Coronavirus: le Dr Fauci ou l’art de corriger Trump sans le braquer

Le Dr Anthony Fauci, expert mondialement reconnu des maladies infectieuses, a déployé un nouveau talent face au coronavirus: l’art de délicatement recadrer son patron, le président américain, sans menacer son autorité.

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Presque chaque jour, ce spécialiste en immunologie au ton calme et professoral, partage une tribune avec Donald Trump pour faire le point, devant les médias, sur la réponse à la crise.

Et s’il mesure bien une tête de moins que le président, il ne s’en laisse pas compter.

Directeur de l’institut national des maladies infectieuses depuis les années 1980, Anthony Fauci, 79 ans, s’est distingué dans la lutte contre de nombreux virus, du Sida à Ebola, avec pour souci constant de fournir des informations fiables au grand public.

Face à la pandémie de Covid-19, il suit la même ligne de conduite, quitte à parfois contredire Donald Trump tenté, pour sa part, de minimiser la gravité de la crise ou de promettre une issue rapide à ses concitoyens cloîtrés chez eux.

« Je marche sur une ligne de crête », a reconnu récemment le Dr. Fauci. « Je dis des choses au président qu’il n’a pas envie d’entendre et j’ai déclaré publiquement des choses différentes de ce qu’il assure ».

« Je ne veux pas le mettre dans l’embarras » ni « jouer les durs », « je veux juste donner les faits », a-t-il ajouté dans un échange avec le New York Times.

Ainsi, quand le locataire de la Maison Blanche a laissé entendre début mars qu’un vaccin serait disponible d’ici « trois à quatre mois », l’expert a immédiatement précisé: « on n’aura pas un vaccin, on commencera les tests sur un vaccin ».

Et d’ajouter dans son accent new-yorkais rocailleux : « Comme je vous l’ai dit M. le président, il faudra un an à un an et demi » avant de distribuer un vaccin efficace et sûr.

– « Se jeter sur le micro » –

Plus récemment, Donald Trump a vanté les résultats préliminaires « très encourageants » d’un médicament antipaludéen contre le nouveau virus. Interrogé le lendemain à ce sujet, le D. Fauci a relevé que les études sur le sujet étaient encore « anecdotiques ».

Pourtant, il minimise leurs différends. « Je ne suis pas en désaccord sur le fond » avec le président, a-t-il assuré dans un entretien publié dimanche par Science Magazine.

Le président « s’exprime d’une manière que je n’aurai pas choisie parce qu’elle peut créer des incompréhensions sur les faits », mais « sur les sujets d’importance, il m’écoute », a-t-il ajouté.

Pourtant, certains de ses messages semblent se perdre. Pendant longtemps, Donald Trump a ainsi continué à serrer ostensiblement les mains de ses interlocuteurs, ignorant les appels à « la distanciation sociale » martelés par les autorités sanitaires.

« Quand vous avez affaire à la Maison Blanche, il faut parfois dire les choses une fois, deux fois, trois fois, quatre fois avant qu’elles ne soient entendues », a reconnu ce week-end le Dr Fauci. « Alors je continue d’insister… »

Et quand le tempétueux milliardaire édicte clairement une contre-vérité, juste devant lui, comme lorsqu’il reproche à la Chine de ne pas avoir communiqué « trois, quatre mois plus tôt » sur le nouveau coronavirus?

« Je ne vais pas me jeter sur le micro pour l’écarter », souligne le médecin, qui a préféré expliquer à l’entourage de Donald Trump que cela renvoyait à septembre, bien avant l’apparition des premiers cas.

Le milliardaire républicain ne semble pas lui en tenir rigueur, lui qui a déclaré lundi lors de sa conférence de presse quotidienne: « C’est un homme bien. J’aime beaucoup le Dr Fauci ».

– « Trésor national » –

Fil de pharmacien, Anthony Fauci a rejoint l’Institut national de la santé (NIH) en 1968, deux ans après son diplôme de médecine et s’est immédiatement spécialisé en immunologie.

En 1981, quand il a appris la mort de nombreux homosexuels avec des symptômes se ressemblant, « je me suis dit: oh mon Dieu on est face à une nouvelle maladie », a-t-il raconté a posteriori.

En travaillant avec les associations de séropositifs, initialement très critiques envers la réponse des autorités sanitaires, il a réussi à accélérer la distribution des médicaments antirétroviraux indispensables à leur survie.

Sous le président républicain George W. Bush, il a été l’artisan du programme Pepfar, qui a apporté de l’aide à des millions d’Africains porteurs du virus.

Décoré en 2008 pour ses efforts contre le Sida, Anthony Fauci semble encore une fois faire l’unanimité, au point que certains médias, pourtant très critiques envers l’administration de Donald Trump, l’ont qualifié de « héros américain » ou de « trésor national ».

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