Charlie Hebdo, un déclic dans la coopération anti-terroriste européenne

D’abord, il y eut la sidération. Puis est venue la prise de conscience d’une impérieuse nécessité de travailler ensemble. Pour les forces de sécurité européennes, les attentats de 2015, Charlie Hebdo en tête, marquent une rupture dans l’anti-terrorisme.

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L’attentat contre la rédaction du journal, le 7 janvier 2015, est le premier de cette ampleur qui implique une équipe installée dans une capitale, Bruxelles, pour frapper dans une autre, Paris. Précédé en avril 2014 de l’attentat contre le musée juif de Bruxelles par Mehdi Nemmouche, il ouvre une séquence sanglante qui trouvera son point culminant le 13 novembre (130 morts et 350 blessés à Paris et Saint-Denis).

Une période qui fait prendre conscience aux services de sécurité français et européens que la menace a changé de dimension.

« Charlie a provoqué un électrochoc, une volonté immédiate de fluidifier et d’intensifier la coopération. Il a montré que même dans l’urgence, c’était possible », estime une magistrate française sous couvert de l’anonymat.

Louis Gautier, à l’époque secrétaire général de la Défense et de la sécurité nationale (SDGDSN), auprès du Premier ministre français Manuel Valls, évoque une rupture en France. « On passe d’un problème de sécurité intérieure à un problème de sécurité nationale », explique-t-il à l’AFP.

Et les différentes officines sont priées de travailler ensemble. « Il pouvait arriver que les services rivalisent et, sous prétexte de protéger leurs sources, partagent mal entre eux des informations. Avec Charlie, Il y a une remise en ligne par le politique”, résume-t-il.

Au plan européen, c’est aussi le moment d’une prise de conscience, ouverte symboliquement par la marche du 11 janvier à Paris, à laquelle assistent des dizaines de chefs d’Etat du monde entier. Elle basculera avec les attentats de novembre, sur fond d’accroissement des départs de jihadistes européens vers le Levant.

– « Besoin de partager » –

En 2015 « apparaît ce momentum qui permet de penser le phénomène de radicalisation de manière plus large, avec un accroissement de la coopération entre les services de renseignements et de sécurité », confirme Thomas Renard, chercheur à l’Institut Egmont de Bruxelles. « On est passé d’une logique de +besoin de savoir+ à un +besoin de partager+ ».

Depuis janvier 2015, le gouvernement belge dit avoir proposé 30 mesures contre le terrorisme et le radicalisme, la plupart d’entre elles aujourd’hui mises en œuvre, selon lui, incluant l’éradication des messages de haine, la surveillance des individus potentiellement dangereux, le renforcement des moyens des services de sécurité et l’action internationale.

La crise débouche aussi sur la création du PNR, ou registre européen des passagers aériens, en 2016. Il impose aux transporteurs de communiquer aux Etats des données sur leurs passagers, qui doivent être partagées. La France et la Belgique ont d’ailleurs défendu en juin dernier l’idée d’un PNR ferroviaire.

Claire Georges, porte-parole de l’Office européen de police (Europol), estime que la création en janvier 2016 de son Centre de lutte contre le terrorisme (ECTC) est liée à l’attentat contre Charlie Hebdo.

Paris et Bruxelles, assure-t-elle, ont réclamé de l’aide en matière d’analyses de données transnationales. Europol a envoyé divers experts. « C’est le pilote sur la base duquel nous avons créé le centre, qui compte aujourd’hui des centaines d’officiers de police envoyés à La Haye par leurs juridictions pour faire du renseignement anti-terroriste ».

Autre initiative, la mise en place là aussi en 2016 d’une plateforme d’échange sur le terrorisme islamique au sein du Counter Terrorism Group (CTG), alliance informelle de 30 services de renseignements européens.

« Elle vise à simplifier et accélérer l’échange des informations entre les services de sécurité » et comprend une banque de données sur les « foreign fighters » (combattants engagés dans un pays lointain du leur), se félicite une source au ministère de l’Intérieur allemand. « Il est important que l’échange d’informations soit continu, pour pouvoir reconnaître à temps d’éventuels déficits et réagir aux évolutions actuelles ».

Cinq ans après, la menace est restée. Il est acquis sur le vieux continent que « la sécurité est une question collective et ne peut être gérée de façon nationale », constate Richard Barrett, analyste du Global Strategy Network.

Certes, le renseignement se partage par nature avec parcimonie. Les cultures ne sont pas uniformes, la confiance pas unanime. Le bilatéral prend toujours le pas sur le multilatéral. « Il y a toujours eu des tensions entre services, à la fois au niveau national et européen et cela perdure sans aucun doute », note-t-il.

« Mais bien moins qu’avant, en particulier sur les questions de terrorisme ».

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