COUR SUPRÊME — Pétition électorale No 8 : Le grand déballage sur la pension à Rs 13 500

Pravind Jugnauth avoue l’annonce du 1er octobre 2019 de la hausse massive de la pension sans consultations au niveau du gouvernement

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La séance d’hier dans les débats sur la pétition électorale, contestant les résultats du scrutin du 7 novembre 2019 à Quartier-Militaire/Moka (No 8), a été consacrée au grand déballage sur la pension de vieillesse. En Cour suprême, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s’est défendu en avançant qu’il n’avait pas à passer par le Cabinet ou encore le High-Powered Committee sur la hausse de la pension à Rs 13 500. « Ce n’était qu’une proposition de ce que mon gouvernement allait faire au prochain mandat », dira-t-il. Et ce, après l’aveu de Pravind Jugnauth quant à l’annonce de la hausse conséquente de la pension sans consultations. Le PM dément aussi toute interférence sur les couvertures médiatiques de la MBC durant la campagne électorale.
Pravind Jugnauth a confirmé sans l’ombre d’un doute le fait que personne au sein de son entourage n’était au courant qu’il allait annoncer une hausse massive de la pension de vieillesse jusqu’à Rs 13 500, lors de son discours au SVICC, à Pailles, à la Journée internationale des personnes âgées, le 1er octobre 2019. Il a ajouté qu’il n’a eu aucune consultation avec le ministère concerné, soit celui de la Sécurité sociale et ni le conseil des ministres ni le High-Powered Ministerial Committee on Pension Reform.
Pour lui, c’était une annonce pour faire part des projets de son éventuel gouvernement s’il obtenait un nouveau mandat. Me Robin Ramburn, Senior Counsel, a, lui, rebondi sur cette déclaration en rappelant que cette proposition importante a été faite avant la dissolution du Parlement intervenant le 6 octobre et aussi à un moment où aucun parti politique n’avait encore présenté de manifeste électoral.
Pravind Jugnauth a fait face aux questions de Me Ramburn, avocat du candidat battu, Suren Dayal. Pour démarrer la joute verbale, le Senior Counsel s’est appesanti sur l’annonce de la hausse de la pension de vieillesse jusqu’à Rs 13 500, le 1er octobre 2019 à Pailles. Il a d’abord évoqué le passé politique de Pravind Jugnauth et certaines importantes décisions prises au pouvoir.
Robin Ramburn (RR) : Nous pouvons donc dire que vous avez au moins 30 ans d’expérience sur la chose politique.
Pravind Jugnauth (PJ) : Oui.
RR : Vous êtes donc un politicien aguerri, si je puis dire ?
PJ : Je dirais plutôt que j’apprends tous les jours en politique.
RR : Vous savez donc quand faire alliance, quand se débarrasser d’un parti pour remporter une élection.
PJ : Je ne le dirais pas comme cela. L’histoire a démontré que dans toutes alliances en politique il y a des divergences d’opinions. Il y a de nouvelles alliances ou des alliances qui se brisent.
RR : En 2004, l’alliance MSM-MMM était venue avec une proposition de ciblage de la pension ou encore le subside sur le riz. Des mesures qui ont mené à une situation catastrophique pour le gouvernement n’est-ce pas ?
PJ : Je ne suis pas d’accord que ce fût catastrophique.
RR : Mais le ciblage de la pension n’a pas été bien reçu n’est-ce pas ?
PJ : Je dirais plutôt qu’il y a eu beaucoup de critiques de la part de l’opposition.
RR : Vous êtes d’accord que la pension de vieillesse est un sujet sensible ?
PJ : Je dirais plutôt un sujet important.
RR : Vous êtes d’accord qu’il est possible quelques fois que vous fassiez des annonces qui ne figurent pas dans le manifeste électoral de votre parti ?
PJ : Oui ça arrive.
RR : Comme par exemple en 2014 où rien n’a été dit sur le changement de Premier ministre, lorsque feu Sir Anerood Jugnauth vous a cédé sa place.
PJ : Il y a des choses que l’on ne peut prédire.
RR : Vous diriez qu’un manifeste électoral n’est qu’un guide ?
PJ : Non, c’est un document important. Ce document démontre la vision du parti et ce qu’il compte faire à l’avenir. Avec des mesures qui seront alors mises en oeuvre lorsque le parti obtient un mandat.

