Bose Soonarane (RDPA) : « Les familles affectées par ces décès ont le droit de connaître la vérité »

« Le protocole n’a pas été respecté : des séances de dialyse de deux heures seulement, alors que quatre heures sont recommandées pour enlever toutes les toxines du corps »

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Bose Soonarane, le secrétaire de la Renal Disease Patients Association, (RDPA) avait déjà attiré l’attention, en octobre dernier, sur la détérioration de la qualité des soins aux patients souffrant de problèmes rénaux à cause du manque d’appareils de dialyse. Son inquiétude s’est transformée en crainte, réalité et colère lorsque l’hôpital de Souillac a enregistré ses premières victimes liées à la Covid. Dans cet entretien, il nous livre ses émotions et sa conviction que cette mortalité croissante est due d’abord à la Covid, mais pas que… Il se demande si on connaîtra la vérité un jour.

Le nombre de patients dialysés qui ont trouvé la mort ces derniers jours et qui continuent à l’être après avoir été infectés par la Covid ne cesse d’augmenter… Quel est votre regard de la situation ?

— Nous sommes très affectés d’apprendre la mort des patients dialysés. Nous en avons eu onze déjà. Ce n’est pas facile. Surtout pour les proches. Selon moi, la Covid-19 a contribué au décès de ces patients. Ces personnes auraient pu avoir vécu encore longtemps avec leur maladie et la dialyse. Mais la Covid a contribué, selon moi, à précipiter leur mort.

Même ceux qui sont en quarantaine ont connu le même sort. Pourquoi ?

— Exactement. Officiellement, il y a deux autres décès en quarantaine parmi les patients dialysés. Mais là encore, nous ne savons pas exactement comment ils sont morts. Depuis ces derniers jours, nous nous posons de nombreuses questions sur plusieurs choses: ont-ils eu le traitement nécessaire? Ont-ils eu un médecin à leur disposition au moment où ils ont été malades? Ont-ils pu communiquer avec l’extérieur pour informer qu’ils étaient malades? Tout cela est encore flou pour moi, et je ne sais pas dans quelle mesure nous allons pouvoir apprendre la vérité un jour.

Y a-t-il eu négligence médicale selon vous ?

— Il est difficile pour moi de l’affirmer, car cela doit être prouvé. Mais si les proches de ces patients sentent qu’il y a eu négligence médicale, ils doivent aller de l’avant pour réclamer justice. Et l’association est là et sera là pour aider et soutenir toutes ces familles. Cependant, à notre niveau, nous ne pouvons ouvrir aucune enquête pour dire qu’il y a eu négligence médicale ou pas. Nous ne sommes pas mandatés pour de telles actions.

Il y a eu des manquements, c’est évident. D’ailleurs, selon nos informations, il y a eu des patients qui ont fait des séances de dialyse de deux heures seulement, alors que quatre heures sont recommandées pour une séance de dialyse normale, car la machine prend quatre heures pour pouvoir enlever toutes les toxines dans le corps. Si l’on fait une dialyse pendant deux heures pour permettre à d’autres patients de faire leur séance, cela signifie que le protocole n’a pas été respecté. Et avec une séance réduite, le patient se retrouve avec la moitié de ses toxines encore dans le corps. Cela ne sera pas bon pour sa santé. Il y a eu des plaintes également par rapport à la qualité de nourriture reçue les premiers jours. Kan ene dimoun pas kapav mange à so faim, couma ou croire li pou kapav tenir 4h de temps dialyse ? Li pou éreinté et li même pou demande pou débranche li. Et lerla li pou amene encore toxine dans so lecorp. Tout cela a pu contribuer à provoquer une mort prématurée de ces patients. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut une enquête pour savoir ce qui s’est passé.

Mais le ministre a été très clair au Parlement mardi : il n’a aucune intention de réclamer l’ouverture d’une enquête officielle à ce sujet. Qu’en pensez-vous ?

— Les familles affectées par ces décès ont le droit de connaître la vérité. Il doit y avoir quelque part une autorité qui peut faire la lumière sur tout ce qui s’est passé là-bas. Il faut savoir comment ces patients sont morts. C’est ce que veut savoir la Renal Dialysis Association également. Et je pense que si nous n’avons rien à cacher, il faut qu’on mette tout au clair, il faut apporter des éclaircissements sur toutes ces zones d’ombres entourant ces décès.

