Assemblée nationale : Stop et encore…

— Xavier Duval, exaspéré, dit stop et met prématurément fin à sa PNQ et, encore une expulsion d’un député de l’opposition, Patrick Assirvaden

- Publicité -

— Kailesh Jagutpal, qui a adopté le « PM style », a relu le rapport de l’audit et fait la genèse de la Covid au lieu de répondre directement à la PNQ

Stop et encore. C’est ce qui résume le mieux la séance parlementaire de mardi dernier avec un leader de l’opposition qui a dit stop et qui a mis fin prématurément à sa Private Notice Question parce que Kailesh Jagutpal relisait le rapport de l’audit et faisait la genèse de la Covid au lieu de répondre sur le prix des médicaments et, encore une expulsion d’un député de l’opposition par le Speaker. Si la semaine dernière c’était Farhad Aumeer, c’était, ce mardi, autour de Patrick Assirvaden d’être invité à quitter la Chambre parce qu’il s’était élevé contre les propos tenus par Vikram Hurdoyal sur la fonctionnaire qui est tombée du dixième étage de l’immeuble Emmanuel Anquetil.

La PNQ était pourtant simple, précise et directe. Xavier Duval voulait savoir quelles sont les mesures envisagées par les autorités pour atténuer la hausse des prix des médicaments dans les pharmacies tout en maintenant la qualité des produits et en prenant en considération les observations du directeur de l’audit et l’étude de marché effectuée par la Competition Commission. Kailesh Jagutpal, qui a adopté le « PM’s style », c’est-à-dire faire une longue déclaration en guise de réponse pour limiter au maximum les supplémentaires, s’est fendu d’une interminable introduction pour expliquer les mécanismes de l’importation, la pharmacovigilance, donner des réponses au directeur de l’audit sur les failles de son ministère en relisant des passages entiers de son dernier rapport.

C’en était trop pour le leader de l’opposition qui a interrompu la lecture du ministre pour opiner que sa question portait sur les mesures mitigeant la hausse des prix des médicaments et que « he has taken no action… He should say no actions have been taken, full stop ! » What is the use of the Minister reading the Report which has been tabled in the House ? »

Le Speaker est intervenu pour dire au leader de l’opposition qu’il a eu l’occasion d’exercer le poste de Premier ministre suppléant et qu’il devrait savoir qu’il n’y a aucun contrôle sur les réponses ministérielles. Agacé, à l’évidence, par cette allusion personnelle, Xavier Duval a, d’abord, ironisé en remerciant Sooroojdev Phokeer pour ce rappel avant d’ajouter que s’il dit ne pas pouvoir contrôler les réponses des ministres « you only have control on me ! ».

Et avant même que le Speaker ne recherche des justificatifs pour sa prise de position en faveur du ministre, le leader de l’opposition a brandi la section 77 qui donne la possibilité à la présidence d’intervenir. Réponse surprenante de Sooroojdev Phokeer qui invoque son dada du moment, si ce n’est sa grande découverte : la séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif pour justifier son incapacité d’empêcher un ministre d’être hors sujet.

Le ministre de la Santé a alors pu reprendre tranquillement le fil de sa lecture en parlant des conférences de presse post-PNQ du leader de l’opposition, de la MRA, de la Dangerous Drugs Act, tout ça, avec la bénédiction du Speaker qui a même invité Xavier Duval à ne pas interrompre le ministre.

Et la litanie se poursuivra sur, cette fois, les procédures de vente de psychotropes, aux achats Covid, lesquels, a dit Kailesh Jagutpal, ont déjà été communiqués au directeur de l’audit, puis il s’est étendu sur la pandémie elle même et sur la fermeture des frontières.

« It is a total mockery ! ».

Xavier Duval n’en pouvait plus. Il est intervenu pour nouvelles fois pour dénoncer la farce ministérielle. « It is a total mockery ! ». Au Speaker qui tentait une énième explication, le leader de l’opposition a fait ressortir que comme le ministre continuait dans son envolée hors sujet, il retirait sa question. Et c’est ainsi qu’a pris fin la PNQ qui était censée renseigner la nation sur les prix des médicaments.

