Après un premier trimestre mouvementé et inédit – L’école envisagée le samedi pour rattraper le retard accumulé

Qu'une vingtaine de jours d'école depuis le 5 juillet dernier en raison des fermetures temporaires et classes en alternance

La situation sanitaire alarmante, liée à la propagation de la Covid-19 dans la communauté, tient le deuxième trimestre en otage. Un retour normal à l’école le 13 septembre prochain ne peut être envisagé pour le moment. Au ministère de l’Education, on élabore des plans pour rattraper le retard dans le programme du premier trimestre – qui comptait une vingtaine de jours d’école, voire moins selon les classes – causé par les classes en alternance et les fermetures temporaires. L’école le samedi serait à l’étude. Avec un premier trimestre inédit où la qualité de l’éducation, l’apprentissage et la performance des élèves ont pris un coup, une évaluation qualitative et quantitative de l’impact de la Covid-19 dans la communauté scolaire nous apprendrait beaucoup.

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Le premier trimestre dans les secteurs primaire et secondaire, respectivement, a pris fin vendredi dernier. Après huit semaines de classes perturbées, il s’est même terminé prématurément pour certains élèves, comme ceux d’un collège privé pour garçons. Pour une fois, ces deux semaines à venir qu’écoliers et collégiens passeront loin de leur établissement, ne seront pas boudées par leurs parents. Avec le nombre de cas de contamination à la Covid-19 qui affole les compteurs, la communauté scolaire n’a pas été épargnée par le virus. Même si la population estudiantine était réduite de près de la moitié avec la présence en alternance, la Covid-19 a frappé des élèves ainsi que le personnel des écoles.

Evaluation et correction

Pour des parents qui n’ont eu de cesse d’exprimer leur angoisse tout en envoyant – malgré la gravité de la situation sanitaire – leurs enfants à l’école, ces deux semaines de vacances apaiseront certainement leur stress. Entre-temps, ce ne sera pas des vacances pour des enseignants du secondaire principalement qui, pour beaucoup, auront à corriger les évaluations du premier trimestre et préparer le report de leurs élèves. Ce ne sera pas, non plus, des vacances pour le ministère de l’Education qui aura à définir, d’une part, des formules pour rattraper le gros retard accumulé durant le trimestre écoulé et, d’autre part, trouver le mode d’apprentissage à appliquer au cas où l’école est contrainte de fermer, non pour un jour ou deux, mais pour une plus longue durée. Car en dépit de la volonté des autorités de l’Education de maintenir les salles de classes ouvertes, la pandémie plonge tout le monde dans l’incertitude. Et pour que les fermetures d’établissement n’interrompent pas l’apprentissage, le défi pour le ministère de l’Education est d’avoir un plan prêt à l’emploi à partir du 13 septembre prochain, jour de la rentrée du deuxième trimestre. « D’ici les deux semaines de vacances, les autorités auront à réévaluer la situation. Jusqu’à quel point pourra-t-on continuer ainsi? », se demande la directrice du Service Diocésain de l’Education Catholique (SeDEC), Gilberte Chung.

Stress

Après un tour d’horizon auprès des responsables d’établissements primaires et secondaires, le constat est clair. Tous reconnaissent n’avoir pu compléter le programme du premier trimestre (40-50% pour certains collèges), et des enseignants au secondaire regrettent de n’avoir pu faire l’évaluation des non-core subjects. « Avec la valse de fermeture et réouverture des écoles, il a été difficile pour le personnel de gérer à la fois l’apprentissage et le stress », explique la directrice du SeDEC. Avec un total de 24 jours d’école pour les plus grands et 16 pour les plus petits, il a été quasiment impossible de couvrir le syllabus en entier. « Quand on reprendra l’école en septembre, on aura à boucler le programme du premier trimestre », note Alan Brunet, enseignant de mathématiques et d’Additionnal Mathematics en Grades 9 à 11 au collège du Saint-Esprit de Rivière-Noire. Ce dernier s’estime heureux d’avoir pu faire l’exercice d’évaluation avant la fin du trimestre. Notre demande auprès du ministère de l’Education pour savoir comment les autorités comptent aborder le deuxième trimestre a été, comme d’habitude, vaine. Par ailleurs, la ministre de tutelle, Leela Devi Dookun Luchoomun s’est longuement exprimée sur les antennes d’une radio privée cette semaine sur la Covid-19 et l’école durant le dernier trimestre.