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Le discours de la discorde

Me Ramburn est alors revenu sur la déclaration du PM en Cour concernant le Feel Good Factor de 2019 qui assurerait la victoire de L’Alliance Morisien aux élections générales. Il lui a rappelé qu’il y avait aussi des défis auxquels le gouvernement devait faire face comme la croissance économique au plus bas en cinq ans de mandat, l’augmentation du chômage chez les jeunes et les femmes. Le PM devait répondre : « Malgré cela nous avons quand même remporté les élections ! ».
Abordant le volet du Metro-Express, Me Ramburn a confronté le témoin à des précédentes déclarations à l’effet que « ce projet est un gaspillage d’argent et beaucoup trop coûteux ». Le PM devait bondir pour dire «  je tiens à préciser que je n’ai jamais été contre le Metro Express ». Il a rappelé qu’à l’époque c’était un système de Light Rail qui avait été proposé mais qu’il avait pris les devants en 2014 en adressant une lettre au gouvernement indien pour qu’un quelconque contrat soit conclu après les élections générales de 2014.
Pravind Jugnauth a dit qu’il ne trouvait rien de contradictoire d’une telle dépense pour le Metro-Express en plus de l’annonce de l’augmentation massive de la pension de vieillesse, qui allait coûter Rs 25 milliards.
Me Ramburn a brandi la position de Suren Dayal pour réclamer l’invalidation des résultats du scrutin à Quartier-Militaire/Moka (No 8), soit qu’il a usé de bribes électoraux et de pratiques illégales pour remporter ces élections générales. Le PM de répliquer : «  Je ne suis pas du tout d’accord. Toutes les annonces faites étaient des propositions et l’implémentation allait se faire par la suite. Toutes ces propositions se trouvaient dans le manifeste électoral de l’Alliance Morisien ».
Puis l’audition du Premier ministre s’est articulée autour de la hausse de la pension, soit de Rs 3 723 à Rs 5 000 comme promis par l’Alliance Lepep, en 2014. Au fil des années, la pension a connu des hausses allant de Rs 200 à Rs 400 pour un montant de Rs 6 210 en 2019. Le budget de juin 2019 avait annoncé une nouvelle hausse de Rs 500.
RR : Vous annoncez dans le budget de juin 2019 une hausse de Rs 500. Rien ne vous empêchait d’annoncer une augmentation à Rs 9 000 en juin 2019 ?
PJ : Si c’était décidé je l’aurais fait.
RR : Ou bien vous l’avez annoncé en octobre pour la raison spécifique que les élections générales approchaient ?
PJ : Je ne suis pas d’accord.
RR : Le 1er octobre 2019, le Parlement n’était pas encore dissout.
PJ : Oui.
RR : Donc vous avez profité de l’occasion pour lancer votre campagne électorale n’est-ce pas ?
PJ : Non. J’ai expliqué la vision du gouvernement de toujours, à savoir l’amélioration de la qualité de vie des aînés. Mon discours touchait plusieurs sujets et j’ai aussi annoncé ce que mon gouvernement compte faire concernant la pension de vieillesse dans le futur.
RR : Le 1er octobre, vous aviez déjà une petite idée sur le calendrier politique, à savoir quand les élections générales se tiendront n’est-ce pas ?
PJ : Je n’avais aucune idée de la date.
RR : La coïncidence a fait que cinq jours après votre discours, l’Assemblée nationale a été dissoute.
PJ : C’est un fait que la dissolution de l’Assemblée nationale s’est faite le 6 octobre 2019.
RR : Vous avez donc saisi l’opportunité le 1er octobre pour lancer votre campagne, n’est-ce pas ?
PJ : Donc, de juin 2019, où une augmentation de Rs 500 a été annoncée dans le budget jusqu’aux élections générales de 2019, je me suis retenu de tout discours parlant d’une nouvelle augmentation de la pension de vieillesse.
RR : Entre le 10 juin et le 1er octobre 2019 rien n’a changé drastiquement pour venir avec une telle annonce !
PJ : C’est une proposition faite pour le prochain mandat.

