A Bois-Rouge – All Life Matters : le refuge des bêtes heureuses

Entre les diverses formes de maltraitance et de cruauté qu’ils subissent au quotidien, les dangers de la rue, et tout ce qui globalement menace leur survie, les animaux, qu’ils soient cochons, chevaux à la retraite, chats, lapins, chauves-souris, chiens, n’ont pas toujours la vie facile. Créé il y a un peu plus d’un an, All life Matters Sanctuary, à Bois-Rouge, Pamplemousses, accueille sur une superficie de 35 000 m2, une centaine de « résidents » à quatre pattes, toutes races confondues. Dans ce refuge permanent, ces rescapés y évoluent en toute liberté, sous l’oeil attentif des soigneurs et vétérinaires. Visite guidée dans cette ferme où tous les animaux sont égaux et où « all life matters ».

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Certains des protégés de Moira Van Der Westhuizen ont été sauvés de l’abattage, comme cette vache qu’elle a prénommée Daisy

Ce samedi matin-là, chiens et chats, accompagnés de leur maître ou de rescuers, attendent leur tour dans la salle d’attente de la clinique vétérinaire du refuge. La plupart des propriétaires sont venus pour la stérilisation de leurs animaux. Il y a aussi des urgences : un chat grièvement blessé avec une mâchoire disloquée provoqué par un accident, et des cas sans gravité, mais inhabituel : un tangue (hérisson) qui porte une blessure à la gencive et qui ne pouvait plus s’alimenter. Afin de le maintenir et tout en se protégeant de morsures, le maître du tangue porte des gants, tandis que Keyur Patel, le vétérinaire, l’ausculte. Ce samedi, les cas s’enchaîneront dans le bloc opératoire, pendant que l’assistante vet tranquillise les animaux dans la salle de préparation.

Pendant ce temps, un vieux chat auquel il manque une patte se joint à d’autres animaux qui ont l’air anxieux à l’extérieur. Calme, le petit pensionnaire du refuge procède à sa toilette sous un timide soleil. Le chat, clopin-clopant, les délaissera un moment pour nous suivre, accompagnée d’une soigneuse, dans la visite de ce refuge situé à Bois-Rouge, sur les terres de Terra, fondé et tenu par une Sud-Africaine, Moira Van Der Westhuizen, qui sauve et soigne des animaux abandonnés et qui sensibilise le public sur la maltraitance.

Ce havre pour animaux présente une double particularité: elle contient de vieux bâtiments en pierre, dont certains tombés en ruine, et abrite un bon nombre d’animaux de différentes espèces. Le refuge n’accueille pas seulement des animaux de compagnie, mais aussi ceux d’élevage qui étaient destinés à l’abattoir, ou qui étaient maltraités et mal nourris. Parmi les protégés de la Sud-Africaine : des chevaux à la retraite, des cochons, des singes, des chats, des chauves-souris, lapins, chiens, coqs, une chèvre, une vache, une dinde — tous se partagent harmonieusement l’espace. Ici, tous les animaux doivent apprendre à cohabiter et à s’apprivoiser. Ainsi, chiens et chats se partagent le gîte et le couvert aux côtés de chevaux, de la chèvre et des singes. Le lieu résonne d’aboiements à notre arrivée. Partagés entre la méfiance et la curiosité, une dizaine de chiens nous accueillent, queue frétillante. Ils sont accompagnés d’une chèvre plutôt robuste. Celle-ci semble être la chef de la bande, et s’approche de nous d’un pas résolu…

A l’intérieur de la bâtisse, une dizaine de chevaux, sauvés par la fondatrice du refuge, profitent d’une retraite bien méritée après une longue et difficile carrière aux courses hippiques. Une autre pièce est dévolue à quelques chats. Et à l’extérieur, des singes sautillent gaiement sur leur balançoire avant de se jeter sur un hamac de fortune. Plus loin, des employés donnent le bain à un poney.

