Rwanda : verdict attendu dans le procès pour terrorisme du héros de « Hotel Rwanda »

Paul Rusesabagina, dont l’histoire a inspiré le film « Hotel Rwanda » et qui est devenu un féroce critique du président rwandais Paul Kagame, doit être fixé lundi sur son sort, après des mois d’un procès controversé qui l’a vu notamment jugé pour « terrorisme ».

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La prison à vie a été requise contre cet ancien directeur de l’Hôtel des Mille Collines à Kigali.

Le film « Hotel Rwanda » sorti en 2004 a raconté comment ce Hutu modéré a sauvé plus de 1.000 personnes durant le génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, principalement des Tutsi.

Aujourd’hui âgé de 67 ans, Paul Rusesabagina a été jugé à Kigali de février à juillet, avec une vingtaine d’autres personnes, pour son soutien présumé au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d’avoir mené des attaques au Rwanda qui ont fait neuf morts en 2018 et 2019.

Il est visé par neuf chefs d’accusation, dont celui de « terrorisme ».

M. Rusesabagina et ses avocats ont boycotté les audiences depuis mars, dénonçant un procès « politique » rendu possible par son « enlèvement » organisé par les autorités rwandaises.

Les Etats-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, le Parlement européen et la Belgique, dont il est ressortissant, ont exprimé leurs préoccupations sur les conditions de son arrestation et l’équité du procès.

Le président rwandais Paul Kagame a répondu aux critiques dans une interview à la télévision nationale début septembre.

Paul Rusesabagina est jugé pour « les vies de Rwandais perdues à cause de ses actions et à cause des organisations auxquelles il appartenait ou qu’il dirigeait », a-t-il déclaré. « Cela n’a rien à voir avec le film (…) avec son statut de célébrité », a-t-il ajouté, en assurant qu’il serait « jugé aussi équitablement que possible ».

– Arrestation ou « enlèvement » ? –

Initialement attendu le 20 août, le verdict avait été reporté d’un mois. L’avocat belge de Rusesabagina avait été expulsé le lendemain, les autorités l’accusant d’être venu travailler avec un simple visa touristique.

L’ancien hôtelier est depuis plus de 20 ans un opposant à Paul Kagame, qu’il accuse d’autoritarisme et d’alimenter un sentiment anti-Hutu.

Sa notoriété hollywoodienne lui a permis de donner un écho mondial à ses positions contre le régime.

Vivant en exil aux Etats-Unis et en Belgique depuis 1996, il a été arrêté à Kigali en 2020 dans des circonstances troubles, à la descente d’un avion qu’il pensait à destination du Burundi.

Le gouvernement rwandais a admis avoir « facilité le voyage » vers Kigali, mais affirmé que l’arrestation était « légale » et que « ses droits n’ont jamais été violés ».

Paul Rusesabagina a participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé. Mais il nie toute implication dans les attaques de 2018 et 2019.

Les cinq mois de procès ont vu des témoignages contradictoires sur son rôle.

Un porte-parole du FLN a déclaré qu’il n’avait « pas donné d’ordres aux combattants du FLN ». Un autre coaccusé a, lui, affirmé que tous les ordres venaient de lui.

– « Prisonnier politique » –

« En tant que dirigeant, soutien et partisan du MRCD/FLN, il a encouragé et permis aux combattants de commettre ces actes terroristes contre le Rwanda », a estimé l’un des procureurs, Jean Pierre Habarurema.

La famille et les proches de Rusesabagina ont dénoncé un procès qui fut une « farce du début à la fin », « un spectacle mis en place par le gouvernement rwandais pour faire taire un critique et refroidir toute dissidence future », selon la Fondation Hotel Rwanda qui le soutient.

« Mon père est un prisonnier politique (…) visé par des accusations inventées et zéro preuve ont été présentées contre lui », a affirmé en juin sa fille adoptive Carine Kanimba.

Pour une responsable de l’opposition, Victoire Ingabire, qui a passé six ans en prison pour terrorisme, le verdict ne fait guère de doute.

« Dans un pays où la liberté est limitée, tout le pouvoir est entre les mains de l’exécutif », a-t-elle déclaré à l’AFP: « Comment un juge oserait-il prendre une décision incompatible avec les volontés du président de la République? »

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