Le Premier ministre s’adonnera aussitôt au même exercice. A Reza Uteem qui lui avait demandé de révéler les critères pour l’octroi des Work Access Permits dans les zones rouges et du nombre jusqu’ici délivré, Pravind Jugnauth va s’embarquer dans une longue déclaration pour expliquer l’origine du WAP, comment il était obtenu, les raisons qui poussent au décret d’une zone rouge. C’est après avoir parlé de la Covid que le Premier ministre a fini par répondre et dire que, sur 109 974 demandes, 59 457 WAP et 3 permis spéciaux ont été délivrés. Il a également tenu à dire que le pays ne peut, pour des raisons socio-économiques, se permettre d’entrer en confinement. Un long détour pour arriver à l’origine de la question qui n’a pas échappé à son auteur, Reza Uteem et qui le lui a rappelé.

Pas moins de 2879 étrangers perdus dans la nature à Maurice, dont 2294 travailleurs étrangers et 585 autres personnes bénéficiant d’un visa touriste ou affaires. C’est ce qu’a indiqué Pravind Jugnauth en réponse à une question du député du PMSD Kushal Lobine. Une cellule créée au sein du Bureau des passeports et de l’Immigration se charge de traquer les personnes qui sont sur le territoire de manière illégale, a aussi déclaré le Premier ministre.

Le ministre Soodesh Callychurn, quant à lui, ne sait pas encore à combien vont se chiffrer les frais légaux liés à l’affaire Betamax devant le Privy Council après le chèque de Rs 5,68 milliards déjà tiré à l’ordre de cette compagnie. C’est la réponse surprenante qu’il a donnée au député du MMM, Aadil Ameer Meea. Ils ne sont pas encore connus, a indiqué le ministre au député, comme ne le sont pas non plus ceux encourus même pour les déplacements de la partie mauricienne. Se faisant encore plus précis, Reza Uteem a demandé quel était le montant des dépenses encourues pour les hommes de loi de la STC devant l’instance arbitrale de Singapour, la Cour suprême et le Conseil privé, mais le ministre a dit ne pas avoir cette information sous la main.

Une somme de Rs 527,842,920 millions a été recueillie de novembre 2020 à ce jour au titre de la taxe de Rs 4 imposée sur le litre d’essence et de diesel vendu à la pompe depuis avril 2020 ,puis ramené à une roupie en décembre 2020 pour alimenter le Covid-19 Solidarity Fund, a, par ailleurs, révélé le ministre du Commerce à Aadil Ameer Meea. Ces questions allaient bon train jusqu’à celles des députés Osman Mahomed et Eshan Juman sur la chute mortelle du dixième étage de l’immeuble d’un fonctionnaire du ministère de la Santé en juin dernier.

C’est le ministre de l’Administration publique Vikram Hurdoyal qui répondra à la question sur ce drame touchant une fonctionnaire attachée au département du Procurement de la Santé. Et il commencera très mal en étalant le nom de la dame et en entrant dans tous les détails des circonstances de l’affaire découlant, dit-il, de diverses enquêtes administratives. Vikram Hurdoyal fera aussi état de l’enquête menée par ses services et qui ont, selon lui, établi que « she was suffering from depression, she proceeded on prolonged sick leave on four occasions since 18 January 2021… Her absences on sick leave are duly supported by relevant medical certificates from her Consultant – Psychiatry and Psychiatrist ».

C’est deux jours après son retour au travail que « she committed this tragic and fatal act », a précisé le ministre à qui le député Osman Mahomed a demandé s’il y avait un témoin oculaire qui a vu la défunte sauter du toit de l’immeuble. Il a répondu que ce sont des officiers affectés aux ressources humaines de son ministère qui, sur les lieux, ont trouvé la chaise sur laquelle elle serait montée pour se projeter dans le vide.

Pourquoi la rétrogradation de la fonctionnaire ?

Et malgré tout ce qu’il a raconté, le ministre sera incapable de dire si l’affaire est traitée comme un suicide ou un homicide, comme le lui demandait Eshan Juman disant laisser à la police le soin de déterminer les circonstances du drame.