Cours hybrides

Il revient que le ministère de l’Education envisage trois formules pour rattraper les jours perdus: une extension des heures de classe, une extension du calendrier scolaire avec des jours de vacances en moins et l’école le samedi. D’emblée, le syndicat des enseignants du primaire, la Government Teachers’s Union rejette l’option du samedi. Des cours hybrides (en présentiel et en ligne) pour les collégiens seront aussi une réalité si la situation sanitaire ne s’améliore pas. Parallèlement, explique Harrish Reedoye, président de la United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU), le syndicat travaille aussi sur l’extension des « périodes » allouées aux différentes matières ainsi que la possibilité de cours en ligne d’une durée d’une heure par semaine. Par ailleurs, il revient que l’allègement du syllabus pour le Primary School Achievement Certificate et le National Certificate of Education serait en cours. De son côté, le Mauritius Examinations Syndicate, nous dit-on, est suspendu aux décisions du ministère de l’Education – lui-même dépendant des directives du ministère de la Santé et du High Level Committee, avant de prendre une position définitive sur le calendrier du prochain trimestre –, avant de démarrer la préparation des questionnaires pour les examens nationaux en vue. Rappelons que le modular assessment (Science et Histoire/géographie) comptant pour le PSAC se tient à la fin du deuxième trimestre.

Classe réduite, travail double

A l’issue de ce premier trimestre, chaque école primaire et secondaire (publique et privée), au nombre total de 471 (sources: statistics Mauritius/Ministère de l’Education), aura tiré un enseignement propre à ses réalités. Dans un contexte inédit, il leur revient d’analyser ce qui a marché ou pas dans le protocole sanitaire mis en place dans leur établissement. « Au début du trimestre, nous étions comme en rodage. Une fois que nous nous sommes habitués au protocole, le reste a suivi et il est devenu normal », concède Alan Brunet. Assurer le respect des gestes barrières pendant les heures de classes et au moment de la pause n’a pas toujours été évident, tant pour les enseignants que pour les chefs d’établissements. Dans certains écoles et collèges, des enseignants ont abordé les classes scindées en deux parties non sans difficulté. Un des côtés positifs de cette stratégie est le ratio enseignant/élèves revu à la baisse. Travailler avec 15 élèves, au lieu de 30, leur a permis d’accorder une attention individuelle plus régulière qu’en temps normal. Mais le côté négatif, explique un enseignant de upper primary dans une école gouvernementale du Nord, est le travail décuplé. Si l’école est en alternance pour les élèves, tel n’est pas le cas pour les enseignants. « L’enseignant de Grade 1 va alors aider son collègue de Grade 4 et vice-versa. Mais la contrainte pour les enseignants des petites classes est de ne pas commettre d’erreur d’ordre académique s’ils font la classe aux plus grands. Pour éviter des problèmes, ils préfèrent assurer la surveillance et occuper les enfants avec des exercices oraux », explique Vinod Seegum de la GTU.

G.Chung: « On ne peut insister auprès des parents pour qu’ils envoient leurs enfants à l’école »

C’est pendant la correction des épreuves d’évaluation que les enseignants pourront mesurer l’impact des fermetures temporaires et l’école en alternance sur la performance des élèves. Toutefois, Gilberte Chung est d’avis qu’il n’est pas approprié de parler de la performance académique des apprenants dans un contexte où ces derniers ont eu très peu de contact avec l’école. Autre observation: de manière générale, des enseignants ont remarqué qu’à leur retour à l’école, après un ou deux jours de fermeture temporaire, les élèves affichent une baisse de régime. « Pour eux, rester à la maison c’est comme les vacances. Ils n’ont pas l’esprit au travail! », dit un enseignant. La déscolarisation temporaire ne permet pas, non plus, de juger la performance de l’enfant dont les proches ont décidé de ne pas l’envoyer en classes. « Dans une situation pareille, on ne peut insister auprès des parents pour qu’ils envoient leurs enfants à l’école », avance Gilberte Chung.

Ce premier trimestre bien spécial aurait enregistré un taux d’absentéisme plus élevé qu’en temps normal. Et dans les écoles qui n’ont pas connu de cas de contamination, le stress n’était pas moins présent! « Tous les jours, on se demandait ce qu’il allait se passer, s’il y aura des cas ou pas », confie un Deputy Head Master d’une école de la zone 4. Ailleurs, on explique que la détection d’un cas Covid à l’école donne, dans un premier temps, des sueurs froides. « On ne réfléchit pas très longtemps et on applique le protocole à la lettre. On appelle les autorités de la Santé, de l’Education, les parents… Et dans les 30 minutes qui suivent, ce sont des officiers sanitaires qui débarquent à l’école en PPE », indique un chef d’établissement secondaire. Qui ajoute: « Appeler les parents, c’est une autre paire de manche. Il y en a qui sont injoignables et qui se présentent à l’école le lendemain avec leurs enfants, alors que l’école est fermée pour désinfection. »

De son côté, Bashir Taleb, du syndicat des managers du privé, ne cache pas son inquiétude pour le deuxième trimestre qui se profile. Il estime que le ministère de l’Education pourrait consulter les responsables des écoles et les syndicats en vue d’une meilleure communication dans ce contexte sanitaire.

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