Crise sanitaire – Répercussions du Covid-19 : Les ratés du moteur de la consommation inquiètent

Les commerçants en difficulté avec le fret, la dépréciation de la roupie, les coûts fixes et la baisse du pouvoir d’achat.

La crise sanitaire et économique dans el sillage de la pandémie du Covid-19 a entraîné une baisse conséquente des achats dans les magasins depuis plusieurs mois. Ces dernières semaines, les promotions s’accumulent en vue de séduire des consommateurs qui sont davantage réfractaires aux achats non-essentiels car la crise a provoqué une baisse de leur pouvoir d’achat avec des licenciements, une réduction de salaires ou encore la crainte de se retrouver sur le marché du chômage. Les promotions visent également à déstocker la marchandise accumulée ces derniers mois et réduire les coûts de stockage des commerçants.

- Publicité -

« La baisse de fréquentation se poursuit dans les magasins ; cela s’est vu notamment dans les malls malgré la période de vacances scolaires », lâche d’emblée une commerçante basée dans un Mall. Pas mal de magasins consentent à des prix promotionnels « mais cela ne m’attire pas forcément », dit cette commerçante. Dans les milieux, on fait comprendre que ce qui affecte le plus les commerçants, ce sont le coût du fret et la dépréciation de la roupie : « Le fret ne cesse de grimper et il y a du retard dans l’acheminement des produits. Cela a un effet domino sur les commerçants et les consommateurs se concentrent sur leurs Basic Needs. »

La hausse de prix des produits importés est répercutée partiellement sur les prix au détail, souligne un commerçant, « pour amortir en partie l’augmentation de fret et de la dépréciation de roupie. » Mais tout dépend de la stratégie de chaque commerçant. Certains ont les reins suffisamment solides pour absorber 90% de la hausse des prix, mais d’autres sont plus fragiles et doivent faire d’autres choix. Le but est de trouver le meilleur équilibre possible entre renflouer la caisse et ne pas effrayer la clientèle avec des conséquences sur le moteur de la consommation.

« Les bateaux partent se promener ailleurs »

Avec la baisse du pouvoir d’achat, les commerçants estiment que le panier moyen du consommateur a baissé de 15% à 20% car ils dépensent moins et l’effet immédiat est une baisse de leurs chiffres d’affaires. La problématique du fret et de la dépréciation de la roupie revient invariablement sur toutes les lèvres : « Les marchandises n’arrivent pas en temps et à l’heure. Avant la crise, un conteneur prenait quatre à cinq semaines pour arriver, mais désormais tout a changé. Les bateaux partent se promener ailleurs, et dévient de leur route initiale. C’est une grosse problématique et pour les fêtes et on se demande si la marchandise arrivera à temps. »

Vu le contexte de crise, les consommateurs se contentent souvent de faire du lèche-vitrines, une situation qui pousse les commerçants à réfléchir à deux fois avant de passer des commandes en prévision de la fin de l’année. « En marge de la période festive qui ne va pas tarder, les commandes vont se faire mais nous comptons plutôt sur les produits plus utiles car les gens vont faire très attention au choix des cadeaux en fin d’année, et ne feront pas des achats consistants pour la plupart », font ressortir des commerçants.
Par ailleurs, de nombreux opérateurs se plaignent aussi du coût du loyer. La Landlord and Tenant Act a été amendée pour soulager les locataires comme annoncé dans le budget, mais le loyer reste toujours un fardeau en ces temps difficiles. « Les ventes baissent mais les coûts restent élevés et c’est très dur. Ce n’est pas étonnant de voir de grandes marques plier bagages, comme cela a été le cas pour Trueworths », rappelle un commerçant. C’est un fait que certains magasins ont dû réduire leur espace de vente afin d’alléger la pression du coût du loyer dans leurs coûts fixes.

