CSG : un Betamax à répétition avec un trou de Rs 5 milliards par an

L’actuaire Bernard Yen appelle les parlementaires à ne pas voter le Social Contribution and Social Benefits Bill, « a disaster in the making ! »

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La profession des actuaires est agacée, voire outrée, de la tournure que prennent les événements au chapitre de la réforme de la pension. La Contribution Sociale Généralisée (CSG) est déjà décriée depuis des mois déjà. Mais voilà que le gouvernement fait fi – encore une fois – de toutes ces observations en choisissant d’aller de l’avant avec le Social Contribution and Social Benefits Bill au Parlement, confirmant ainsi ses intentions avec la CSG, au grand dam des actuaires, économistes et de Business Mauritius qui a porté l’affaire en Cour sous forme de Judicial Review. « A disaster in the making », préviennent les actuaires. Mais pis encore; la CSG est présentée comme une Betamax Saga à répétition avec un trou de Rs 5 milliards à combler annuellement.

Bernard Yen, Managing Director de la firme Aon Solutions, et actuaire de longue expérience, ne sait plus à quel saint se vouer pour tenter de ramener le gouvernement à la raison. « Nous avons perdu un an dans un dialogue de sourds. Nous avons relayé plusieurs choses qui ne sont pas correctes avec la CSG et si on va de l’avant avec cette loi qui a été présentée le 13 juillet au Parlement, ce sera peut-être pire. »

Parce qu’elle confirme que le paiement de Rs 4 500 par mois à compter du 1er juillet 2023 pour arriver au chiffre électoralement magique de la pension à Rs 13 500. « Et qu’on sait déjà que les contributions ne seront pas suffisantes pour payer cette somme, donc le problème reste entier. On casse le NPF qui est un système bien financé et on va vers un système qui va dépendre des jeunes pour payer les vieux, alors que nous avons une population vieillissante. On est en train de s’enfoncer dans un énorme problème », résume-t-il.

Bernard Yen dernier déplore que le gouvernement n’ait toujours pas jugé bon, en un an, d’engager des consultations publiques sur cette importante réforme qui touche de près tous les travailleurs et toutes les générations à venir. Quant à Business Mauritius, aucune de ses propositions n’a été prise en compte. En désespoir de cause, Bernard Yen lance un ultime SOS aux parlementaires des deux côtés de la Chambre : « Je lance un appel aux députés de ne pas voter cette loi et j’espère que ceux qui vont voter en faveur de la loi auront la conscience claire. J’aimerais qu’ils écrivent les raisons pour lesquelles ils vont voter cette loi car ils ont une grande responsabilité envers la population. Le gouvernement persiste avec ce projet qui n’est pas viable. Avec cette loi, nous allons créer un trou financier de Rs 5 milliards par an, comme si on crée un nouveau Betamax chaque année ! » Car les actuaires s’interrogent sur ce qui va se passer si Business Mauritius remporte son cas en Cour : « Si la Cour trouve que cette loi est anticonstitutionnelle, le gouvernement devra rembourser tout l’argent. Qui va payer ? Les contribuables ? »

Le Social Contribution and Social Benefits Bill, présente en première lecture le 13 juillet, vient abroger les Contribution Sociale Généralisée Regulations de 2020 et amender la National Pensions Act. Les actuaires expliquent que le gouvernement « a essayé de rectifier certaines choses », notamment concernant les cas des Self-Employed, qui vont contribuer davantage que les Rs 150 initialement prévues par le ministre des Finances.

Toutefois, le projet de loi ouvre la porte à certaines catégories d’employés qui pourront bénéficier de la CSG à partir 60 ans, au lieu de 65 ans. Six catégories d’employés sont concernées à cet égard dont ceux de l’industrie sucrière, de l’industrie théière et de la construction. Interrogé sur le sort réservé aux fonctionnaires, Bernard Yen estime que les fonctionnaires n’ont pas besoin de la CSG. « Le secteur public devrait être en dehors de la CSG. Le secteur privé avait besoin du NPF car les fonctionnaires ont déjà leur pension. Nous sommes dans une situation de discrimination. »

Le Managing Director d’Aon Solutions maintient, par ailleurs, qu’avec le démantèlement du NPF, le marché boursier devrait en subir les conséquences dans le long terme. Le Fonds National de Pension est actionnaire au sein de grands groupes du secteur privé cotés en Bourse tels que IBL, Rogers, MCB, SBM, les groupes hôteliers et des entreprises comme Phoenix Beverages, Cim Finance, entre autres. En sus, le NPF a placé environ Rs 69,7 milliards dans des obligations d’Etat, Rs 14 milliards dans des actions et Rs 8 milliards dans des Corporate Bonds. Avec le fonds qui disparaîtra, les milliards du NPF se volatiliseront du marché boursier.

Par ailleurs, le NPF était aussi le principal acheteur des bons du Trésor du gouvernement. À ce jour, tous les spécialistes et observateurs se demandent qui va acheter les Government Bonds lorsque le NPF n’existera plus et quels seront les effets à long terme de la disparition du NPF sur le marché financier. « Si la CSG est maintenue et le NPF disparaît, le fonds devra éventuellement vendre toutes ses actions à moyen et long terme, en vue de payer les retraités », dit-on. Et si le NPF doit revendre tous ses placements se montant à quelque Rs 14 milliards au total, cela risque d’avoir des effets sur les prix de ces titres en bourse car la demande va dégringoler sur le marché boursier.

Bernard Yen insiste sur le fait que les effets néfastes de la CSG ne seront pas visibles dans le court terme : « On verra cela plus tard, dans dix ou 15 ans. Le gouvernement ne pense pas plus loin que 2023/24 car s’il pensait au long terme, il n’aurait pas introduit la CSG. » Il maintient qu’il faut consolider le National Pensions Fund, que beaucoup d’options peuvent permettre de rendre soutenable.

Entre-temps les conséquences de la CSG inquiètent les actuaires et de nombreux observateurs. « Peut-être que cette loi devrait être soumise à un référendum parce que quand nous avons porté ce gouvernement au pouvoir, il ne nous a pas dit que pour respecter sa promesse électorale, il serait contraint d’augmenter la pension de vieillesse, il aurait à démanteler le NPF ! A-t-il le droit de faire une chose pareille ? Il n’a pas de mandat pour le faire. La CSG n’a jamais été dans son programme électoral », explique-t-on.
Un autre actuaire employé dans une importante firme privée estime que ce projet de loi a un dessein bien particulier : « Faire tomber le cas de Business Mauritius en cour. » Et d’ajouter : « C’est digne d’un plan de Machiavel ! » Un jeune actuaire dira : « Padayachy est entêté et n’écoute personne malheureusement. But this is a disaster in the making, unless we start to grow our economy at the same pace as China or we are flooded with foreigners to reach a population of 2 million… All of this within the next five years. »

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