1er Mai : L’avenir incertain des licenciés

Entre désespoir et désarroi, ils luttent pour essayer de vivre convenablement. En marge du 1er mai, Shika et Karishma Ramdin, Nicolette Bactorah, Deoranee Sookarah, Dev Ramdowar et Ooma Devi Jankeeramudee, licenciés de Palmar Ltée et Future Textiles Ltd, se sont confiés à Scope sur le stress vécu au quotidien, leurs fins de mois difficiles et leur avenir compromis.

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“Nous sommes encore très jeunes et nous nous sommes retrouvées du jour au lendemain sans travail. Que faire maintenant ?”, lancent Shika Ramdin, 23 ans, Merchandiser, et sa sœur Karishma, 25 ans, Head Storekeeper à Future Textiles à St-Julien d’Hotman. Elles ont travaillé pendant trois et cinq ans respectivement au sein de cette usine qui a cessé ses activités en avril. Issues d’une famille modeste à Lallmatie, les deux sœurs font vivre leur famille. Leur père a quitté le toit familial et leur mère ne travaille pas. Elle souffre de varices et arrive difficilement à marcher. “Comme mes filles, j’ai aussi travaillé dans une usine. Maintenant, je ne peux plus. Mes filles s’occupent de tout à la maison”, dit Baby Ramdin, 47 ans.

Vivant dans l’incertitude du lendemain, Deoranee Sookarah, 60 ans, habitante de Brisée Verdière confie pour sa part : “Mon mari est retraité et il est souffrant. Avec mon salaire, cela nous permettait de vivre tranquillement. Maintenant, la vie est devenue compliquée. Depuis la fermeture de l’usine, je vis dans un stress quotidien. Mo gagn traka pou apre. Elle a travaillé comme machiniste pendant 24 ans au sein de Palmar Ltée. Cette usine a fermé ses portes en février.

“Pe bizin koupe transe”.

L’annonce de la fermeture de l’usine a été violente. Elles ne s’y attendaient pas. “Apprendre la fermeture a été plus qu’un choc. Personne ne nous avait prévenus. Le jour de la fermeture, je me suis rendue comme chaque matin à l’usine. En entrant dans l’enceinte du bâtiment, on a vu que la porte était cadenassée”, raconte Nicolette Bactorah, 58 ans, Supervisor à Palmar Ltée. Cette habitante d’Argy y a travaillé pendant quarante ans. “La façon dont cela s’est terminé est dramatique.” Comme Deoranee Sookarah, Nicolette Bactorah comptait beaucoup sur son salaire. Son mari est également à la retraite. “Je ne comptais que sur moi-même. Maintenant, il va falloir se serrer la ceinture.”

Les licenciés dépendent de l’argent du Workfare Programme. Un soutien financier conçu pour aider les sans-emploi pour une durée minimale suivant un licenciement. C’est aussi le cas d’Ooma Devi Jankeeramudee, 55 ans, machiniste pendant 24 ans à Palmar Ltée. Elle se retrouve obligée de dépendre de l’argent de son époux, qui perçoit une pension car il souffre d’un handicap, et de l’argent qu’elle a économisé. “Les denrées alimentaires coûtent cher. Tout est cher. Pe bizin koupe transe, chaque fin de mois”, confie cette habitante de La Source, Flacq. Le plus dur pour elles, c’est la fin du mois. Si certaines comptent sur leur épargne, d’autres n’ont pas cette possibilité. “Les fins de mois sont devenues difficiles”, dit Deoranee Sookarah.

Découragement et stress.

“Il y a toujours eu une faille dans l’industrie du textile. Année après année, rien ne change. La fête du Travail ne signifie rien pour moi, encore moins les rassemblements du 1er mai. Les politiciens sont là uniquement pour avoir des votes. Ensuite, on ne les entend pas”, confie Dev Ramdowar, 51 ans. Cet habitant de Plaine des Papayes a travaillé pendant 18 ans à Palmar Ltée comme Industrial Engineer. “Je me rends tous les ans au rassemblement politique du 1er mai. Cette année, je n’irai pas. Ki serti vot pou enn gouvernman ek kan gagn problem pa trouv zot ?, s’interroge Shika Ramdin.

Vivre le chômage est une expérience traumatisante. “Fête du Travail ou pas, cela ne change rien. J’aurais préféré avoir un emploi”, dit Deoranee Sookarah. Passer du statut de salarié à celui de chercheur d’emploi n’est pas aisé. “J’ai travaillé pendant quarante ans et je me suis retrouvée subitement sans emploi. C’est terrible d’en arriver là. Je digère mal tout ça. Je voulais terminer ma carrière la tête haute”, dit Nicolette Bactorah. Elle estime qu’il est temps d’apporter un vent de changement dans le secteur du textile, car trop d’usines ferment brutalement.

Les licenciés se laissent gagner par le stress. “Je ne veux plus travailler dans le secteur du textile”, confie Shika Ramdin. Sa sœur et elle sont à la recherche d’un emploi. “Si pena backing, pa gagne”, dit Shika Ramdin. La jeune femme de 23 ans est la seule à subvenir aux besoins de sa famille. “Je ne veux pas que ma sœur dépense ses sous car elle va bientôt se marier. Je préfère tout faire moi-même.”

Du souci pour trouver un emploi.

Le temps qui passe, les réponses négatives, l’oisiveté et le statut de chômeur n’arrangent rien. “On nous a dit qu’un job fair aurait lieu pour les ex-employés de Palmar Ltée. On attend toujours”, dit Dev Ramdowar. Il a deux enfants et une épouse à sa charge. “J’ai toujours travaillé dans l’industrie du textile. Il est difficile pour moi de trouver un autre job, surtout à mon âge.”

“Personne ne sait où aller. Pour ceux qui dépendent d’un salaire pour grandir leurs enfants, c’est vraiment dur”, dit Deoranee Sookarah. La plupart craignent de rencontrer des difficultés pour trouver un emploi. “Je suis âgée et je ne suis pas sûre d’être embauchée ailleurs. J’ai passé presque toute ma vie à travailler dans une compagnie et aster pa kone kouma lot patron pou azir. Là où j’ai cherché du boulot, j’ai eu une réponse négative. Je n’ai pas le courage d’aller bosser dans un champ ou comme bonne à tout faire”, explique Deoranee Sookarah. Quant à Ooma Devi Jankeeramudee, c’est la deuxième fois qu’elle se retrouve sans emploi. “En 1994, je travaillais au sein d’une autre usine. Je me suis retrouvée sans paie et sans bonus.”

“Nous avions l’habitude de travailler sous pression et nous aimions notre travail. C’est agaçant d’être à la maison”, confie Shika et Karishma Ramdin. L’avenir est incertain. “Ma femme ne travaille pas. Je suis le seul à payer les factures, mon emprunt, et à faire les provisions. Comment faire tout ça ? Je ne sais pas ce qui m’attend après. L’avenir de mes enfants dépend aussi de moi”, conclut Dev Ramdowar.

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