Grosse perte assurée

Pour ceux qui affichent des promotions de 50 à 70%, c’est une « grosse perte assurée » mais ils sont souvent contraints de le faire. « Cela dépend du niveau de notre stock et de la périodicité des produits. Certains doivent impérativement être vendus pendant une saison précise, sinon ils ne trouveront pas preneurs et deviendront obsolètes. Par ailleurs, garder un stock est très coûteux en termes de logistique et il y a aussi la dépréciation de la valeur du produit. Plus notre marchandise reste, plus ça nous coûte de l’argent », explique le directeur d’une chaîne de magasins.

Et quid de la réouverture des frontières ? Les commerçants se réjouissent-ils du retour des touristes pour doper leurs ventes ? « Tout dépendra du type d’étrangers visitant le pays et on se demande si les touristes qu’on attend voudront faire du shopping ou préféreront la plage. Peut-être aussi que la réouverture bénéficiera aux commerçants basés dans les régions touristiques et côtières, mais le monde a changé et rien n’est acquis d’avance », souligne un autre commerçant. Et il ajoute « espérons que la réouverture nous apporte des jours meilleurs avec des volumes d’affaires plus cohérents avec les années précédentes. »

————————————

Landlord and Tenant Act : les opérateurs attendent toujours

L’article 17 de la Landlord and Tenant Act a été amendée suivant l’annonce budgétaire afin de soulager les commerçants concernant le paiement du loyer pour les mois de mars à août 2021, avec le paiement de la moitié du loyer intervenant avant la fin de l’année 2021 et le reste pouvant être payé en 2022 au moyen de 12 versements échelonnés. Mais à ce jour, les locataires d’emplacements commerciaux ne peuvent prendre avantage de cet amendement car aucune réglementation n’a encore été adoptée, bien que la loi prévoie « as may be prescribed ». La situation reste donc toujours chaotique pour plusieurs commerçants en difficulté.

————————————

Pierre-Yves Martin (directeur général de Jumbo) : « Les Mauriciens ont revu leur fréquence de sorties »

Invité à commenter la situation dans le secteur de la grande distribution, le directeur général de Jumbo, Pierre-Yves Martin, explique que, tenant compte de la « circulation active du virus depuis ces deux derniers mois, les Mauriciens ont revu leur fréquence de sorties pour faire du shopping ». Il ajoute que les clients font désormais très attention à la dépense, et que les achats d’impulsion ne sont plus de mise. Pierre-Yves Martin dit que les conséquences de la crise sanitaire, notamment avec les pertes d’emploi et le travail à mi-temps ont impacté sensiblement le revenu des ménages qui ont dû revoir leur budget de consommation. « Cela se traduit souvent par des substitutions pour des produits moins chers et dans certains cas par des coupures au niveau des emplettes avec une constance : acheter d’abord les produits de première nécessité. »

Pierre-Yves Martin précise que chez Jumbo et Jumbo Express, le pari est d’offrir « plus de choix à moins cher », avec des « offres canon » et des ventes flash en semaine, notamment sur des produits Carrefour avec un bon rapport qualité-prix. L’enseigne mise également sur son rayon Outlet avec de petits prix. « Nous avons choisi de mettre en place une stratégie commerciale très dynamique pour permettre à nos clients d’en bénéficier au maximum. Bien évidemment, nous n’avons pas systématiquement répercuté la hausse des tarifs fournisseurs et ou la hausse du fret, ce qui a un impact sur nos résultats, mais c’est un investissement pour préserver le pouvoir d’achat des Mauriciens. »
Quid des commandes de produits festifs en fin d’année ? « Le privilège d’appartenir à un grand groupe (GBH/Carrefour) nous permet d’avoir accès à différentes plateformes de “sourcing” en Europe, au Moyen-Orient et en Asie pour sélectionner des assortiments de produits répondant le mieux aux besoins de la clientèle. Même si les Mauriciens ont généralement des habitudes de consommation traditionnelles, nous estimons qu’il est de notre devoir de leur offrir des produits innovants au juste prix. Les commandes de produits festifs sont déjà bouclées et nous nous préparons à offrir une belle gamme de produits festifs : fruits de mer, dindes, foie gras, bûches, chocolats… qui feront certainement plaisir aux clients. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -