Coronavirus: à la frontière de Hong Kong, des vies coupées en deux par la quarantaine

Choisir sa famille ou son emploi? Pour ceux qui habitent en Chine continentale et traversent la frontière quotidiennement pour venir travailler à Hong Kong, la mesure de quarantaine imposée par le territoire représente un cruel dilemme, les obligeant de rester d’un côté ou de l’autre.

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Territoire chinois semi-autonome et grande place financière, Hong Kong avait déjà fermé la quasi-totalité de ses postes frontières avec la Chine continentale pour tenter d’endiguer l’épidémie de coronavirus.

A partir de samedi, Hong Kong applique une mesure plus drastique encore: tout voyageur venant de Chine continentale doit s’isoler deux semaines chez lui ou à l’hôtel, ou être envoyé à défaut dans un centre d’hébergement ouvert par les autorités.

Les récalcitrants encourent six mois de prison.

La mesure, annoncée mercredi et d’une durée indéterminée, a pris de court les dizaines de milliers de personnes résidant à Shenzhen, dans la province du Guangdong de l’autre côté de la frontière, où les loyers sont beaucoup moins chers, et qui se rendent chaque jour à Hong Kong pour étudier ou travailler.

A un arrêt de bus près de la frontière côté hongkongais, Billy Yiu s’apprêtait jeudi soir à faire ses adieux à son épouse et à son bébé, sans savoir quand il pourra les revoir.

Le Hongkongais de 40 ans, employé sur le territoire mais qui habite avec sa famille à Shenzhen, voit sa vie bouleversée: après être rentré jeudi une ultime fois chez lui, il est revenu vendredi à Hong Kong où il logera chez ses parents et continuera à travailler.

« Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mais que peut-on y faire? », s’est désolé M. Yiu, dont l’épouse avec leur enfant reste bloquée de l’autre côté de la frontière. « Ce n’est pas facile pour elle. Mais nous avons une employée de maison, et nous aurons des conversations par vidéo », poursuit-il.

– ‘Un pays deux systèmes’ –

La situation illustre la complexité du statut de Hong Kong: l’ex-colonie britannique a été rétrocédée à la Chine populaire en 1997 mais conserve une large autonomie, une économie de marché séparée, ainsi qu’une identité commerciale et juridique distincte.

De facto, la séparation entre Hong Kong et le reste de la Chine fonctionne comme une frontière internationale.

Pour autant, environ 600.000 personnes traversent cette frontière chaque jour, et 17% d’entre elles sont des Hongkongais habitant en Chine continentale.

L’épidémie a bouleversé l’existence des travailleurs frontaliers: les points de passage ont été graduellement fermés, pour finalement se limiter à deux seulement — en plus de l’aéroport.

William Tang, 61 ans, cadre dans la finance à Hong Kong et vivant à Shenzhen, a engagé des négociations avec son employeur pour travailler à distance ou prendre un congé.

En vain pour l’heure: « Si on n’arrive pas à trouver un compromis, alors ce sera fini », lâchait-il d’un ton désabusé jeudi, envisageant de perdre son emploi.

Des étudiants sont aussi concernés: le lycéen Sam Yau a pris jeudi un bus reliant Shenzhen à Hong Kong, avec son frère et sa mère, chargés de lourdes valises.

« Mon frère et moi, nous allons en cours à Hong Kong. Donc, on va être forcés de vivre à l’hôtel en attendant peut-être de trouver un appartement », s’inquiète-t-il. Après les avoir accompagnés, leur mère devait repartir pour Shenzhen.

– « Décision compliquée » –

Les arrivées de Chine continentale, qui s’étaient déjà effondrées de 75% ces dernières semaines, devraient désormais se tarir presque complètement.

Samedi matin, seule une poignée de personnes traversaient le pont-frontière de Shenzhen Bay.

Parmi elles, Mme Song: « Il fallait absolument que je revienne, car ma fille est scolarisée à Hong Kong », a-t-elle expliqué à l’AFP, disant accepter la quarantaine à domicile « pour le bien commun ».

Certaines professions sont exemptées de quarantaine, notamment les chauffeurs de poids-lourds, afin d’éviter une rupture d’approvisionnement pour la mégapole.

Hong Kong, encore traumatisé par l’épidémie meurtrière du Sras en 2002-2003, a identifié 26 cas confirmés du coronavirus sur son sol, dont un patient décédé cette semaine. Les autorités font face à une forte pression du public pour fermer complètement la frontière.

« Le contrôle des frontières, c’est une décision compliquée. Mais l’avantage surpasse les inconvénients si on n’a pas d’autre solution pour stopper le virus », commente Billy Yiu, résigné.

@afp

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