L’option de déposition à la police pour négligence criminelle est brandie. Est-ce la voie à suivre pour connaître toute la vérité ?

— Pourquoi pas ? Nous vivons dans un pays de droit et n’importe qui peut saisir la cour pour réclamer réparation. Les proches des patients décédés qui ont vécu ces moments douloureux devraient  réclamer justice. Notre association n’a aucune autorité de le faire, mais ce qui est sûr, et je le répète, c’est que nous apporterons tout notre soutien et tout l’encadrement nécessaire à ces familles pour que justice soit rendue.

l On apprend que dans d’autres centres les conditions dans lesquelles se déroulent les séances de dialyses ne sont pas toujours adéquates et qu’il y a des manquements également. C’est une requête longtemps faite par la RDPA pour que les autorités revoient le protocole ou même sortir du système collectif dans un centre de santé à un système individuel à la maison… Où en sommes-nous aujourd’hui ?

— Même si ce n’est pas commun, un système de dialyse à domicile peut être une option. Mais aujourd’hui, la situation est telle que les patients vont dans les centres. Or, il y a un surnombre de patients pour un nombre limité d’appareils. Pour pallier ce manque, parfois les autorités sont contraintes de planifier une quatrième session, qui se termine très tard dans la soirée.

Malheureusement en raison des infrastructures, dont le Water Treatment Plant, ce n’est pas possible de mettre les appareils dans d’autres salles pour accueillir plus de patients à la fois.

C’est pourquoi en cette période de Covid, nous avons proposé que pour permettre à tous les patients de faire leur dialyse comme d’habitude, d’installer des barrières de verre entre les machines pour éviter les contacts et la propagation du virus.

Nous avons aussi demandé à tous les patients dialysés d’aller se faire vacciner. C’est important que chaque personne fasse le vaccin pour se protéger, et nous encourageons tout le personnel soignant dans les centres de dialyse à en faire autant. Autrement zot pena zot place dan enn centre de dialyse. Et si un membre du personnel soignant n’est pas vacciné, le ministère doit prendre des dispositions, soit pour le faire vacciner, soit le transférer dans un autre hôpital.

Quand un patient est sous dialyse, il y a tout un protocole à suivre dans le centre par le personnel soignant. Le patient peut arriver une demi-heure avant la séance, et subir quelques tests de routine. Avant d’être mis sous dialyse et pendant sa séance de dialyse, il faut aussi prendre sa tension. C’est important, car si le patient fait une baisse de tension, il faut débrancher, sinon cela peut lui être fatal. Il faut donc un suivi médical constant. Si ce protocole n’a pas été suivi, les patients doivent le rapporter. C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’en ce qui concerne le centre de Souillac, une enquête indépendante pourra révéler s’il y a eu des manquements à ce sujet.

La situation dans les centres de dialyses est différente de celles des centres de quarantaine. Je suis le premier à clamer qu’il y a eu des manquements. En effet, à l’hôtel, ce n’est pas l’équipe médicale qui a pris en charge les patients dialysés. De plus, les repas ont été préparés par un traiteur.

Ce qui s’est passé là-bas est déplorable. Lorsque, finalement, un psychologue est venu à la rencontre des patients démoralisés, au lieu d’une consultation confidentielle et rapprochée, les patients ont eu droit à une consultation à distance. Le professionnel restait sur la pelouse et le patient était au deuxième étage. Vous imaginez? Les patients dans les centres de quarantaine ne peuvent prendre l’air. Tout cela est important, et je suis persuadé qu’une enquête fera remonter ces problèmes en surface et nous aidera à améliorer la situation. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle j’avais demandé, après la première vague, la mise en place d’un Risk Management Plan. Avec notre expérience de la première vague l’année dernière, nous aurions dû savoir que la Covid peut attaquer n’importe qui, même des patients dialysés, et que ces gens seraient mis en quarantaine. Nous aurions dû avoir prévu une telle situation.

Le mot de la fin?

— Mon souhait est qui nous pas gagn encore enn victime. Une c’est déjà trop. Nous en sommes déjà à onze. Et nous n’en voulons pas d’autres.

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