Il n’a pas non plus pu dire si la fonctionnaire avait été rétrogradée à son retour au travail ou si elle était soumise à des pressions au travail, sauf que ses responsabilités avaient été allégées en raison de son état de santé.

Osman Mahomed est revenu à la charge pour faire part de l’étonnement de la famille que personne du ministère n’a assisté aux funérailles de la fonctionnaire, mais le Speaker a commencé à intervenir en vue de recadrer ses questions. Sans grand succès toutefois, puisque le député a quand même lancé ceci: « It is very unusual for someone who is at the rank of Office Management Executive, which is one level below an Assistant Secretary, to be posted in a Confidential Registry, sitting on a table, facing a wall, having nothing to do. » Et c’est là aussi le Speaker qui s’est substitué au ministre Hurdoyal pour dire « do not come to any conclusion. Put your question. There is a Police inquiry going on. Try to be fair. Put your question directly ».

Après que le ministre a de nouveau étalé tous les problèmes médicaux de la fonctionnaire, Patrick Assirvaden a protesté contre cette entorse. Sooroojdev Phokeer l’a très vite menacé d’une expulsion. « Qu’est-ce que j’ai fait ? Je n’ai rien fait », a réagi le député du PTr qui a ajouté « il y a quelqu’un qui est malade quelque part ». Et le Speaker de l’inviter de se retirer de l’hémicycle.

A Arvin Boolell qui réclamait des explications, la présidence de la Chambre a invoqué le « disorderly conduct ». Alors qu’il ramassait ses affaires et qu’il voulait une explication, Sooroojdev Phokeer a lancé « the Speaker does not have to justify his decision. The ruling of the Speaker is final. The Speaker is not being cross-examined. Move out from the Chamber instantly for the rest of the Sitting ! ». Le Dr Boolell lui a dit que ce n’était pas une manière de s’adresser à un membre de l’Assemblée nationale. Fidèle à ses habitudes, il a rétorqué sur le ton de la bagarre et de la défiance en disant « this is not the way to address me ».

Après un appel à l’équité, Sooroojdev Phokeer, apparemment dépassé, va suspendre la séance pour revenir moins d’une dizaine de minutes plus tard et reprendre l’interpellation parlementaire à laquelle le Speaker mettra rapidement fin. Il a plus tard piqué de nouveau une bagarre avec le député Mahomed, alors que celui-ci réclamait des explications de Kailesh Jagutpal sur les vaccins. Un exemple de ces échanges « Why are you explaining ? Put your question ! Do not show me the hand ! Put your question ! » l’a enjoint le Speaker. « You are showing me the hand as well », répond Osman Mahomed et le Speaker: « I am showing you the hand. This is my ruling ». Au tour du député du PTr d’observer: « You are allowed to do that ?» Réponse de Sooroojdev Phokeer: « Yes, I am showing you the hand. You do not have to make a speech. Put your question directly. » Pas plus intimidé que ça, Osman Mahomed lui lance à la figure: « You are very selective on this issue, because… » Et c’est un Speaker au bord de la crise de rage qui dit: « Do not comment on the conduct of the Speaker.… you have no right to do that. Learn your Standing Orders ! »

Le Speaker attendra que Patrick Assirvaden se soit retiré de la Chambre pour faire une déclaration critiquant le député pour les propos qu’il a tenus la veille sur une radio déplorant la différence de traitement imparti à Farhad Aumeer et à Alan Ganoo. Sooroojdev Phokeer a décrété que cette déclaration constituait un outrage à la Chambre.

On aura droit à une autre illustration du niveau de l’actuelle Assemblée nationale avec le résumé des débats du Construction Industry Development Bill par le ministre des Infrastructures nationales Bobby Hureeram. Lorsqu’il a évoqué une « important issue », les parlementaires s’attendaient à une révélation, quand bien même tardive. Oh, que non, le ministre a déploré que « when it was my turn to speak on the subject, in this very Assembly and explain the purpose of each provision, not even a word has been relayed in those so-called independent Press, except one ».

Le CIDB Bill a enfin été voté après les interventions du ministre Avinash Teeluck, Joanne tour, Joseph Buisson Leopold, Sandra Mayotte, Aadil Ameer Meea, Vikash Nuckcheddy et Rajanah Dhaliah.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -