CESSION D’ACTIONS – AIRPORT HOLDINGS LTD ÉTEND SES TENTACULES : Delisting en vue pour MK avec davantage d’opacité à la clé

  • Raj Ramlugun (actionnaire) : « Ils vont tout bâillonner ! »
  • « Manque de transparence total dans le projet de transfert d’ownership d’Air Mauritius à Airport Holdings »

Enlisée dans une crise sans précédent et désormais à la merci d’Airport Holdings Ltd, Air Mauritius, qui est une entreprise cotée, a informé les autorités boursières de la “firm intention” d’Airport Holdings d’effectuer une “mandatory offer” aux actionnaires minoritaires de la compagnie d’aviation en vue de faire l’acquisition de la totalité de leurs actions et ce, au prix de Rs 5,80 l’unité.

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Cette démarche fait suite à la cession d’actions de Rogers et la State Investment Corporation dans Air Mauritius Holding Ltd (qui détient des actions dans Air Mauritius). Mais cette initiative d’Airport Holdings, sous la férule de l’ex-agent de “check-in” Ken Arian, catapulté au poste de CEO de cette méga structure, fait tiquer.

« Quand vous êtes détenteur d’une majorité d’actions au sein d’une entité cotée, vous avez la possibilité, selon les Securities (Takeover) Rules 2010, de faire une offre de rachat auprès des actionnaires minoritaires. Air Mauritius suit donc les procédures habituelles », a dit un spécialiste boursier. « C’est la pratique, surtout lorsque les actionnaires détiennent le contrôle d’une compagnie – c’est-à-dire au-delà de 50%. Ils ont l’option de faire une mandatory offer, notamment s’ils envisagent de changer de management ou de stratégie. C’est un moyen de donner une porte de sortie aux actionnaires », poursuit-il.

Les quelque 22% d’actionnaires minoritaires ne sont toutefois pas obligés de vendre leurs actions mais si la majorité d’entre eux décide de le faire, les autres pourraient se voir confrontés à une “compulsory acquisition”. Dans certains milieux, on fait comprendre que les petits actionnaires ne seraient pas d’accord pour vendre leurs actions. « Certains ont acheté leurs actions à des prix bien supérieurs, et à Rs 5,80, ils ne récupéreront pas leur investissement initial », dit-on.

En outre, plusieurs observateurs laissent entendre que cette “mandatory offer” ne serait qu’une première étape vers le “delisting” complet d’Air Mauritius de la Stock Exchange of Mauritius. « C’est clair qu’Airport Holdings veut mettre le grappin total sur la compagnie. Elle veut avoir les coudées franches pour gérer la compagnie à sa guise, jouir de davantage de flexibilité et son objectif ultime est de radier Air Mauritius de la bourse », a fait comprendre un habitué de ce type de transactions boursières.

Tout a été prévu

Celui-ci indique que le “delisting” de la compagnie en soi « n’est pas un problème tant que cela fait partie de sa stratégie de l’entreprise », rejoignant ainsi la posture adoptée par un ancien CEO d’Air Mauritius qui faisait comprendre que la compagnie, dont l’objectif primaire est de soutenir le développement économique du pays – et non de faire des profits -, n’a pas forcément vocation à être cotée en bourse. Admettons… Mais le retrait de la compagnie d’aviation nationale de la bourse aurait d’autres implications inavouables. Elle renforcerait l’opacité entourant la gestion de la compagnie.

Selon un spécialiste boursier, Airport Holdings est en train de préparer le “delisting”. « C’est clair que cette structure veut se faciliter la tâche et ne veut pas se retrouver confrontée à des assemblées générales ou ses décisions, dépenses et ses méthodes de gestion seront constamment questionnées et débattues publiquement par les actionnaires. Elle ne voudra pas rendre des comptes sur l’utilisation des Rs 12 milliards de fonds publics. Airport Holdings ne veut pas qu’on interfère dans la gestion de la compagnie. Car tant que vous êtes cotée en bourse, vous avez des obligations, vous êtes tenus de publier vos comptes régulièrement et satisfaire une série de Listing Rules, c’est justement pour cela que le gouvernement veut “delister” Air Mauritius. »

Ce spécialise se demande si Ken Arian sera à la hauteur. « Pensez-vous que Ken Arian pourra répondre aux actionnaires lors des assemblées générales, lui qui n’a aucune compétence technique dans le domaine de l’aviation ? Le gouvernement sait ce qu’il fait. Tout a été prévu. L’objectif est qu’à l’avenir personne ne puisse plus questionner la gestion d’Air Mauritius, ni même au Parlement. » Cet avis est partagé par de nombreux observateurs rompus aux procédures boursières : « La population n’aura plus aucun droit de regard sur Air Mauritius si elle sort de la bourse. On ne pourra plus ni poser de questions, ni avoir de réponses.»

« Ils vont tout bâillonner »

Cette éventualité ne décourage pas Raj Ramlugun, actionnaire d’Air Mauritius et secrétaire de la Listed Companies Minority Shareholders Association. Il ne compte pas jeter les armes. Il souhaite obtenir un rendez-vous avec le conseil d’administration car « il y a un manque de transparence total dans le projet de transfert d’“ownership” d’Air Mauritius à Airport Holdings ». Et d’ajouter : « Nous, petits actionnaires au sein de l’association, nous ne pouvons vendre nos actions car il y a trop de questions sans réponses et la meilleure chose à faire est de tenir une assemblée générale spéciale pour les actionnaires d’Air Mauritius avant d’avaliser tout ça. »

Raj Ramlagun insiste sur le fait que bien que le gouvernement veuille « passer ça comme une lettre à la poste » une assemblée générale spéciale doit se tenir « car nous ne sommes pas d’accord sur la façon dont Air Mauritius a été gérée avant et après la Covid. »

Interrogé sur l’éventualité d’une radiation d’Air Mauritius de la bourse, l’actionnaire a déclaré : « Ils ne veulent plus répondre aux questions, ils vont prendre possession de la compagnie et tout bâillonner. Ken Arian et sa petite clique vont tout contrôler à leur guise. L’information sera cadenassée et la population ne saura plus rien, cela alors que c’est de l’argent public qui est en jeu. »

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