que toutes les parties concernées puissent unir leurs forces pour éviter que ces enfants ne deviennent les rejetés du système. D’autant que le ministre a choisi comme devise : « humaniser le système ».

Primaire : 3 changements majeurs

L’éducation au niveau du primaire a été marquée par trois changements au cours de cette année. D’abord, il a été décidé de mettre fin aux Modular Assessments en science et histoire-géographie. Ceux qui étaient en grade 6 cette année et qui avaient déjà entrepris la première partie de ces épreuves l’année dernière, ont bien eu leurs évaluations cette année. Tel n’a pas été le cas pour ceux qui sont en grade 5. Ils prendront donc, toutes les matières au PSAC, cette année.

L’autre changement : la possibilité pour les candidats n’ayant pu atteindre le minimum requis au PSAC, de prendre l’examen de rattrapage dans trois matières. Auparavant, le Resit était limité à une matière. Donc, seulement ceux à qui il manquait une matière pour réussir étaient concernés.

L’autre décision a été de permettre à ceux qui voulaient redoubler le grade 6 de le faire. Auparavant, tous ceux qui n’avaient pas réussi devaient obligatoirement rejoindre l’Extended Programme.

Préscolaire : l’épée de Damoclès

Le préscolaire gratuit, selon la formule actuelle, sera-t-il maintenu en 2027? C’est la grande question que se posent les acteurs du secteur. Cette année, il y a eu un chamboulement avec l’annonce du ministère, de limiter la subvention à Rs 2 750 par élève.
Ce qui a même conduit à une manifestation pacifique au Jardin de la Compagnie, à Port-Louis. Finalement, avec l’intervention de la Confédération des Travailleurs des Secteurs Publics et Privés (CTSP), la nouvelle formule a été suspendue. Car le syndicat a fait valoir que les écoles préscolaires avaient un contrat de deux ans avec le ministère de l’Éducation pour l’actuelle formule de subvention.

Il faudra donc attendre pour voir ce qui va se passer lorsque ce contrat arrivera à terme.

 

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