Absence de consultations

Me Ramburn a demandé alors au PM : « Qui est venu avec cette décision d’augmenter la pension de vieillesse à Rs 9 000 ? ». Le témoin répondra qu’il a fait un travail de faisabilité avec des experts et les techniciens au ministère des Finances avant de pouvoir faire cette annonce.
Au sujet de la nécessité de consulter le conseil des ministres sur une décision de cette envergure, Pravind Jugnauth répondra par la négative. « Je ne suis pas d’accord. Prenons par exemple le fait que je souhaite étendre le Metro Express vers Ebène-Réduit, ou encore dans l’Est, donc je dois impérativement consulter le conseil des ministres à chaque fois. Même affaire pour les drains. Si je souhaite améliorer ou étendre les drains, je dois impérativement passer par le conseil des ministres pour évoquer tout ce que je compte faire ? »
Me Ramburn a ensuite évoqué le High-Powered Ministerial Committee on Pension Reform.
RR : Mis à part vous, comme vous dites que vous faites seul votre discours, qui était au courant de cette annonce de l’augmentation de la pension de vieillesse ?
PJ : Personne.
RR : Avez-vous consulté le High-Powered Committee avant de faire l’annonce ?
PJ : Non. Cette proposition a été travaillée avant par les techniciens. Après je dois dire que ce comité n’avançait pas.
RR : Le comité a eu l’opportunité de consulter votre proposition ?
PJ : Non.
Me Ramburn devait aussi lui faire part de l’existence d’un Technical Committee on Pension Reform. Par la suite, le PM a avoué que même le ministère de la Sécurité sociale n’était pas au courant de l’annonce prévue.  « Alors que ce ministère se doit d’être au courant de tout ce qui a trait à la pension de vieillesse, comme stipulé dans l’article 6(2) de la Constitution », rajoute Me Ramburn.
Pravind Jugnauth maintient que c’était une annonce « et non une mesure qui allait être implémentée lors du récent mandat. Sinon, évidemment que cette mesure devrait être approuvée par le Conseil des ministres ».
Au sujet de l’impact de cette annonce sur les pensionnés, le PM déclare que cela ne voulait pas dire que tous les pensionnés du pays allaient voter pour lui.
Le contre-interrogatoire de Pravind Jugnauth par Me Ramburn se poursuivra lundi prochain, notamment sur le rapport du Pay Research Bureau (PRB).

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Pravind Jugnauth : «  Aucune interférence avec les couvertures médiatiques de la MBC »

Le PM Pravind Jugnauth a été interrogé par son représentant légal, Me Ravind Chetty, SC, et l’avocat de la MBC, Me Raouf Gulbul, sur l’administration de la MBC, avant son contre-interrogatoire par Me Robin Ramburn. Face aux questions de Me Gulbul, le PM a soutenu que « le rôle du Premier ministre d’approuver la nomination du directeur général de la MBC, selon les dispositions de la MBC Act, ne fait pas de cette personne un nominé politique ». Le PM a aussi soutenu qu’il n’a «  jamais donné de directives sur l’administration de la MCB », ou encore moins qu’en sa qualité de PM, il a pu exercer une certaine pression pour couvrir ses activités politiques. Le PM devait aussi nier avoir demandé à Anooj Ramsurrun de « propager les nouvelles sur l’Alliance Morisien » pour influencer les électeurs. Face aux questions de Me Ravind Chetty, Pravind Jugnauth a démenti en bloc toutes allégations selon lesquelles il a utilisé la MBC pour une large couverture médiatique de son discours du 1er octobre 2019 à Pailles. «  Je n’interfère pas avec les couvertures médiatiques de la MBC », devait-il dire, ajoutant que le conseil d’administration opère en toute indépendance.
Répondant aux questions de Me Chetty, Pravind Jugnauth a aussi soutenu qu’il n’a pas été appelé par l’Electoral Supervisory Commission (ESC) concernant des diffusions de la MBC pendant la campagne électorale. Pour répondre aux allégations du pétitionnaire au regard du bribe électoral et que son élection et celle de ses deux colistiers élus doivent être décrétées « nulles », le PM devait soutenir que « ce sont des allégations frivoles ». Il a aussi démenti tout acte de corruption ou de pratique illégale concernant l’augmentation de la pension de vieillesse, l’accélération du rapport PRB, le One-Off Performance Bonus ou la promesse pour le remboursement des clients du SCBG. Demandant alors que la pétition électorale de Suren Dayal soit rejetée.

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