N’étaient ces ruines, on se croirait dans un parc animal. Dans un enclos, cochons et sangliers vous dévisagent. Dans un autre, des coqs s’égosillent, des lapins remuent leurs museaux ; non loin, une dinde se dresse sur ses ergots. Les enclos et chenils ne sont jamais surpeuplés. Coussins, tapis, tunnel et jouets égaient les chiots qui font partie des nouvelles arrivées. Le chat à trois pattes se roule à nos pieds et réclame caresses et attentions.

Dans ce coin de paradis pour animaux, la plupart d’entre eux ont connu l’abandon, la maltraitance, les accidents, l’exploitation, d’autres ont été sauvés de l’euthanasie. All Life Matters Sanctuary accueille aussi des animaux victimes de négligence, d’abus et de cruauté. Parmi les protégés du « sanctuaire », une vache nommée Daisy, que Moira elle-même a sauvée de l’abattage. En plus de les nourrir, une petite équipe dévouée s’occupe de ceux qui viennent de se faire stériliser, nettoie les enclos, s’assurant que tous ont de l’eau fraîche et à manger.

« Je crois que chaque animal sur cette terre a le même droit d’être ici que nous »

Peu importe le domaine: élevage industriel, animaux abandonnés, la population est mal informée sur les conditions de vie des animaux. C’est pour cette raison que Moira Van Der Westhuizen a créé le sanctuaire All Life Matters (ALM) qui a pour mission de sensibiliser le public à leur droit à la vie. « Je crois que chaque animal sur cette terre a le même droit d’être ici que nous. C’est l’homme qui détruit la terre, pas les animaux. Chaque animal a une âme et ne mérite pas d’être tué pour la consommation humaine. J’ai récemment sauvé Daisy, une vache avant qu’elle ne soit abattue. Mes cochons ont eux été sauvés d’une ferme où ils vivaient dans des conditions absolument insalubres, sans nourriture ni eau, ils étaient affamés et la plupart avaient de terribles blessures infectées. J’adore les cochons et je vais souvent m’asseoir avec eux dans leur enclos. Ils viennent tous interagir avec moi. En fait, ils sont le troisième animal le plus intelligent du monde », dit Moira.

Etre un foyer permanent pour tous ces rescapés, tout en gérant une clinique vétérinaire, fait partie des objectifs d’ALM. La clinique est spécialisée dans la stérilisation des chiens et des chats, qu’ils aient des propriétaires ou errants. Le refuge organise aussi un programme d’adoption pour les chiots et les chatons.

Parmi ceux qui soutiennent l’action quotidienne du sanctuaire figure Paws Care and Rescue UK, un « charity » (organisme de bienfaisance) créé par la Britannique Gillian Keogh qui a été jointe ensuite par une autre Anglaise, Lisa Kendrick, à la suite de cas de maltraitance dont elles ont été témoin à leur visite à Maurice en 2017. En plus de parrainer plusieurs campagnes de stérilisation et des traitements d’animaux au refuge, l’organisme assiste aussi régulièrement les rescuers et ONG à Maurice et expatrie des chiens en Angleterre pour adoption. « A part Paws Care and Rescue UK, Forderverein Strays of Mauritius e.V est une organisation allemande à but non lucratif qui soutient également ALM dans la clinique vétérinaire pour les stérilisations et les traitements et l’adoption de chiens à l’étranger.

Pour fonctionner, ALM dépend grandement des donations et des corporate sponsorships. Ainsi, parmi les sociétés parrains régulières d’ALM, figure aussi Grit Real Estate Income Group Ltd et African Risk Transfer». Quant à Moira Van Der Westhuizen, elle finance à titre personnel, environ 60% des coûts mensuels.

Le plan à long terme pour ALM est de permettre au public de visiter le sanctuaire et d’organiser régulièrement des rencontres de sensibilisation et des ateliers pour les enfants. ALM souhaite aussi collecter suffisamment de fonds pour pouvoir contribuer efficacement à la gestion de la surpopulation de chiens et de chats à Maurice en organisant de fréquentes campagnes de stérilisation.

C’est avec un pincement au coeur que nous laissons le chat à quatre trois pattes qui nous a suivis pendant tout au long de la visite guidée, mais le pensionnaire semble être complètement indifférent de notre départ et va se prélasser au soleil.

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